«La pratique religieuse semble amortir l’impact du stress pandémique», assure Brandon Vaidyanathan. Le président du Département de sociologie de l’Université catholique d’Amérique a dirigé l’Etude sur la santé mentale dans les communautés religieuses (Mental Health in Congregations Study, MHCS), réalisée avec l’Institut d’écologie humaine (Institute of Human Ecology), un autre organisme catholique basé à Washington.
L’enquête a porté sur des communautés catholiques, évangéliques, baptistes afro-américaines, mormones, juives réformées et orthodoxes, ainsi qu’hindouistes. Près de 40% des personnes interrogées se sont identifiées comme catholiques. L’étude a été menée entre octobre et décembre 2020 avec comme objectif d’examiner comment les communautés religieuses ont été affectées par la pandémie et si l’engagement religieux a aidé les individus à faire face sur le plan psychologique.
L’étude a réuni plus de 1’600 participants de Washington D.C., du Maryland, de Virginie et du Texas.
Les résultats ont été discutés lors d’un séminaire en ligne organisé le 21 mai 2021 par les deux organismes catholiques américains, rapporte l’agence Catholic News Service (CNS).
L’étude a notamment déterminé que les personnes ayant signalé une baisse de leur pratique religieuse depuis le début de la pandémie, avaient deux fois plus de chances de ressentir de la solitude que celles n’ayant pas signalé une telle baisse. «Les personnes actives dans les communautés religieuses ont tendance à avoir des niveaux de bien-être plus élevés et nous constatons que cela a été le cas également pendant la pandémie», affirme Brandon Vaidyanathan.
Moins de 20% des personnes interrogées ont déclaré que leur santé mentale s’était détériorée. Le seul domaine dans lequel les personnes ont signalé une détérioration de leur vie est le sentiment d’isolement. Mais seul «un très petit nombre» de participants ont signalé que le sens qu’ils donnaient à leur vie s’en était retrouvé affecté, note le sociologue.
Concernant la pratique religieuse, à peine plus de la moitié des personnes interrogées ont déclaré qu’elles prévoyaient de revenir uniquement à des services religieux en présentiel. Pour le professeur de sociologie, cela reflète le pessimisme qui régnait lorsque l’étude a été effectuée. Les chiffres de la pandémie étaient encore très élevés aux Etats-Unis, et les vaccins pas encore disponibles. 44% des répondants souhaitaient combiner le service religieux présentiel et en ligne. Presque personne n’a cependant déclaré vouloir participer uniquement à des cultes en ligne.
«Je pense qu’il y a un contingent de personnes qui n’étaient peut-être pas très religieuses avant la pandémie mais qui s’y intéressent maintenant parce qu’elles peuvent assister à des événements en ligne», relève Brandon Vaidyanathan. «Certains chefs religieux ont signalé un nombre croissant de personnes, parfois même d’autres pays, qui assistent à leurs services et cours en ligne.»
«La quantité stupéfiante de changements» qui ont touché les communautés religieuses «a été anxiogène… à un degré sidéral», souligne encore Scott L. Thumma, professeur de sociologie de la religion au Hartford Seminary (Connecticut). Pour lui, les résultats de l’enquête montrent aussi la grande capacité d’adaptation des communautés religieuses. Il est «très clair» que beaucoup de fidèles souhaitent avoir accès à une combinaison de services religieux en ligne et en présentiel. «Il y a actuellement une forte pression pour ne pas revenir au face-à-face. Les fidèles «ne voudront pas que cela disparaisse. En fait, ils risquent de se détourner du présentiel».
Scott L. Thumma dit avoir entendu le commentaire suivant: «J’ai l’impression qu’en tant qu’Eglise, nous avons vaincu la pandémie». Un membre de son séminaire a en outre affirmé que c’était «une occasion de commencer de nouvelles choses dans lesquelles nous aurions de toute façon dû tôt ou tard nous lancer».
De nombreux répondants à l’enquête ont déclaré qu’ils continuaient à assister aux services religieux quand ils le pouvaient et ont indiqué que leur lien avec leur communauté restait fort. La majorité d’entre eux n’ont signalé aucun changement dans leurs pratiques religieuses. En fait, 35 % ont déclaré que leur spiritualité s’était accrue pendant la pandémie parce qu’ils avaient pu prier ou méditer plus souvent et 17% ont dit qu’ils consacraient plus de temps à la lecture des textes sacrés.
«Parmi ceux qui sont actifs dans leur communauté de foi, la pandémie a augmenté plutôt que diminué la pratique religieuse et c’est un résultat encourageant pour les chefs religieux.»
En s’entretenant avec des leaders de communauté, Brandon Vaidyanathan a appris que certaines communautés religieuses ont connu une augmentation de la fréquentation des services religieux après avoir proposé des programmes et des services religieux en ligne.
Les résultats de l’enquête révèlent aussi qu’environ 30% des juifs orthodoxes et libéraux ont signalé une fréquentation plus assidue de leur lieu de culte depuis le début de la pandémie, contre seulement 10% environ pour les catholiques.
L’étude ne présente pas de différence notoire concernant les niveaux d’anxiété, de dépression et de colère entre les catholiques, les juifs orthodoxes, les juifs libéraux, les protestants évangéliques, les mormons, les baptistes afro-américains et les hindous.
Les chercheurs n’ont pas constaté non plus de prévalence de théories du complot sur les vaccins dans ces communautés religieuses. Ils ont également constaté que la majorité des participants étaient favorables à des comportements publics sûrs, comme le port de masques et la distanciation sociale. Ils faisaient également confiance aux médias dans la diffusion des messages de prévention. (cath.ch/cns/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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