Les 50 ans de Louvain-la-Neuve, une cité novatrice

La cité estudiantine de Louvain-la-Neuve, en Belgique, fête cette année son 50e anniversaire. Siège de l’université catholique de Louvain, cette ville nouvelle se voulait aussi un laboratoire d’innovation sociale. L’occasion de revenir sur l’ancrage religieux de la cité où la dynamique communautaire est essentielle.

Angélique Tasiaux, hebdomadaire Dimanche

Sur les plans de la future ville de Louvain-la-Neuve, nulle trace d’édifice religieux à ses débuts. Ecoles, crèche, logements étudiants, salle de basket, superette, restaurant, bibliothèque, auditoire, ateliers communautaires ou parkings se sont vu d’emblée décerner un emplacement, mais aucune trace de flèche d’édifice religieux à l’horizon.

En 1972, Louvain-la-Neuve se construit | DR

Curieusement l’université catholique ne s’était pas préoccupée de cette dimension. Pourtant, lors de la pose de la première pierre, le 2 février 1971, au côté du très pieux roi Baudouin apparaissait aussi le cardinal Joseph Suenens, membre du pouvoir organisateur de l’université.

La construction de lieux de culte a donc été le fait de l’évêché ou de congrégations. «Propriétaire des terrains, l’université n’a fait aucune difficulté et a accueilli des projets individuels. Elle ne s’est pas mêlée de la naissance de la paroisse ni de la construction de l’église. Elle n’en a pas été le maître d’œuvre», précise Françoise Hiraux, historienne aux Archives historiques, iconographiques et audiovisuelles de l’UCLouvain. «Le gouvernement impose le transfert en 1968. L’Etat va alors payer ce qui est dans la mission de l’enseignement: les auditoires, un restaurant, des logements d’étudiants, les bureaux des professeurs, des salles de travaux pratiques, mais il ne finance pas la recherche, ni le théâtre, ni la chapelle…»

Des débuts mouvementés

Nommés les pionniers, les premiers habitants de la ville née au milieu des champs ont souvent dû braver, à leur installation, les foudres de leur propre entourage. Visionnaires, les concepteurs avaient pris en considération des aspects écologiques, comme la collecte des eaux de ruissellement ou une réduction drastique de la pollution. «Faite pour la joie de l’homme, la ville nouvelle place celui-ci au foyer de tous les choix», argumente alors le professeur Raymond M. Lemaire. Ville majoritairement piétonne, elle est conçue en lien avec les villes moyenâgeuses, selon les méandres de ruelles, de places et de placettes… «Comme le piéton s’amuse et se distrait en se promenant à Bruges ou à Venise, de même la variété et le rythme rapide des séquences visuelles doit occuper et divertir le citadin qui se déplace à Louvain-la-Neuve. C’est pour cela que les ruelles sont courtes et étroites, à l’échelle du geste (…)»

Des actions centrées sur l’humain

Malgré le covid-19 l’esprit communautaire est cultivé | DR

«Les actions solidaires sont l’une des belles caractéristiques de Louvain-la-Neuve», observe Françoise Hiraux. «L’envie est grande d’y être des citoyens, de participer à toutes sortes d’actions. Les habitants sont motivés par des réalisations communes. Habiter à Louvain-la-Neuve incite à une vie communautaire différente de celle des autres quartiers. La paroisse est un des exemples, comme la culture, l’éducation, le sport, mais aussi des engagements Nord-Sud et de développement durable.» A ses débuts, la paroisse était constituée de voisins, nous raconte un ancien habitant. «A l’époque, il y avait beaucoup d’étudiants étrangers et des gens qui travaillaient à l’université. Ensemble, tous ces voisins étaient très actifs à la paroisse. Ils se connaissaient tous; c’était très homogène. La paroisse était celle des habitants et non pas une paroisse d’élection, qui va chercher des gens du même style.»

Dans cette dynamique collective, les initiatives mises sur pied avec les moyens du bord ont été nombreuses. Magasins caritatifs, mise à disposition de douches, préparation de repas… Les réalisations ne manquent pas.

Un prêtre bâtisseur

L’abbé Raymond Thysman devant Notre-Dame d’Espérance | cathobel

Arrivés en octobre 1972, Nicole et Jean-Marie Millet ont un attachement particulier avec la ville. Ils se souviennent des messes célébrées dans un appartement, puis au-dessus de la poste, qui était alors un bâtiment administratif. «Le dimanche matin, le hall nous était réservé pour l’eucharistie. C’est là que notre fille aînée a été baptisée. C’était une vie communautaire, avec des bottes, sans bus ni train. Nous avions le sentiment d’appartenir à une grande famille. De belles amitiés sont nées, qui existent encore aujourd’hui.»

Trois édifices religieux emblématiques retiennent l’attention dans le paysage louvaniste. Et derrière les trois se trouve la détermination d’un même homme, Raymond Thysman. De retour d’Afrique après 11 ans, le cardinal Suenens m’a dit: vous tombez du ciel! Il lance en 1973, un sondage d’opinion auprès de la communauté, afin d’envisager la suite. 90% des fidèles souhaitent «un lieu d’existence» autonome. Ce sera st le coup d’envoi de la chapelle de la Source.

