Max Savi Carmel pour cath.ch
«L’Afrique a de l’avenir à la secrétairerie d’Etat», assène un ancien étudiant de l’Académie pontificale ecclésiastique, la prestigieuse université romaine qui forme les agents diplomatiques pour le Saint Siège. «Au début, nous étions très peu nombreux», continue la même source. Selon ce prêtre nigérian subsaharien, «puisque les épiscopats occidentaux proposent de moins en moins de candidats à cause de la crise des vocations, l’Afrique devrait disposer de plus en plus d’étudiants à l’Académie».
Installée depuis 1706 à la Piazza della Minerva, l’Académie pontificale ecclésiastique fondée cinq ans plus tôt accueille chaque année une petite vingtaine de prêtres exclusivement diocésains, sur propositions de leurs évêques. Et depuis deux décennies, l’Afrique y est de plus en plus représentée. Actuellement ils sont environ cinq ou six à fréquenter l’académie pontificale. Mais il a fallu attendre 1979 pour que Mgr Kassuja, le premier nonce africain ne sorte de cette école pour entrer au service diplomatique du Vatican.
Aujourd’hui, cinq parmi les nonces apostoliques sont africains et l’avenir semble prometteur pour le continent. Car pour entrer à l’école des «ambassadeurs» du pape, il faut, être titulaire d’au moins deux licences avant 35 ans et parler couramment au minimum deux langues.
Ce qui complique la sélection à laquelle se livre Mgr Joseph Morino depuis qu’en 2019, le prélat américain préside l’Académie pontificale ecclésiastique. Avec l’entrée au presbytérat de plus en plus tardive en Europe (près de 40 ans en moyenne), le critère de l’âge devrait davantage favoriser l’Afrique qui ordonne chaque année un millier de prêtres dont l’âge moyen est de 32 ans.
Représentant le Saint Siège en tant qu’entité territoriale et Etat souverain, le nonce est aussi le «légat» du pontife romain auprès de l’Eglise catholique de son pays de juridiction. Ce qui en fait un ambassadeur pas comme les autres d’autant que le Congrès de Vienne lui confère, depuis 1815, le titre de «doyen du corps diplomatique» qu’il détient encore dans beaucoup de pays. A côté de sa mission diplomatique classique et de médiation entre le pape et la conférence épiscopale, dans la plupart des pays, ce diplomate d’un autre genre tient une liste, qu’il actualise régulièrement, pour la nomination d’évêques.
«Je suis chargé de vous informer que Son Excellence Monseigneur le Nonce Apostolique n’accorde pas d’interview». Faisant suite à notre demande d’entretien avec Augustine Kasujja, la réponse, émanant de Mgr Fabrice Rivet, son incontournable conseiller, se fera brève. A l’image du nonce apostolique en Belgique et au Luxembourg. «La confiance que le pape lui voue, il la doit à cette discrétion qui garantit l’efficacité de sa mission», constate un de ses anciens collaborateurs, aujourd’hui en poste au Vatican.
En avril dernier, le prélat ougandais en poste à Bruxelles depuis 2016, et qui n’a jamais donné une seule interview à la presse, a adressé au pape sa démission, pour «raison de limite d’âge». Augustine Kasujja n’est pas que le premier nonce apostolique d’origine africaine, nommé par Jean Paul II en Algérie et en Tunisie en 1998. A 75 ans, ce docteur en théologie aura été aussi le prélat du continent qui représentera le saint Père à l’un des postes les plus prestigieux, notamment à Bruxelles. Entré en 1979 dans le très restreint cercle des diplomates du Vatican, il a enchaîné des postes. Argentine, Haïti, Bangladesh, Portugal, Pérou, Trinité-et-Tobago, Nigeria, Algérie, Tunisie, Madagascar, l’Ile Maurice, Seychelles, les Comores ou encore l’Ile de la Réunion avant de chuter à Bruxelles, son ultime affection.
