Cette évaluation s’inscrit dans un processus initié à la fin du pontificat de Benoît XVI. À l’automne 2020, les auditeurs de Moneyval avaient mené une inspection visant à évaluer l’efficacité du système de prévention du Vatican en matière de financements occultes.
Le rapport souligne que depuis la dernière évaluation en 2015, le Saint-Siège a «pris des mesures» en matière de sécurité financière. Il évoque notamment les différents Motu proprio promulgués par le pape François concernant le blanchiment d’argent ou l’entrée de l’Autorité de surveillance et d’information financière (l’ASIF) – la police financière du Vatican – dans le groupe Egmont, réseau international d’information financière.
Dans son évaluation, Moneyval accorde donc du crédit aux actions menées pour lutter contre le blanchiment mais déplore parfois le fait qu’elles sont encore balbutiantes.
Par exemple, les experts soulignent que le Bureau du Promoteur de Justice et la section économique et financière du Corps de Gendarmerie tracent et saisissent efficacement les produits du crime. Mais ils regrettent que ces saisies et gels d’avoirs sont trop peu souvent récupérés de manière effective à cause de l’inefficacité des procédures en place.
D’ailleurs, le comité européen pointe du doigt la longueur des enquêtes et leurs résultats «modestes» devant les tribunaux du Vatican. Une réalité peu dissuasive.
Sans faire référence à l’affaire Becciu ou à l’investissement désastreux de l’immeuble de Londres, Moneyval souligne que les affaires qui ont été largement couvertes par les médias ont mis en évidence le risque d’abus par «des personnalités de niveau intermédiaire ou supérieur». L’auditeur préconise donc de bien se concentrer sur l’articulation des menaces, aussi bien internes qu’externes.
Autre idée avancée par les experts: le fait que l’Autorité de surveillance et d’information financière (ASIF) du Saint-Siège établisse une procédure de requête auprès du pape pour «demander l’autorisation d’engager des poursuites pénales contre des cardinaux et des évêques».
Concernant les employés de l’ASIF chargés du renseignement financier, Moneyval recommande de limiter le taux de rotation du personnel, afin d’éviter notamment le risque de «perte de mémoire institutionnelle». De même, le personnel devrait bénéficier de davantage de formations et les nouveaux employés posséder «une expérience et une expertise suffisantes» en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
Les autorités vaticanes devraient en outre « recruter davantage de procureurs ayant une expérience pratique de la poursuite de la criminalité financière dans d’autres juridictions ». Elles devraient s’assurer que tous les nouveaux procureurs «travaillent exclusivement» pour le compte du Vatican.
L’expertise des enquêteurs financiers au sein de la gendarmerie vaticane devrait être renforcée et l’intégration d’experts comptables supplémentairespour des analyses financières complexes devrait être envisagée. Moneyval met en effet en lumière les lacunes du Saint-Siège en matière de renseignement financier et son incapacité à recueillir les preuves dans les temps dans le cadre des enquêtes.
Un protocole pour tous les procureurs pourrait être introduit afin de faciliter les enquêtes et les poursuites. Il comprendrait des objectifs pour l’avancement des cas afin d’aboutir vers des actes d’accusation. Moneyval demande l’édition d’un manuel opérationnel pour les nouvelles recrues – enquêteurs et magistrats – en charge des affaires de blanchiment d’argent.
L’ASIF devrait aussi optimiser sa supervision des activités financières au sein du petit État, « en revoyant notamment la fréquence des inspections complètes et la sélection des sujets pour les inspections ciblées, de façon à traiter tous les risques pertinents de manière plus évidente ».
Dans un communiqué, le Saint-Siège s’est félicité du rapport et de l’incitation de Moneyval à avancer sur la même voie. Les autorités du Saint-Siège assurent «leur propre engagement à poursuivre sur la voie de la pleine conformité avec les meilleurs paramètres internationaux et, à cette fin, évalueront soigneusement les recommandations contenues dans le rapport».
«C’était un test particulièrement important et il s’est très bien passé»; s’est réjouit Carmelo Barbagallo, le président de l’ASIF, dans un entretien livré à Vatican News.
Il a expliqué que le Vatican avait obtenu cinq jugements d’efficacité «substantielle» et six d’efficacité «modérée»; «dans aucun cas, un jugement de faible efficacité n’a été exprimé», s’est-il félicité. Les notations de Moneyval sont exprimées selon quatre niveaux d’efficacité: «faible», «modérée», «substantielle» ou «élevée».
Aucune efficacité «élevée» n’a non plus été délivrée. Mais le président de l’ASIF a tenu à rappeler qu’« à une exception près, Moneyval n’a pas encore exprimé de jugements d’efficacité «élevée» et que ceux d’efficacité «substantielle» sont rares.
Les jugements d’efficacité «substantielle» ont été obtenus par la juridiction vaticane sur «des aspects très pertinents», a-t-il ensuite détaillé, à savoir sur la coopération internationale, la surveillance, le système financier, sur les personnes morales et sur la lutte contre le financement du terrorisme. (cath.ch/imedia/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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