La chapelle de la Source

Erigée place des Wallons entre 1975 et 1977, la chapelle de la Source a vu son gros-œuvre réalisé par une entreprise de construction, tandis que «l’achèvement est une œuvre collective. Etudiants, habitants, commerçants ont installé le chauffage, l’électricité, le plafond en bois… Derrière le mur circulaire, les chrétiens ont inscrit leur prénom sur une pierre, en tant que chrétiens fondateurs. Ce qui était important, c’était de nouer une communauté vivante la plus proche de l’Evangile et dans l’esprit de Vatican II», se souvient Raymond Thysman. Elle avait pour nom «Les amis de la Communion de Louvain-la-Neuve». Un lieu d’habitation y était même indissociable du lieu de culte, pour nouer davantage encore les liens.

L’église Saint-François 

Deuxième construction historique et première en ordre de capacité avec ses 700 places, l’église Saint-François a été consacrée le 7 octobre 1984, par le cardinal Danneels. «Une fois de plus, il a fallu mendier», raconte l’abbé Thysman. «Nous avons écrit des centaines de lettres aux membres de la communauté universitaire et aux anciens. L’argument était qu’il était anormal que, dans une ville créée à l’initiative de l’Université catholique de Louvain, on n’ait pas une église significative. Nous avons progressivement rassemblé des fonds et nous avons aussi reçu l’aide du diocèse, par l’intermédiaire du fonds Domus dei. La communauté a été impliquée à différentes étapes, comme lors de la pose de la première pierre…»

L’église saint François d’assise de Louvain-la-Neuve | DR

De son architecte, l’on retiendra que Jean Cosse envisageait l’architecture religieuse comme «une quête de spiritualité et l’expression d’un renouveau liturgique ouvert par le concile Vatican II. Ses premières ‘églises-maisons’ concrétisent ces concepts nouveaux. Parmi ses nombreuses réalisations, l’église Saint-François se distingue par l’édification d’un campanile, cette tour isolée dans laquelle se trouvent quatre cloches. A la suite d’un sondage mené auprès de la communauté estudiantine et de celle des habitants, c’est François d’Assise qui a été choisi comme saint patron.

Notre-Dame d’Espérance

Dans les années 90, constatant le développement du quartier des Bruyères, l’abbé Thysman perçoit la nécessité d’adjoindre un lieu paroissial pour ce quartier. Co-architecte désigné, Baudouin Libbrecht voulait que la chapelle soit «œuvre de communauté, pour tout un quartier, pour toute une ville aussi. Qu’elle soit un signe repérable dans la ville. Nous avons eu la joie aussi de faire jaillir un clocher.

Les murs ne sont pas en briques rouges, comme la plupart des édifices de la ville, mais en pierres colorées de la région de Malmédy. «Pour moi, c’est le plus bel édifice de Louvain-la-Neuve», confie l’abbé Raymond.

La chapelle des dominicains de Louvain-la-Neuve avec un vitrail du Père Kim En Joong | DR

Certaines constructions se distinguent par leur caractère novateur. Il en est ainsi de la chapelle des dominicains, inaugurée en 2010. Une présence illuminée dans la nuit. Symbolique, un œuf se dégage de l’ensemble à l’acoustique remarquable. La charpente de bois y est complétée par cinq vitraux d’un artiste de la communauté, le Père Kim En Joong.

Les kots à projet

Evoquer Louvain-la-Neuve sans les ‘kots à projets’, ces associations composées de 6 à 18 étudiants qui, tout en vivant ensemble au sein d’un logement communautaire (un kot), mènent à bien un projet bénévole, serait incomplet! L’auberge des Bruyères fonctionne dans l’esprit de Taizé, le Donboskot est animé par l’esprit salésien, le foyer Saint-Paul accueille des étudiants en lien avec la communauté de l’Emmanuel, la Ribambelle chante lors des messes estudiantines le mercredi soir, les résidences Bauloy et Neussart sont animées par l’Opus Dei, le Bio-Ethikot réfléchit à des sujets de société, le kot Saint-Damien est dans la lignée de la fraternité de Tibériade, le kot Inigo se trouve animé par les jésuites, le kot du Mamré est en lien avec la paroisse Saint-François, tandis que le collège Albert le Grand réunit des étudiants au couvent dominicain Fra Angelico. Enfin, la maison Saint-Pierre est composée de jeunes travailleurs investis dans un projet chrétien. Des sensibilités différentes sont ainsi incarnées sur le sol néolouvaniste, poursuivant un désir établi de personnalisation. (cath.ch/dimanche/at/mp)

L’UCLouvain en quelques dates
1968 – Séparation des deux sections (francophone et flamande) de l’Université catholique de Louvain.
1970 – Création de deux universités distinctes: Katholieke Universiteit Leuven (flamande) et Université catholique de Louvain (francophone)
1971 – Le 2 février, pose de la première pierre de Louvain-la-Neuve à une trentaine de kilomètre de la cité d’origine.
1979 – Réalisation du transfert de l’ensemble des facultés à Louvain-la-Neuve
2018 – Louvain-la-Neuve compte près de 11’000 habitants

Rédaction

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