Des pâtes et des gardes suisses

Y a-t-il un lien entre la Garde suisse et la cuisine italienne? Des indices historiques montrent que les pâtes «alla Genovese» pourraient bien avoir affaire avec le phénomène du mercenariat helvétique en Italie.

Si l’Italie ne possède pas la bombe atomique, qu’elle n’occupe pas les premiers rangs mondiaux en matière d’économie ou de technologie, elle est cependant une toute grande puissance dans un domaine particulier: la cuisine. Des pizzas aux spaghetti en passant par les lasagnes, les plats et recettes de la Péninsule ont conquis le monde.

Pas de Gênes, et du plaisir

Mais cette hégémonie globale serait-elle en partie usurpée? C’est en tout cas la thèse que défend le journaliste américain John Allen dans un article paru sur le site catholique Crux. Ce dernier met en lumière le cas des pâtes dites «alla Genovese», dont la logique dirait qu’elles sont d’origine génoise.

Problème: ce plat est originaire de Campanie (région de Naples) et est parfaitement inconnu à Gênes. La thèse usuelle est donc que cette préparation tire son appellation d’un groupe de Génois installés dans les quartiers espagnols de Naples qui avaient coutume de la préparer vers le milieu du 19e siècle. Une variante estime qu’un pêcheur napolitain aurait mangé un plat près du port de Gênes et aurait essayé de reproduire le goût et les arômes de retour chez lui. D’autres pensent, plus simplement, que la recette a été inventée par un cuisinier portant le nom de famille ou le surnom de Genovese.

La Suisse, fabrique de guerriers

Mais il existe encore une autre hypothèse, que cath.ch retiendra avec un brin de chauvinisme, reliant la paternité du plat à la Suisse, et à la Garde pontificale.

Les Gardes suisses constituent aujourd’hui les derniers vestiges d’une présence massive de mercenaires suisses sur le sol italien. Ils ont combattu, du Moyen Age au Siècle des Lumières, pour la cause de divers acteurs politiques, dont la monarchie française, les dynasties de Naples, et bien sûr la papauté. À l’apogée du phénomène de mercenariat, plus de 8’000 Suisses combattaient sous l’étendard de Naples, formant l’épine dorsale de la force militaire du royaume.

«Alla Ginevrese»

Comme les soldats ont besoin de manger, ils ont été de tout temps accompagnés de leurs propres cuisiniers. C’est ainsi qu’à une certaine époque, Naples a abrité une forte présence de cuisiniers suisses, dont beaucoup provenaient de Genève. Or, la cuisine genevoise de l’époque était réputée pour son utilisation intensive d’oignons, notamment dans les plats à cuisson lente, mélangés à des viandes. Ce qui correspond à la recette des pâtes «à la génoise». Naples n’a pas non plus de vraie tradition de viande, ce qui rend ce plat insolite dans son contexte. Le terme «Genovese» serait ainsi finalement une déformation de «Ginevrese» qui signifie «genevois».

Malgré le faisceau de présomptions assez important en faveur de la «thèse suisse», il est à peu près certain que l’on ne connaîtra jamais la vérité. Mais comme le disent les Italiens, se non è vero, è ben trovato, ce qui signifie grossièrement: «Si ce n’est pas vrai, ça sonne bien quand même». (cath.ch/crux/arch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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