Par Grégory Roth
Des ados qui passent la plupart de leurs week-ends à l’église, ça ne court pas les rues. Alors d’où vient cet attrait pour la messe qui différencie Léa Girardin de la plupart des gens de son âge? «J’ai été habituée depuis toute petite à aller à l’église. Cela fait partie de mon éducation», répond sans sourciller l’intéressée, qui atteindra sa majorité en octobre 2021.
«Ma famille a toujours baigné là-dedans. Mon grand-oncle, c’est le Denis Theurillat, l’évêque. Et sa nièce – ma maman – est, elle aussi, très engagée. À côté de son travail, elle est catéchiste et responsable des catéchistes au niveau de Cornol». L’Ajoulote ajoute que sa maman est d’ailleurs en train de terminer un parcours de Formation des Animateurs Laïcs (FAL), à la demande de la paroisse.
Profitant d’une pause de quelques heures avant de reprendre ses cours, la jeune femme reçoit cath.ch devant l’église de Cornol. Elle pousse la porte d’entrée de cet édifice – qui est presque devenu sa deuxième maison, depuis la reprise des messes publiques en été 2020 – et nous invite à la suivre.
«La foi a toujours fait partie de ma vie et je ne vois pas pourquoi il aurait fallu que ça change», reprend Léa, en précisant que cet aspect n’a jamais été un frein pour ses relations. «Avec mes amis, on respecte chacun la foi de l’autre. D’ailleurs ce n’est pas ce rapport à la foi qui détermine les amitiés. Ce sujet reste plutôt d’ordre privé».
Parmi les personnes de son âge qu’elle côtoie, la plupart sont «catholiques dans leur éducation, mais athées dans leurs croyances». Ils ne vont à l’église que pour les mariages et les enterrements. Selon elle, ceux qui «sacrifient un dimanche pour aller à la messe», ce sont plutôt les personnes retraitées. Elle prend l’exemple du chœur mixte de Cornol qui ne comptait plus, début 2020, que deux ou trois personnes encore en vie active.
Quant à Léa, sa motivation à aller à la messe est toute simple: «C’est mon moment de calme. Je peux me poser un peu et ne penser à rien d’autre», révèle-t-elle. «D’ailleurs, s’il fallait trouver une seule bonne raison de remercier ce virus, ce serait celle-ci: depuis le Covid, c’est quand-même un peu plus calme».
«Quand j’ai un petit moment où je peux m’asseoir, penser à moi et prier, ça me fait du bien»
Léa Girardin
L’adolescente énumère ces nombreuses activités. «En plus du lycée, je donne des cours de soutien les lundis et mercredis. J’ai la fanfare les mardis et vendredis soir. Les mercredis soir, j’ai la répétition avec la clique. Après, il y a encore les devoirs. Le week-ends, j’ai souvent des concerts. En période de carnaval, la maison, je ne la vois même pas… Bref, je ne suis jamais chez moi et toujours à courir partout. Alors quand j’ai un petit moment où je peux m’asseoir, penser à moi et prier, ça me fait du bien».
Né en 2003, Léa Girardin a suivi le parcours de catéchèse. Dès sa première Communion, à 10 ans, elle débute comme servante de messe. «Quand j’ai commencé en 2013, nous étions une vingtaine. Aujourd’hui, il n’y en a plus qu’une, c’est ma petite sœur». Pour la Corbedôs, cette forte diminution s’est opérée dès que les paroisses de son Unité pastorale ont arrêté d’organiser des sorties annuelles dans des grands parcs d’attractions et ont proposé des visites plus culturelles et régionales.
«Si c’était pour aller à Europa Park à la fin de l’année, les jeunes étaient prêts à venir servir la messe une fois par mois. Beaucoup n’étaient servants que pour bénéficier de ce ‘jackpot’, et on le savait. Mais au moins, plus de jeunes venaient à la messe», explique Léa, un brin nostalgique. Entretemps, un compromis a été trouvé: en juillet 2021, les servants de toute l’Unité pastorale partiront ensemble au Mont-Saint-Michel.