A 61 ans, l’ancien protocole de Benoit XVI est connu pour sa proximité avec le pape allemand. A la secrétairerie d’Etat à Rome, on l’appelle affectueusement «pontife des caraïbes» car Mgr Fortunatus Nwachukwu est ambassadeur du Saint Siège auprès de pas moins de 13 Etats caraïbéens. Théologien et canoniste, il fait son entrée en 1994 dans le corps diplomatique du Vatican. Après le Ghana, le Paraguay, l’Algérie et les Nations Unies à Genève, il a connu un passage de trois années à la Section pour les relations avec les Etats, équivalent de ministère de Affaires étrangères pour le Vatican. Benoît XVI en fait chef du protocole en 2007 avant de le nommer, 5 ans plus tard, Nonce apostolique au Nicaragua.
En 2017, le prélat nigérian sacré évêque en 2013 par le pape en personne un mois avant la renonciation de ce dernier est envoyé à Port-d ’Espagne. Depuis «Mary Street», où siège la Nonciature dans la capitale trinidadienne, il étend sa légation sur un pléthore d’Etats. Qu’il s’agisse de Antigua-et-Barbuda, des Bahamas, de Guyana, de la Jamaïque, de la Dominique ou encore de Sainte Lucie ou du Surinam, ce qui en faire le «pontife des Caraïbes».
Août 2020. Paré de ses ornements archiépiscopaux, Mgr Brian Udaigwé est allé dire au revoir à Louis Vlavonou, le président de l’Assemblée nationale du Bénin. Ça sera la dernière image publique du Nonce apostolique en fin de mission. Nigérian originaire du Cameroun, Mgr Brian Udaigwe aura été pendant 7 ans, Nonce apostolique auprès du Bénin et du Togo. Agé 56 ans aujourd’hui, il est le plus jeune des cinq Nonces africains en poste dans le monde. A peine ordonné prêtre en 1992, il entre précocement, à 28 ans à l’Académie pontificale ecclésiastique avant son premier poste deux ans plus tard au Zimbabwe. Il a travaillé en Côte d’Ivoire, Haïti, Bulgarie, Thaïlande avant la Grande Bretagne où il fera 5 années puis Cotonou, son premier poste de Nonce. «Le fait qu’il soit africain le rapproche de nos réalités«, avait confié Mgr Vieira, feu évêque de Djougou (nord Bénin). En juillet 2020 en marge d’une visite d’adieux, le très catholique président togolais Faure Gnassingbé dit de lui qu’il est «un discret acteur de paix et de dialogue». Depuis la rentrée diplomatique de septembre, il est en poste au Sri-Lanka.
Deux autres nonces font la fierté de l’Afrique. Il s’agit de Jude Thaddeus Okolo et de Novatus Rugambwa. Agés respectivement de 64 et de 63 ans, ils n’ont pas en commun que d’avoir étudié le droit canon, ils sont tous deux arrivés à Rome l’année suivant leur ordination. Natif de Kano (nord du Nigeria) Mgr Jude Thaddeus Okolo a servi, depuis 1990 et son entrée au service diplomatique du Saint Siège, au Sri-Lanka, en Haïti, en Suisse, en Tchéquie et en Australie. Quand Benoît XVI le nomme ambassadeur du Vatican en Centrafrique et au Tchad, c’est le cardinal Francis Arinzé, qui l’avait ordonné prêtre au Nigeria en 1983 qui le sacrera évêque à Rome.
Après avoir été nonce en République dominicaine, il occupe, depuis 2017, le délicat poste d’Irlande où les relents des conflits entre catholiques et protestants persistent. Quant à Mgr Novatus Rugambwa, on aurait dû l’appeler le «pontife du Pacifique». Après l’Angola et le Honduras, il règne sur une dizaine d’Etats dans le Pacifique. Fidji, Samoa, Tonga, Nouvelle Zélande, le prélat venu de la Tanzanie se sent, dans cette région tropicale, comme un poisson dans l’eau. (cath.ch/msc/bh)
La diplomatie du Vatican en chiffres
Le Saint Siège dispose de 108 représentations dans le monde dont 30 en Afrique suivie de l’Europe, avec 29 Nonciatures. L’Amérique et l’Asie en compte chacune 23 et l’Océanie trois. Le Vatican entretient des relations diplomatiques avec 183 pays sur les 195 que compte l’Organisation des Nations Unies (ONU). Il est représenté par des Observateurs permanents ou délégués auprès d’une vingtaine d’institutions et organisations supranationales dont l’ONU, l’Union Européenne, l’Union Africaine, la Ligue arabe ou encore l’Organisation mondiale du travail.
Max Savi Carmel
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