Jésus est-il vraiment mort sur la croix?

La résurrection de Jésus est au cœur de la foi chrétienne. Des sceptiques ont toutefois attaqué cette croyance en mettant en doute que Jésus soit réellement mort sur la croix, le Vendredi Saint. Tour d’horizon des thèses qui opposent deux camps depuis des siècles.

Comment Jésus a-t-il pu apparaître à ses proches après avoir été déclaré mort sur le Golgotha? Certains ont à cela une réponse très simple: il était en fait bien vivant. Des thèses font référence à un «complot» organisé par ses disciples pour faire croire à sa résurrection. Elles mettent en jeu l’administration d’une substance qui aurait produit l’illusion de son décès.

Plus réalistiquement, il a été considéré que la crucifixion avait abouti à une profonde syncope que les bourreaux du Christ avaient interprétée comme sa mort clinique. Facile d’expliquer ensuite que les partisans de Jésus de Nazareth aient utilisé divers stratagèmes pour extraire leur «chef de file» du tombeau.

Un vieux serpent de mer

Des thèses qui sont en fait loin d’être nouvelles. Elles constituent plutôt un coriace «serpent de mer» qui surgit régulièrement des eaux. Au début du 19e siècle déjà, le théologien et exégète allemand Heinrich Paulus s’était rendu célèbre pour avoir proposé des explications rationnelles des miracles de Jésus et notamment de la résurrection. Il estimait que la grandeur du Nazaréen résidait uniquement dans les valeurs morales qu’il défendait. Un exemple plus récent est le livre de l’historien français Frédéric Armand Jésus est-il mort sur la croix?, sorti en 2018, qui exhume la thèse de la syncope.

Jésus suant du sang au Jardin des oliviers | © Bibliothèque de Nancy

La question de la mort réelle de Jésus taraude ainsi depuis très longtemps des experts de disciplines très diverses, et même des artistes. Elle sous-tend en particulier la trame du roman L’Evangile selon Pilate, d’Eric-Emmanuel Schmitt (2000). L’auteur belge y raconte l’enquête approfondie menée par le préfet de Judée sur les événements de la crucifixion. C’est également l’intrigue du film La résurrection du Christ (Risen-2016), du réalisateur américain Kevin Reynolds.

Sueur de sang

De nombreuses forces de recherches se sont donc portées sur cet épisode biblique crucial, avec des résultats plus ou moins convaincants. Beaucoup d’éléments du récit de la Passion ont tout de même trouvé une explication scientifique plausible. C’est notamment le cas de la «sueur de sang» du Christ. «Étant en agonie, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à terre», écrit Luc (22; 40-44) sur la dernière nuit de Jésus avant son supplice, à Gethsémani.

Dans un article paru en 1965 dans la Revue de l’Association médicale de l’Arizona, le docteur C. Truman Davis relève que nombre des scientifiques contemporains ont tenté de démontrer l’impossibilité d’un tel événement. Le médecin américain fait toutefois valoir que le très rare phénomène «d’hématidrose», ou ‘sueur de sang’ – bien décrit dans la littérature médicale- permet d’expliquer ce passage biblique. D’après ce syndrome, les capillaires minuscules des glandes sudoripares peuvent, sous le coup d’une forte angoisse, éclater, provoquant ainsi le mélange de la sueur et du sang.

D’autres aspects du récit de la Passion sont jugés réalistes au vu des données historiques et archéologiques disponibles.

Multiples détresses

Mais, le point le plus scruté et discuté – car le plus sensible – concerne bien évidemment les causes présumées de la mort du Christ. Les partisans d’un Jésus «non mort sur la croix» mettent en avant deux éléments: le décès (trop) rapide de Jésus et le coup de lance destiné à vérifier son trépas.

«Même vivant au moment d’être mis au tombeau, Jésus aurait difficilement pu survivre»

Les Evangiles relèvent bien l’étonnement de Ponce Pilate lorsqu’il apprend que Jésus est mort quelques heures seulement après sa mise en croix. Les historiens s’entendent sur le fait que les suppliciés restaient habituellement accrochés plusieurs jours avant de rendre l’âme. Ils mouraient le plus souvent de déshydratation ou d’asphyxie.

