«Ce n’était pas ma liberté d’aller à la guerre, mais celle d’en partir m’appartient plus que jamais», estime le narrateur de la nouvelle Vivre ou mourir, de Bénédicte Sahli. La jeune autrice raconte comment le tourbillon de la Grande guerre emporte un jeune Français de la campagne, qui ne comprend pas grand-chose à ce qui lui arrive. Il est mis devant le choix ultime de faire cette guerre inconcevable ou de déserter.
Il s’agit de l’un des dilemmes poignants, clivants, parfois destructeurs, auxquels sont confrontés les personnages des douze nouvelles présentées dans Le choix. L’ouvrage est l’aboutissement d’un concours lancé en 2019, dans le cadre des 60 ans de la revue culturelle jésuite choisir, basée à Genève.
Le mot d’ordre était «ouvrir les portes du désir d’écrire», souligne Lucienne Bittar, rédactrice en chef du magazine. Encourager les jeunes, baignant aujourd’hui dans un monde d’images, à ne pas oublier le «papier». Car depuis ses débuts, choisir cultive l’amour de la littérature. Nombre d’écrivains ont planté ou plantent encore dans ses pages leurs graines de savoir et de sagesse. Parmi eux, le poète mystique George Haldas, décédé en 2010, l’écrivain vaudois Eugène ou le traducteur et poète Gérard Joulié.
Une alchimie entre culture et spiritualité complètement dans l’esprit jésuite. «A choisir, nous restons convaincus que la culture est le terreau de la maturité humaine», écrit ainsi le directeur de la revue, Pierre Emonet, dans la préface du recueil. «A condition de ne pas être au service d’une pensée unique, la manière dont un groupe vit, pense, sent, organise un système de valeurs, constitue le biotope dans lequel peut prendre racine un message spirituel», poursuit le prêtre jésuite.
Dans cet esprit d’ouverture, Le choix ne regroupe pas des récits à portée directement spirituelle ou religieuse. Les jeunes auteurs y exposent en toute liberté leurs expériences, valeurs et questionnements, souvent bien profanes. Une liberté d’écriture qui a paru dès le début absolument nécessaire aux organisateurs du concours, relève Lucienne Bittar.
La journaliste a été enthousiasmée par les nouvelles envoyées à la rédaction. Des histoires qui l’ont beaucoup touchée et qui avaient l’avantage décisif de «sonner vrai». Vie de couple, guerre, migration, environnement, transmission…, les préoccupations des jeunes auteurs paraissent diverses et souvent douloureuses. «On a l’impression d’une certaine difficulté à vivre, à trouver sa place, une peur de devenir adulte. En même temps, il y a un désir d’engagement, d’implication dans le monde qui est fort. Il n’y a pas du tout de ‘je-m’en-foutisme’, mais un fort accent sur le relationnel, un besoin de racines».
Lucienne Bittar a surtout ressenti, derrière les mots, «la forte envie d’écrire» de ces jeunes. Cela lui donne bon espoir que cette génération vienne grandement enrichir la littérature des prochaines décennies. (cath.ch/rz)
Le choix ultime du soldat
Les tranchées, les obus, les tueries de masse…, un univers bien éloigné de celui de Bénédicte Sahli, autrice de la nouvelle Vivre ou mourir. Cette jeune écrivaine de 14 ans habite en effet un petit village du sud vaudois. Malgré son âge, elle en sait déjà un rayon sur les grandes guerres. Un intérêt qui lui vient notamment de la mémoire de son grand-père, qui a débarqué en Normandie en 1944.
Le choix d’un décor aussi étranger à sa vie quotidienne vient aussi de sa vision de l’écriture. «Ce que j’aime particulièrement, c’est me mettre à la place d’une personne qui se trouve dans un contexte très différent du mien et tenter de retranscrire au mieux ce qu’elle ressent».
Le thème du ‘choix’ proposé par le concours de la revue jésuite a particulièrement attiré cette fervente lectrice de littérature française classique. «C’est un thème ouvert, et j’aime avoir cette liberté quand j’écris», alors que beaucoup d’autres concours offrent une marge de réalisation plus restreinte.
Tuer ou être tué
Un sujet qu’elle trouve en outre spécialement concernant pour la jeunesse. «Alors que nous sommes en train de construire notre vie, les choix sont évidemment cruciaux. Personnellement, j’ai tendance à faire des choix rapidement. Mais cela me confronte par après à des questionnements immenses et difficiles».
Bénédicte a choisi, elle, de se projeter en imagination face au plus cruel et intense des choix existentiels: tuer ou être tué. «Ce devait être particulièrement terrible. Les jeunes envoyés se battre dans les guerres mondiales se retrouvaient impliqués dans quelque chose qui les dépassait complètement. Il est certainement important de se souvenir de cela aujourd’hui». Une situation qui relativise, évidemment, la difficulté des choix auxquels les jeunes Européens de notre temps sont confrontés. Même si ces derniers- qui se retrouvent dans beaucoup des autres nouvelles du recueil- sont tout aussi importants à exprimer, assure-t-elle.
Bénédicte salue ainsi, l’opportunité donnée par choisir de faire passer des messages très différents mais complémentaires sur les rêves, les angoisses et les questionnements de la jeunesse actuelle.
Le concours littéraire était proposé à de jeunes auteurs résidant en Suisse. Un jury composé de cinq personnalités du monde littéraire de Suisse romande a examiné et discuté leurs œuvres. Les talents sélectionnés sont âgés entre 11 et 35 ans.
Référence: Le choix, éditeurs: Slatkine et revue choisir, 2021. RZ
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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