L’Irlande, premier laboratoire synodal du cardinal Grech

Nommé secrétaire général du Synode des évêques le 16 septembre 2020, le cardinal Mario Grech devrait être le coordinateur en 2022 du prochain synode romain sur la «synodalité». La synodalité peut se définir comme la corresponsabilité du peuple de Dieu et du clergé dans la direction de l’Église. Elle est, selon le cardinal, la condition sine qua non des ambitions missionnaires de l’Église catholique.

L’annonce de l’ouverture d’un chemin synodal en Irlande a été l’occasion choisie par le haut prélat pour promouvoir la nécessité d’une «conversion ecclésiologique» dans un discours publié le 5 mars 2021. La synodalité peut se définir comme la corresponsabilité du peuple de Dieu et du clergé dans la direction de l’Église. Elle est, selon le cardinal, la condition sine qua non des ambitions missionnaires de l’Église catholique.

Le 3 mars dernier, Mgr Paul Dempsey, évêque de Achonry et Mgr Fintan Gavin, évêque de Cork et Ross ont annoncé, en marge d’une conférence en ligne, qu’un chemin synodal serait officiellement initié lors de la prochaine rencontre de la conférence épiscopale d’Irlande. Information qu’est venu confirmer le secrétaire général du Synode des évêques, le cardinal Grech, dans un long discours intitulé «Vers une Église synodale irlandaise», daté du 3 février 2021 et prononcé lors d’une rencontre avec la hiérarchie épiscopale nationale, en présence de la nouvelle sous-secrétaire Nathalie Becquart. 

Le cardinal Grech y fait le constat de la crise du catholicisme en Irlande, qui fut jadis «l’un des pays les plus profondément et fermement catholiques» mais qui aujourd’hui connaît un fort déclin et est marqué par d’importants scandales. Il invite les catholiques irlandais à se donner les moyens pour être une «Église en sortie» : «si l’Église veut devenir une Église missionnaire, alors elle doit être une Église synodale, car la synodalité n’est pas seulement un choix méthodologique, mais le mode d’être d’une Église qui veut aller en mission», souligne-t-il. Il est donc urgent, insiste-t-il, de favoriser une «conversion écclésiologique».

Ce qui caractérise une Église synodale, explique le haut prélat, est sa capacité à «discerner la Sitz im Leben [concept allemand de théologie signifiant «situation dans la vie»] d’une société», c’est-à-dire le contexte socio-religieux dans lequel elle se situe. L’Église en Occident étant marquée par «l’effondrement des paradigmes de société et de religion» sur lesquels elle repose, il défend la nécessité d’un «discernement synodal».

Cesser de «sous-estimer les laïcs»

Ce «repositionnement» ou «changement de style» implique un «processus de large participation» des laïcs et de la hiérarchie catholique – et donc des évêques et du pontife –, insiste le cardinal. Il souligne que c’est le pape François lui-même qui «a favorisé le rôle des synodes et a inauguré un nouveau style de synodes marqué par une réelle liberté d’expression».

Concrètement, cette transformation demande, selon le secrétaire du Synode des évêques, de renoncer au cléricalisme qui «continue à sous-estimer les laïcs et leur contribution dans l’Église». Il appelle à mettre en forme «une circularité féconde entre les évêques et la communauté». 

L’Église, une pyramide inversée

Pour le cardinal Grech, l’Église doit donc se penser sur le modèle d’une «pyramide inversée» qui s’oppose à la «conception pyramidale plus ancienne de l’Église». Celle-ci, dépassée, était fondée sur une «économie ecclésiale par ruissellement dans laquelle l’Esprit saint a été donné d’abord au pape et aux évêques, puis au clergé et aux religieux, et enfin aux fidèles». 

Aujourd’hui, la «crédibilité de l’autorité hiérarchique est continuellement minée et remise en question», affirme le haut prélat maltais. Selon lui, la synodalité est le «nouveau style de leadership partagé» qui peut permettre à l’Église de «retrouver sa capacité à «parler avec autorit黫.

Appliquer Episcopalis communio

En tant que secrétaire du Synode des évêques, le cardinal Grech dit se tenir à disposition des évêques irlandais pour les «accompagner dans cette expérience synodale opportune». La rencontre préparatoire est en quelque sorte la première application d’une disposition de la constitution apostolique Episcopalis communio (2018), qui prévoit la possibilité d’une réunion en amont de l’ouverture d’un chemin synodal. 

Avec celle-ci, sans s’immiscer dans le débat national, le haut prélat maltais vient donc apporter un cap – un «printemps ecclésial» – et un cadre – une synodalité bien comprise, qui permette d’identifier l’unicité du «peuple de Dieu». Ce «discours de la méthode» pourrait aussi s’expliquer par sa volonté d’éviter que l’Irlande suive le précédent allemand.

Le contre-exemple allemand

En effet, le chemin synodal outre-Rhin est marqué, depuis son ouverture en 2019, par sa velléité d’indépendance régulièrement affichée vis-à-vis de Rome. La réunion proposée avec le Synode des évêques n’avait d’ailleurs pas été, comme c’est le cas pour l’Irlande, le point de départ de la démarche allemande.

Une lecture souvent polarisée de la voie synodale a généré depuis deux ans beaucoup de tensions au sein de la hiérarchie catholique, le pape François exprimant même le 12 octobre 2020 à Mgr Heinz-Josef Algermissen, évêque émérite de Fulda (Allemagne), sa «préoccupation dramatique» concernant l’évolution des débats. Et ce, alors même qu’il avait clairement salué l’initiative à ses débuts, faisant même parvenir au peuple allemand une lettre d’encouragement.

Certains artisans du «Synodale Weg" envisagent la fin du célibat des prêtres, l’ordination des femmes ou encore les cérémonies eucharistiques œcuméniques avec les réformés. La tension entre Rome et Berlin a culminé lors de l’été 2020 après la parution de l’instruction sur les paroisses publiée par la Congrégation pour le clergé, ouvertement critiquée par certains évêques allemands.

Pédagogie synodale

S’il veut continuer à proclamer que la synodalité est la condition indispensable pour la «renaissance d’une Église authentique», le cardinal Grech aura pour mission d’éviter que se reproduisent les antagonismes allemands en Irlande, et que s’y incarne au contraire la lecture théologiquement fédératrice qu’il en fait. Un exemple nécessaire pour que d’autres conférences épiscopales – par exemple, comme le souhaite le pape François, la conférence italienne – s’engagent sans crainte sur cette voie.

Pendant le consistoire qu’il l’avait vu devenir cardinal, l’ancien évêque de Gozo – petite île maltaise – avait fait de son discours d’hommage au pape François une tribune pour expliquer ses ambitions à la tête du secrétariat du Synode des évêques. Se posant en pédagogue de la synodalité auprès de ses confrères évêques du monde entier, il avait proposé ses services – «sans interférer, mais en accompagnant» – afin de «rendre plus faciles les passages entre les différents niveaux d’exercice de la synodalité».  (cath.ch/imedia/cd/mp)

I.MEDIA

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/lirlande-premier-laboratoire-synodal-du-cardinal-grech/