Tunis. Fin mars. A quelques jours de la fête de Pâques, Silvio Moreno ne prépare pas que la semaine sainte. Le prêtre argentin peaufine également ses publications spécialisées et conférences en attendant de nouvelles recherches dans les ruines ensevelies de Tunisie. «La Covid-19 nous a conduits à suspendre nos activités», regrette le religieux de la Congrégation du Verbe Incarné. Il s’impatiente d’autant plus que plusieurs fouilles archéologiques prévues pour 2020, et auxquelles il devrait participer, ont dû être reportées.
A côté de sa vocation missionnaire, l’Abbé Silvio Moreno «chasse» les traces du passé chrétien à travers édifices, nécropoles, églises et autres monuments ensevelis en terre tunisienne depuis une quinzaine de siècles.
Après son ordination en 2005 en Argentine, le Père Moreno part l’année suivante à Rome pour des études de théologie morale à l’Angelicum. Mais sa passion pour les martyrs chrétiens des premiers siècles ne le lâche pas. «Je suis impressionné par la solidité de la foi des premiers chrétiens», relate-t-il. Une foi dont «témoignent la liturgie, l’architecture et l’art» de ces devanciers dans la foi. D’ailleurs, «la culture, en ce temps, était bâtie autour de la foi», constate le religieux, depuis 2019 membre associé de l’Ecole archéologique italienne de Carthage (SAIC).
Cette institution lui permet de confronter ses recherches quotidiennes avec d’autres chercheurs et experts, croyants ou non et de pouvoir travailler «dans une équipe diversifiée et riche». Son objectif étant, depuis son arrivée en Tunisie en 2010, de «faire connaître les racines chrétiennes de ce pays» à travers la recherche archéologique et historique.
Ce qui ne l’éloigne pas pour autant de sa vocation première de pasteur car Silvio Moreno est aussi responsable de la Cathédrale Saint-Vincent-de-Paul de Tunis. Alors que sa foi chrétienne aurait pu être un frein dans ce pays musulman, «il n’en est rien, insiste le prêtre, bien au contraire: le fait d’être prêtre et donc astreint au célibat suscite curiosité chez nos frères musulmans», selon le Père Moreno qui évoque «une différence enrichissante». En attendant de pouvoir repartir sur le terrain, le prêtre-archéologue se remémore avec émerveillement ses découvertes passées.
Février 2019. A Tozeur (centre-ouest de la Tunisie), aux confins de l’Atlas et du Sahara, après un mois de fouille avec l’Institut National du Patrimoine (INP), une découverte a marqué la vie du missionnaire: une église de campagne du Ve siècle dans son intégralité. Le plus merveilleux pour le prêtre, c’est l’autel «retrouvé intact». «La quantité de basiliques et de mosaïques chrétiennes ensevelies sous le sol tunisien est vertigineuse», estime le prêtre qui voit dans chaque découverte à laquelle il a participé, «un signe et un appel pour la foi chrétienne».
Le Père Silvio Moreno espère que la fin de la crise sanitaire permettra de reprendre des fouilles programmées en 2020, aussi bien dans la nouvelle nécropole chrétienne de Bulla Regia (nord-ouest) que dans les édifices chrétiens découverts au Numluli (centre-nord).
Dans son bureau de la Cathédrale, Silvio (comme on l’appelle affectueusement ici) passe en revue, avec une nostalgie qu’il peine à cacher, les premiers siècles de la chrétienté pour lesquels «la Tunisie fut une terre fertile». Augustin d’Hippone, Saint Cyprien de Carthage ou encore, Saint Fulgence, Perpétue et Félicité et tant des martyrs» sont nés ou ont vécu ici et ont laissé des traces de leur foi» rappelle celui pour qui, chaque découverte archéologique est «un témoignage de la foi et de l’évangile».
Dans un pays où les chrétiens sont minoritaires, ces découvertes constituent un «appel à vivre ensemble». C’est un rappel qu’avant l’Islam, le pays des jasmins fut une terre de chrétienté, «un rappel enrichissant pour la culture tunisienne et vivifiant pour notre foi». Entre la vie en communauté et son quotidien de pasteur, il multiplie les publications sur ces merveilles qu’il exhume du sol tunisien, sur un site spécialisé: archeologiechretienne. «Je souhaite retourner sur le terrain Le plus vite possible». (cath.ch/msc/bh)
Bio express
-1982: Naissance à Mendoza, en Argentine.
-1999 – 2005: Etudes de philosophie et de théologie au Séminaire de la Congrégation du Verbe Incarné en Argentine.
-2005: Ordination sacerdotale en Argentine.
-2006: Arrivée en Italie pour des études de Théologie morale à l’Angelicum (Rome) mais aussi de latin classique à l’Université archéologique chrétienne de Rome.
-2010: Arrivée en Tunisie, comme Vicaire à la Cathédrale de Tunis.
-2018: Nommé Responsable de la Cathédrale de Tunis.
Max Savi Carmel
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