La Fondation d’Hauterive, propriétaire des murs centenaires depuis 1966, s’apprête lancer le vaste chantier de la restauration de l’église abbatiale pour un montant de 12,1 millions de francs. La dernière rénovation de l’édifice, protégé en tant que bien culturel d’importance nationale, remonte à plus d’un siècle entre 1903 et 1913.
L’église n’est pas seulement un objet majeur du patrimoine fribourgeois, elle est surtout le lieu de vie de la communauté monastique qui s’y rassemble sept fois par jour et une fois la nuit pour y prier, soit durant quatre à cinq heures par jour, a rappelé l’Abbé Dom Marc de Pothuau. La restaurer signifie redonner aux moines et aux visiteurs un espace de paix et de beauté pour ouvrir à la rencontre avec Dieu.
Le Conseiller d’Etat Georges Godel, qui a repris la présidence du Conseil de fondation, a qualifié le chantier d’ambitieux. Sur les 12.1 millions nécessaires, 6 proviendront du plan de relance de l’économie fribourgeoise instauré par le Conseil d’Etat. Préserver le patrimoine, tout en donnant du travail aux entreprises fribourgeoises s’inscrivait parfaitement dans cette démarche, a relevé l’argentier cantonal. La Loterie romande devrait mettre une rallonge de 3 millions. Confédération et canton contribueront chacun à hauteur de 800’000 francs. L’association des amis d’Hauterive et la communauté fourniront 800’000 francs. Il restera ainsi 700’000 francs à la charge de la Fondation.
L’église médiévale est entretenue et a encore globalement assez bonne allure, admet l’architecte mandataire Jean Luc Rime. Mais a y regarder de plus près, elle souffre de maux assez sérieux. Le chantier, qui doit durer cinq ans, commencera par l’enveloppe extérieure avec le traitement des façades et des toitures, une amélioration de l’isolation thermique puis le réaménagement du parvis, notamment pour permettre son accès aux personnes handicapées.
Mais c’est à l’intérieur que la restauration sera la plus importante, en particulier autour des stalles du XVe siècle, des vitraux du XIVe et des décor peints qui s’étalent du XII au XXe siècle.
Le chauffage sera aussi un gros chantier. Aujourd’hui les moines y prient par 13 degrés. L’éclairage, la sécurité, l’électricité constitue des travaux annexes tout aussi indispensables.
«Restaurer l’espace liturgique sera un défi délicat. Entre le respect du caractère monastique des lieux, la conservation du patrimoine et le désir d’un espace manifestant mieux la communion de tous les fidèles, il faudra faire des arbitrages», relève l’Abbé. Les stalles délimitent aujourd’hui une structuration de l’espace qu’il sera difficile de changer.
Président du Conseil de bâtisse, l’ancien architecte cantonal Charles-Henri Lang, plaide pour une pesée des intérêts, dans une réflexion intelligente, sans dogmes préétablis, selon les attentes des utilisateurs. A ce stade de nombreux éléments sont encore en discussion admet-il. Les solutions dépendront aussi des résultats des recherches et des fouilles qui seront faites. Le chantier devrait pouvoir débuter encore avant l’été pour se prolonger jusqu’à 2025.
Ce chantier est incompatible avec l’utilisation quotidienne de l’église pour les offices des moines qui se déplaceront dans une chapelle provisoire installée dans l’actuel réfectoire, situé dans l’aile sud de l’abbaye, et qui sera ouverte aux visiteurs. «C’est un déplacement de 50 mètres, mais pour nous, il s’agit d’un véritable déracinement. Nous serions cependant ingrats de nous plaindre», commente Marc de Pothuau. L’Abbé conclut en s’en remettant à Dieu selon le psaume 126 chanté par les moines à l’office de none: «Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain.» (cath.ch/mp)
Plus de 900 ans d’histoire
L’abbaye d’Hauterive a été fondée en 1138, dans un méandre de la Sarine, par le seigneur local Guillaume de Glâne. Venue de Cherlieu, dans le Jura français, une communauté cistercienne s’y est installée dans le respect de la règle de Saint-Benoît, dont les principaux piliers sont la prière, le travail et la vie fraternelle.
L’église, construite entre 1150 et 1160, est un bel exemple d’architecture médiévale. De fondations romanes, elle possède un chœur gothique du XIVe siècle. Les stalles en chêne du XVe siècle ont été sculptées par Antoine de Peney. Elles présentent, en alternance, des prophètes et des apôtres. La grande verrière du choeur est en partie d’époque gothique. Elle a été remontée lors de la restautation du début du XXe siècle.
Soumise aux aléas de l’histoire religieuse et politique, l’abbaye connaît des périodes florissantes et de déclin. En 1578, un incendie détruit plusieurs édifices. Les bâtiments conventuels baroques sont reconstruits au XVIIIe siècle. A l’issue de la guerre du Sonderbund, en 1848, l’abbaye est confisquée par le régime radical qui chasse les moines. L’abbaye a accueilli successivement l’école d’agriculture puis l’école normale des instituteurs. Un nouvel incendie la ravage en 1884.
La vie monastique a disparu de Posieux durant 91 ans. C’est en 1939 qu’une communauté cistercienne, en provenance de l’abbaye autrichienne de Wettingen-Mehrerau, s’est réinstallée sur le site.
Le Grand-Conseil fribourgeois a donné en 1966 son aval à la création de la Fondation d’Hauterive. Cette fondation de droit public est propriétaire des terrains de l’abbaye et des bâtiments, qu’elle met à disposition des moines gratuitement. La fondation est responsable de l’entretien, de la conservation et de la restauration de ce patrimoine. MP
Maurice Page
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