Jésus est mort sur la croix plus rapidement que les autres crucifiés | © Petar Milosevic/National Gallery of Slovenia/wikimedia/CC BY-SA 4.0

Mais le cas de Jésus de Nazareth était inhabituel. Pilate l’avait en effet fait fouetter en espérant que cela suffirait à calmer la foule. Lorsqu’il fut cloué sur la croix, il était ainsi déjà dans une condition physique extrêmement précaire. L’instrument utilisé pour sa flagellation était un flagrum, un petit fouet avec plusieurs lourdes lanières de cuir aux bouts desquelles étaient attachées des boules de plomb. Les historiens pensent que le Christ a forcément subi des dizaines de coups de cet instrument de torture. Or les boules de plomb du flagrum causent rapidement, selon C. Truman Davis, de larges et profonds hématomes qui éclatent sous les coups répétés, causant d’importantes pertes de sang. Le médecin français Jean-Maurice Clercq, qui a écrit en 2011 La Passion de Jésus, estime que le supplice avait déclenché «une détresse cardio-respiratoire consécutive aux oedèmes importants engendrés aux séreuses du cœur et des poumons».

De quoi Jésus est-il mort?

L’état de faiblesse du condamné ne lui permettra même pas de porter jusque sur la colline du Golgotha la partie transversale de sa croix. L’enfoncement des clous et le positionnement du crucifié aggraveront encore sensiblement cette condition.

C. Truman Davis estime que le Christ est ainsi mort non pas d’une asphyxie, comme beaucoup de crucifiés, mais d’une «défaillance cardiaque due à la commotion et au blocage du cœur provoqué par l’écoulement du fluide dans le péricarde». Le docteur Clercq penche pour un décès provoqué par un «phénomène de décompensation systémique» fortement aggravé par une détresse respiratoire et cardiaque.

Crucifixion. Manuscrit du 6e siècle provenant du Moyen-Orient et conservé à Florence ¦© Bernard Litzler

D’autres théories ont bien sûr vu le jour. Dans un article de 2006, le Journal of the Royal Society of Medicine (Angleterre) note qu’au moins dix hypothèses différentes sur les causes médicales de la mort de Jésus ont été posées depuis 1847. Elles vont de l’asphyxie à l’arrêt cardiaque en passant par «l’abandon volontaire de la vie».

L’eau et le sang

D’autres spécialistes prétendent également, comme il a été dit, que Jésus n’était pas vraiment mort lorsqu’il a été enlevé de la croix. Ils s’appuient généralement sur le passage des Ecritures relatant le coup de lance du légionnaire romain au flanc du Christ. Celui-ci aurait en effet fait jaillir de la plaie de l’eau mêlée à du sang. Or, un tel jaillissement ne peut en théorie pas sortir d’un cadavre, dont le sang s’est considérablement épaissi et n’est plus activé par le coeur.

Nombre d’experts ne sont cependant pas d’accord avec cette hypothèse. Ils notent que ce détail ajoute, au contraire, de la plausibilité au récit. Le docteur Clerq explique que la flagellation avait provoqué un important épanchement de liquide pleural (-de la plèvre- membrane reliée aux poumons). C’est ce fluide incolore, pouvant tout à fait être reconnu comme de l’eau, qui aurait giclé après la perforation du flanc de Jésus, en étant mêlé à du sang résiduel. Certains auteurs précisent que, même si le crucifié n’avait été à ce moment-là qu’agonisant, une telle blessure l’aurait de toute façon assez rapidement tué.

Mort assurée au tombeau

Mais même vivant au moment d’être mis au tombeau, Jésus aurait difficilement pu survivre. Dans L’Evangile selon Pilate, Eric-Emmanuel Schmitt souligne que les épices et aromates entreposés dans le caveau pour l’aseptiser et accompagner le défunt – principalement la myrrhe et l’aloès – créaient après sa fermeture une atmosphère irrespirable et rapidement mortelle.

Finalement, même si les indices sont importants et intéressants à passer en revue, il est clair que rien de définitif ne peut être affirmé quant à un événement s’étant produit il y a plus de 2000 ans. Il est probable qu’aucun élément archéologique ne vienne plus éclairer la réalité du récit de la Passion. Et même si cela devait arriver, les chrétiens s’appuieront toujours davantage sur leur conviction profonde que le Christ a bien vaincu la mort. (cath.ch/arch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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