Il est 17h17, et Jean Paul II effectue plusieurs tours en papamobile sur la place Saint-Pierre, avant de commencer son audience générale. Un homme surgit de la foule et, à trois mètres du véhicule, tire deux – ou trois, selon certains témoins – coups de pistolet sur le pontife qui s’effondre dans les bras de son secrétaire, Mgr Stanislaw Dziwisz. Il est immédiatement emmené en urgence à l’hôpital. Le Turc Mehmet Ali Ağca, un proche du groupe nationaliste turc des «Loups gris», vient de tenter d’assassiner Jean Paul II.
Touché au ventre, au coude droit et à l’index de la main gauche, le 264e pape se remettra finalement de ses blessures, non sans avoir passé de longs mois à l’hôpital. Il accorde publiquement son pardon à son agresseur le 17 mai 1981 et le rencontre en prison deux ans plus tard: un bel exemple de miséricorde chrétienne de la part du pontife qui portera pendant toute sa vie les séquelles physiques de l’attentat. Cependant, une autre cicatrice ne se refermera pas, une inflexion mariale décisive au cœur de la spiritualité du pape, résultant immédiatement de cet événement.
Le trouble va en premier lieu frapper les médecins et chirurgiens à qui est confiée la charge d’intervenir pour soigner le pape polonais. Ceux-ci ont révélé a posteriori qu’ils l’avaient opéré sans vraiment croire à la survie de leur patient, étant donné la gravité des dommages infligés sur le corps du pape par les balles. Ceci bien que les projectiles n’aient touché aucun organe vital. Nombreux sont ceux qui y voient un signe du Ciel.
Tueur professionnel, Mehmet Ali Ağca n’a bien sûr pas intentionnellement manqué son coup. Malgré son expérience et sa détermination, il n’est pas parvenu à atteindre le pape en plein cœur. Une des balles aurait été comme «déviée», déclareront certains membres du personnel médical, très perturbés par l’événement. Ils ne sont pas les seuls: dès sa rémission, cette déviation inexpliquée est interprétée par Jean Paul II comme le signe que «quelque chose» est intervenu. Il confiera plus tard avoir immédiatement pensé qu’il s’agissait de la «main» de la Vierge Marie.
Jean Paul II est convaincu de l’intervention de la Vierge de Fatima, qui aurait agi au moment fatidique pour déjouer la mort certaine qui se présentait à lui. Il lui attribue ainsi largement sa survie – même s’il remerciera évidemment pour leur travail les équipes de santé de la clinique Gemelli.
Quelques mois après être sorti de l’hôpital romain, il s’exprime sur la protection de Marie qu’il a ressentie au moment des tirs: «A l’instant même où je tombais place Saint-Pierre, j’ai eu ce vif pressentiment que je serais sauvé (…) une main a tiré et une autre a guidé la balle». Et la balle a manqué son but.
Comme le 13 mai est le jour anniversaire de la première apparition de Notre-Dame de Fatima, il rattache son salut à la Vierge protectrice du Portugal. Un an après son attentat, il se rend dans le sanctuaire marial lusitanien où il offre la balle qui l’avait frappé à l’évêque local. Celui-ci la fera sertir dans la couronne en or massif de la statue de la Vierge du sanctuaire.
Le 26 juin 2000, Jean Paul II révèle enfin, par l’intermédiaire du cardinal Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI, le troisième secret de Fatima. Par prudence, celui-ci n’avait jamais été communiqué par les papes. Bien que le contenu de ces révélations suscite encore aujourd’hui des polémiques, ce troisième mystère, assure le cardinal Ratzinger, invite à la conversion des cœurs, traite de la persécution contre l’Église et contre le Successeur de Pierre. Le pontife polonais, comme son entourage, croyait fermement à une interprétation selon laquelle la tentative d’assassinat contre lui serait l’aboutissement de ce troisième secret.
La dévotion mariale de Karol Wojtyla n’a cependant pas commencé au lendemain de son attentat. Elle est profondément enracinée dans l’âme du peuple polonais, et dans la sienne aussi. Dès son enfance, il prend l’habitude de prier Marie dans divers sanctuaires de son pays, notamment celui de la Madone noire de Częstochowa.
La Sainte Vierge, explique-t-il, a été une figure de réconfort importante après la mort de sa mère, alors qu’il n’avait que 9 ans. Une reconnaissance qu’il exprimera dès 1978, en prenant comme devise Totus Tuus (Tout à toi [Marie]), en signe de sa dévotion au Cœur immaculé de la Vierge.
Cependant, après l’événement du 13 mai 1981, Jean Paul II se retrouve totalement dévoué à Notre Dame de Fatima, qui aurait révélé trois «secrets» aux pastoureaux Jacinthe, François et Lucie en 1917. Par trois fois, il effectuera un pèlerinage sur les lieux de cette révélation pendant son long pontificat, plus que nulle part ailleurs. Il consacrera aussi le monde et la Russie au Cœur immaculé de Marie, comme la Vierge de Fatima l’avait demandé aux trois bergers.
Détail méconnu de l’histoire: le pape a été à nouveau blessé pendant son déplacement à Fatima en 1982, par un prêtre intégriste espagnol convaincu que le pontife était un agent «communiste»! Le prêtre a été arrêté et condamné à 6 ans et demi de prison. Selon le cardinal Dziwisz, qui dit avoir assisté à la scène, le pontife polonais aurait été à nouveau touché, mais beaucoup plus légèrement. Il aurait cette fois-ci gardé secrète cette attaque, mais y aurait vu un signe de plus de ce lien vital qui le reliait, en tant que pontife, à la Vierge portugaise.
Quelques mois après l’événement historique, le pape polonais a fait installer sur une façade du Palais apostolique place Saint-Pierre une mosaïque représentant la Vierge Marie, en souvenir de son intervention. La devise du pape y est aussi inscrite, signe de l’importance de la dévotion de Karol Wojtyla à la Mère de Dieu. Puis en 2006, lors du 25e anniversaire de l’attentat, une plaque commémorative est placée à l’endroit de la place Saint-Pierre où le pape a été frappé par les balles de son agresseur. (cath.ch/imedia/sw/cd/rz)
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