D’une guerre peuvent jaillir des fruits, rappelle cathobel. Et après le temps de la discorde émerge celui du rapprochement. Sur les cendres de la Grande Guerre, les religions estiment qu’elles ont un rôle à jouer. Un signe à montrer. Beaucoup espèrent un rapprochement. Sollicité de différentes parts, le cardinal Mercier, accepte d’accueillir une série d’échanges. Il faut dire que l’archevêque de Malines-Bruxelles est un héros: grand résistant, il a gagné ses lettres de noblesses durant la guerre.
De 1921 à 1927, anglicans et catholiques se retrouvent donc à cinq reprises en Brabant flamand. A côté du cardinal, on retrouve Mgr Van Roey, vicaire général et futur archevêque, mais aussi le lazariste français Fernand Portal. Dans le camp anglican, on trouve Lord Halifax, ex-président de l’Eglise d’Angleterre. Au coeur des discussions figure notamment la question de la primauté pontificale et du pouvoir des évêques.
Au fond d’eux-mêmes, les participants espèrent poser les jalons d’un véritable rapprochement. Si celui-ci ne se concrétisera pas directement, plusieurs éléments débattus à Malines enrichiront le dialogue œcuménique, et inspireront notamment les pères conciliaires de Vatican II. Ils permettront aussi d’intensifier la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, et préfigurent la visite que Michael Ramsay, archevêque de Canterbury, rendra à Paul VI en 1966.
C’est pour faire mémoire de ces échanges que les ambassadeurs belge et britannique près le Saint-Siège ont organisé un colloque à l’ambassade belge. Parmi les participants, relevons la présence du cardinal suisse Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, et du professeur d’histoire de l’Eglise Jan De Maeyer de l’Université catholique de Leuven (KUL). (cath.ch/cathobel/mp)
L’histoire des ‘Conversations de Malines’
Les ‘Conversations de Malines’ ne sont pas nées d’une inspiration isolée de leurs artisans. Au fil du XIXe siècle, la situation de l’Eglise catholique dans le Royaume Uni avait changé. Jouissant désormais de droits légaux (retrouvés en 1829), d’une hiérarchie propre (1850) et d’un nombre plus appréciable de par l’arrivée massive de travailleurs irlandais, les catholiques anglais se renforcent.
Du côté anglican, après quatre siècles de Réforme, si l’idée du dialogue n’était pas rejetée, il ne pouvait être question de se «soumettre» à Rome. Là-dessus, l’Anglais Lord Halifax et le Père Fernand Portal, religieux lazariste français, sont d’accord. Les deux amis se connaissent depuis 1899 et en parlent souvent. Mais ni le pape Léon XIII en 1896, ni la Conférence de Lambeth qui réunit tous les évêques anglicans en 1897, ne se montrent franchement favorables à une telle perspective.
A l’automne 1919, le cardinal Mercier, en quête de soutien à la reconstruction d’un pays meurtri par la guerre, entreprend un voyage aux Etats-Unis. Il y est accueilli en héros et a l’occasion de s’adresser à Detroit à la Convention générale des évêques épiscopaliens (anglicans), qu’il salue comme «frères dans la foi».
L’avenir est à l’oecuménisme
L’archevêque de Malines s’en expliquera avec Rome et avec le pape Benoît XV: l’avenir, pense-t-il, est à l’oecuménisme. Informé de l’heureuse rencontre américaine de Detroit, l’abbé Portal écrit au cardinal Mercier une lettre d’encouragement en 1920, année où la Conférence de Lambeth a lancé cette fois un véritable «appel» à l’unité. A l’automne 1921, les deux amis Portal et Halifax se retrouvent en Belgique, . Ils visitent le champ de bataille et les cimetières militaires. Le 19 octobre, le cardinal Mercier les reçoit pour un premier entretien qui n’est pas encore une ‘Conversation’. Lord Halifax et le Père Portal se retrouvent à Malines le 6 décembre 1921 pour une rencontre attendue par l’archevêque, le cardinal Mercier, entouré pour la circonstance de son vicaire général, Mgr Van Roey. Deux autres personnes sont présentes: le liturgiste Walter Howard et le doyen de Wells, Joseph Armitage Robinson. Cette première ‘Conversation de Malines’ dure trois jours, dans un excellent climat.
Après quoi, le cardinal Mercier informe de ces entretiens le nouveau pape Pie XI, qui donne son feu vert pour d’autres conversations, mais toujours en privé! Lord Halifax rend aussi compte des entretiens à l’archevêque de Canterbury.
Deux autres rencontres suivront en 1923, dans un cercle élargi à quelques autres personnalités. Les échanges sont fermes. La quatrième ‘Conversation’ a lieu les 19 et 20 mai 1925 à Malines.
Les ‘Conversations de Malines’ s’achèveront sur un mode mineur. A la cinquième entrevue, les 11 et 12 octobre 1926, deux des protagonistes manquent: le cardinal Mercier a été emporté par la maladie le 22 janvier 1926 et le Père Portal est décédé peu après. A Rome, comme en Angleterre, les préoccupations ont changé et les ‘Conversations’ ne seront pas poursuivies. (cath.ch/arch/mp)
Maurice Page
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