A la fin du 4e siècle, le christianisme est devenu la religion officielle de l’Empire romain, qui règne sur une bonne partie du monde connu. Rome est le centre de la chrétienté, et même si elles ne sont pas d’accord sur tout, les Eglises d’Occident et d’Orient marchent main dans la main.
Une première anicroche survient cependant en 431, suite au Concile d’Ephèse, dans l’actuelle Turquie. Le ton de cette réunion tourne à l’aigre quand il s’agit d’aborder un point théologique précis. Le patriarche de Constantinople, Nestorius, se refuse à nommer Marie mère de Dieu (Theotokos), ne voulant voir en elle que la mère du Christ. Ne nie-t-il pas ainsi l’unité de la personne du Christ? Conscient de ce danger, l’évêque Cyrille d’Alexandrie obtient la condamnation des thèses de Nestorius et l’exil de ce dernier en Egypte.
Mais de nombreuses Eglises d’Orient, dont celle de Mésopotamie, doutent de la sagacité du Concile. Elles décident de suivre Nestorius, fondant des Eglises considérées comme hérétiques et donc détachées de Rome. L’actuelle Eglise assyrienne d’Orient est l’héritière de cette branche «nestorienne».
Une autre pièce vient s’ajouter à la mosaïque en 451. Un nouveau concile (de Chalcédoine) écarte une nouvelle branche jugée hérétique. Et la pierre d’achoppement est une nouvelle fois la nature du Christ. L’assemblée condamne les monophysites, qui ne reconnaissent qu’une nature au Christ. Les catholiques d’Orient qui refusent cette condamnation constituent, dans la Syrie d’alors, une Eglise chrétienne autonome dénommée jacobite ou, aujourd’hui, syriaque-orthodoxe.
Mais le 5e siècle n’en a pas fini avec les divisions. Reflétée par le conflit entre Cyrille et Nestorius, une querelle d’influence existe depuis un certain temps entre Alexandrie et Byzance. L’orgueilleuse cité égyptienne accepte mal l’autorité de la ville sur le Bosphore. Elle décide de prendre son indépendance en formant l’ensemble religieux «copte». Cette Eglise fait partie de la mosaïque irakienne suite à divers mouvements de migrations de l’Egypte vers le Moyen-Orient.
Toujours au même siècle, en 491 plus exactement, c’est au tour des Arméniens de s’opposer aux conclusions du concile de Chalcédoine. Ils forment alors une Eglise chrétienne séparée, appelée «arménienne orthodoxe». Elle est présente dans l’Irak actuel suite aux vicissitudes de l’histoire et notamment de l’exil qui a accompagné le génocide arménien de 1915.
Il faudra ensuite attendre quatre siècles avant une nouvelle division, cette fois plus massive, avec le «grand schisme d’Orient». L’éloignement, à la fois pour des raisons théologiques et politiques, des Eglises d’Orient et d’Occident en arrive, en 1054, à un point de rupture qui mène à la création de la branche orthodoxe de la chrétienté. Cet épisode explique la présence en Irak d’une Eglise grecque orthodoxe de rite byzantin.
Ces grandes pièces de la mosaïque chrétienne irakienne vont ensuite se diviser à l’interne. Principalement dans un mouvement général de retour dans le bercail romain.
Dans la seconde moitié du deuxième millénaire, de nombreuses démarches sont entreprises pour effacer les effets du 5e siècle, note Gérard-François Dumont, professeur à l’Université Paris-Sorbonne, dans son texte La mosaïque des chrétiens d’Irak. Elles ne convainquent cependant, dans chaque église, qu’une partie des fidèles. Ces derniers veulent bien revenir dans le giron de Rome, mais désirent garder leurs traditions, notamment liturgiques.
Les premiers fidèles à franchir le pas se trouvent dans l’Eglise assyrienne d’Orient. Ils forment en 1552 une Eglise réunie à Rome dénommée l’Eglise chaldéenne. Cette Eglise catholique de rite oriental connaîtra un grand succès, en s’exportant largement hors d’Irak. Elle regroupe aujourd’hui les deux tiers des chrétiens d’Irak et compte actuellement plus d’un million de fidèles, également en Iran, en Syrie, en Turquie, au Liban, en Jordanie, ainsi que dans la diaspora occidentale.
Même scénario, au 17e siècle, avec des fidèles de l’Eglise syriaque orthodoxe, dite jacobite. Mais, s’ils veulent bien se rattacher à Rome, ils souhaitent rester fidèles, eux aussi, à leur histoire et à leur tradition. Ils n’envisagent donc pas de rejoindre l’Eglise chaldéenne et composent une Eglise syriaque-catholique.
En 1709, c’est au tour de fidèles de l’Eglise grecque orthodoxe de rite byzantin de souhaiter le ralliement à Rome. Ils créent alors une Eglise grecque-catholique (ou melkite), tandis que subsiste en Irak une Eglise grecque-orthodoxe de rite byzantin regroupant tous ceux qui n’approuvent pas cette démarche.
En 1740, l’Asie occidentale est à nouveau touchée par le souci d’un rapprochement avec Rome, cette fois parmi les Arméniens grégoriens. Naît alors une église arménienne catholique dont la présence en Irak s’explique, comme l’Eglise arménienne orthodoxe, par diverses migrations.
Enfin, en 1742, c’est au tour des certains coptes de pencher en faveur d’un ralliement partiel à Rome. L’Eglise copte catholique qui en résulte, bien que présente actuellement en Irak, reste très minoritaire.
Parmi tout ce mouvement, certains chrétiens irakiens ont renoncé à leur héritage culturel, et ont créé de leur côté une petite Eglise catholique de rite latin.
Finalement, la chrétienté d’Irak s’est encore enrichie du fait de la colonisation britannique, de 1920 à 1932. Les Eglises protestantes représentent moins d’1% de la population irakienne et une petite communauté anglicane regroupe environ 200 personnes. (cath.ch/rz)
Raphaël Zbinden
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