Ce mois-ci, l’Eglise catholique allemande a célébré des mariages de couples de même sexe dans 110 églises communales. Certains prêtres ont même organisé des cérémonies sous protection policière. Ce geste de rébellion marque un conflit ouvert avec la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF) du Vatican. Publiée à la mi-mars, sa déclaration y réaffirme l’homosexualité comme «un péché» et confirme l’impossibilité pour les couples homosexuels de recevoir le sacrement du mariage.
Cette prise de position de la CDF a provoqué des divisions au sein de l’assemblée des évêques d’Allemagne. Alors que les plus conservateurs l’ont accueillie sans réserve, les plus modérés y voient une tentative de saper les efforts de modernisation de l’Eglise allemande, alors qu’elle mène depuis deux ans un chemin synodal qui étudie à la fois le sacerdoce féminin, le célibat et une révision de la morale sexuelle catholique sur la vie chrétienne en couple.
Réagissant à la pétition signée par 2’600 prêtres allemands, ainsi que par de nombreux théologiens et laïcs militant pour la bénédiction des couples de même sexe, Mgr Georg Bätzing, président de la Conférence des évêques d’Allemagne, a critiqué l’initiative des prêtres ayant célébré des mariages de couples de même sexe. Ils envoient selon lui un mauvais signal dans le contexte des discussions en cours sur la réforme de l’Eglise allemande.
Cette pétition a suscité l’inquiétude des milieux conservateurs, dont celle de l’archevêque de Cologne, Rainer Maria Woelki, qui craint que cela ne sépare l’Eglise allemande du reste de l’Eglise catholique. Affaibli, l’archevêque se trouve depuis le 28 mai dernier au centre de l’enquête ordonnée par le pape Françoise pour la mauvaise gestion présumée de cas d’abus sexuels. Si le processus aboutit à la démission de Rainer Maria Woelki, relève le site américain Crux, le pape François devra désigner un successeur, un choix très délicat qui pourrait modifier l’équilibre des pouvoirs au sein de l’épiscopat allemand durant ce processus de chemin synodal très tendu.
Ce processus synodal oppose aussi les catholiques allemands sur la question du sacerdoce féminin et de la bénédiction des couples homosexuels. Pour Aquilino Cayuela, professeur de morale et préfet des études au séminaire diocésain de Berlin interrogé par le quotidien espagnol ABC «la situation est grave parce que nombre de ces approches sont ouvertement hérétiques». Autre détracteur, l’archevêque américain Samuel Aquila, qui a aussi accusé les Allemands de s’écarter de l’orthodoxie catholique, notamment sur l’ordination des femmes et la structure hiérarchique de l’Eglise.
De son côté, le président du Comité central des catholiques allemands, Thomas Sternberg, souligne l’indépendance de l’Eglise allemande pour déterminer son organisation, ses décisions financières et le rôle que les femmes peuvent jouer, sans la consultation de Rome. «Il se peut que des résolutions soient votées à la majorité en faveur d’une réforme et que chaque évêque décide de les mettre en œuvre dans son diocèse», a-t-il expliqué au quotidien espagnol ABC. Même le pape François, rappelle-t-il, avait donné en 2019 son soutien au chemin synodal, afin de «répondre avec courage à la situation actuelle».
Malgré le rejet des conservateurs, certains considèrent que la modernisation de l’Eglise catholique est essentielle, car elle perd de nombreux fidèles en raison de cas d’abus sexuels et de la pénurie de prêtres. Bien qu’elle reste la plus grande dénomination en Allemagne, ses effectifs sont tombés à 22,6 millions en 2019, soit 2 millions de moins qu’en 2010, année où les premiers scandales d’abus sexuels sur des enfants ont été révélés. (cath.ch/infobae/crux/ja/cp)
Carole Pirker
Portail catholique suisse
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