Après sa Confirmation, elle arrête de servir la messe pour devenir sacristine. «Mon cousin était là avant moi et m’a passé le témoin avant de déménager». Elle apprend cette fonction sur le tas, fin 2017, en potassant bien le cahier des charges. C’est une activité pratiquement bénévole, avec un léger défraiement, qui lui procure un peu d’argent de poche.
«Mon engagement de sacristine est avant tout du temps pour moi», explique-t-elle. Et en temps de Covid, il faut systématiquement être deux. «Une fois sur deux, je reste au fond pour accueillir les retardataires et noter leurs noms. Et à la fin de la messe, j’ouvre les portes pour que personne ne touche les poignées».
Parallèlement, Léa Girardin est devenue catéchiste et a même accompagné sa petite sœur durant son parcours de préparation à la Confirmation. «J’aime beaucoup la catéchèse et avoir ce lien avec les jeunes me plaît énormément. Pour rien au monde j’arrêterais», confie-t-elle. «On voit clairement s’ils sont réceptifs ou non. Leur concentration dépend des horaires, des jours, mais aussi des activités. Notre défi est de motiver les jeunes: leur faire comprendre que c’est nous qui sommes là pour eux et non l’inverse. Et c’est tellement gratifiant quand ils font avec cœur ce qu’on leur propose!», s’enthousiasme la jeune catéchiste.
Au détour de la conversation, Léa lâche qu’elle a déjà pensé à étudier la théologie à Fribourg, mais que son rêve est de devenir enseignante à l’école primaire, avec spécialisation en couture. «C’est là que je serai la plus heureuse!», s’exclame-t-elle. «Et par la suite, pourquoi pas dans l’enseignement spécialisé, pour les élèves en difficulté». Il s’agit de donner des cours d’appui dans le cadre de l’école mais en dehors des horaires habituels.
Polyvalente et aussi très active dans la musique, Léa prend volontiers sa clarinette à l’église pour jouer quelques morceaux lors de fêtes et de messes solennelles. De même, clarinettiste dans la fanfare L’Ancienne de Cornol, elle participe pour jouer quelques pièces lors de la 1ère communion, de la Confirmation, ainsi qu’à la Fête-Dieu. (cath.ch/gr)
L’Eglise de demain
Léa Girardin, comment voyez-vous l’Église aujourd’hui?
Je la vois comme un lieu qui permet des liens intergénérationnels. Mais elle manque de dynamisme. Par exemple, quand on veut rencontrer des amis dans le cadre de l’Église, c’est plutôt à l’occasion des Montée vers Pâques. Car cela fonctionne un peu un comme un camp et pour beaucoup, c’est plus une excuse pour se retrouver en dehors de l’école autrement qu’en allant à l’église tous les jours.
Comment retrouver ce dynamisme?
Je rêve que, sur le modèle des Montées vers Pâques, on organise plusieurs rencontres de jeunes durant l’année, comme à Noël ou à la Fête-Dieu. Il faut réunir des jeunes! Pour pouvoir les introduire dans les différentes fonctions, y compris dans la catéchèse.
Comment imaginez-vous l’Église de demain?
Deux scenarii sont possibles: soit nous restons dans le modèle actuel – avec la messe traditionnelle du dimanche – et il y aura de moins en moins de monde. Et même s’il y a toujours des préparations aux sacrements, elles resteront ponctuelles et les personnes qui y participent ne s’engageront pas tous les dimanches à la messe.
Au contraire, si nous arrivons à la redynamiser, nous pourrions regagner beaucoup d’ampleur, avec un grand nombre de jeunes qui s’engageraient.
Qu’est-ce qu’il manque selon vous pour que ces jeunes s’engagent davantage?
Peut-être un engagement plus important de leur parents dans l’Église. Parce que les jeunes imitent souvent les parents. Si mes parents ne m’avaient pas fait découvrir l’Église, je n’en ferais sûrement pas partie aujourd’hui. Mais je me rappelle qu’un jour, j’ai commencé à aller toute seule à la messe, pas parce que je devais mais parce que j’en avais envie. GR
Grégory Roth
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/lea-girardin-la-messe-cest-mon-moment-de-calme/