Après 20 mois sous la responsabilité de l’administrateur apostolique, Mgr Pierre Bürcher, le diocèse de Coire a aujourd’hui son nouvel évêque. Après le refus historique des 22 chanoines du chapitre de la cathédrale d’élire le successeur de Mgr Vitus Huonder, le pape François avait confié, le 15 février 2021, au chanoine Joseph Bonnemain les rênes du diocèse. Un choix qui témoigne du souhait du pontife de donner au diocèse à la fois continuité et changement.
Il aura fallu beaucoup de patience aux fidèles de Coire pour connaître le nom de leur nouvel évêque. 635 jours d’attente, de spéculations, de coups d’éclat et d’incompréhensions. Plus de deux ans et demi pour arriver à cette nomination qui s’est fait attendre bien au-delà des trois mois traditionnels.
Une charge qui s’annonce exigeante à bien des égards. Le chanoine Bonnemain hérite en effet, ce n’est un secret pour personne, d’un diocèse éclaté, marqué par de profondes divergences. Un diocèse qui, ces dernières années, a souvent fait la Une des medias, en raison des désaccords internes, autant sur des visions ecclésiologiques et théologiques que sur des questions d’éthiques et de société.
«Les efforts de Joseph Bonnemain devront être au service de l’unité dans la diversité»
Un diocèse géographiquement très étendu – pour certains même trop grand – au sein duquel les sensibilités métropolitaines et réformistes dans le canton de Zurich se heurtent, parfois durement, à des façons plus traditionnelles de vivre la foi chrétienne dans les régions rurales des Grisons et de la Suisse centrale. Le futur évêque connaît ces deux mondes, ce qui est certainement pour lui un atout inestimable.
Ses 40 ans en tant qu’aumônier d’hôpital à Zurich et dans différents organes décisionnels du diocèse, font de Mgr Bonnemain une figure de grande expérience tant au niveau pastoral que de gouvernance. Des qualités plus que nécessaires pour guider ce véritable «puzzle ecclésial», où les diverses réalités sont forcément et inhabituellement appelées à cohabiter et à s’enrichir mutuellement, si elles veulent réellement faire corps. Dans un tel contexte complexe et diversifié, retrouver une vraie cohésion interne du diocèse sera sans doute la première tâche que le nouvel évêque devra affronter.
Riche de son expérience pluri-décennale dans le diocèse, les efforts de Joseph Bonnemain devront être au service de l’unité dans la diversité. Son bref message de salutation, délivré le jour même de l’annonce de sa nomination, démontre qu’il en est bien conscient.
«Un ministère épiscopal – inévitablement bref, mais certainement pas synonyme de simple phase de transition»
À l’école du pape François, il devra faire preuve non seulement d’équilibrisme, mais aussi d’esprit de médiation, d’innovation et de ténacité. Si la recherche inlassable d’un consensus, difficile à trouver, est dans l’ADN du siège épiscopal depuis Saint Lucius, les récentes tensions, dont témoigne le refus de la Terna romaine ne disparaîtront pas si facilement. Mgr Bonnemain devra aussi savoir expliquer et convaincre qu’un des trois noms figurant sur la Terna refusée est bien celui du nouvel évêque. Une gageure.
La cohésion visée ne pourra pas être synonyme d’homogénéisation ou de mise à niveau. Elle devra être basée sur le discernement et le dialogue multilatéral – un exercice que le futur évêque maîtrise également. Car de sa capacité à intégrer des légitimes sensibilités présentes dépendra le dépassement des divergences qui, depuis des décennies, déchirent le diocèse. «Le plus grand défi pour Coire est celui de chaque diocèse: rester partie intégrante de l’Église universelle malgré toute sa diversité. Maintenir l’unité non seulement au niveau local, mais aussi avec le reste de l’Église universelle», explique-t-il.
«Rétablir la confiance sera un chantier prioritaire pour le nouvel évêque»
Dans ce sens, le nouvel évêque sera appelé à mieux valoriser la diversité culturelle et linguistique qui a caractérisé depuis toujours le seul diocèse trilingue de Suisse. Sa connaissance des langues – il parle le catalan, l’espagnol, le français, l’allemand et l’italien – l’aidera certainement à mieux intégrer les composantes romanche et italienne, mais aussi les communautés étrangères dans la vie diocésaine.
Rétablir la confiance sera un autre chantier prioritaire pour le nouvel évêque. Pour y parvenir, il devra mettre place un processus de réconciliation entre les différentes «âmes du diocèse». Une condition sine qua non pour rétablir le dialogue entre les principaux acteurs de la vie diocésaine, mais aussi – et surtout – entre les fidèles de toutes les régions et leur évêque. Une confiance qui s’est affaiblie ces dernières années.
Un vaste programme attend donc Mgr Bonnemain. Mais on se trompe en pensant qu’il sera en mesure de le faire tout seul. Un élément dont il est tout à fait conscient. Ses prochaines nominations aux postes clés du diocèse donneront une première et importante indication de l’orientation qu’il choisira.
On peut seulement espérer que l’accueil bienveillant et plein d’espérance réservé à Mgr Pierre Bürcher à son arrivée à Coire se renouvelle pour le nouvel évêque, qu’il se traduira notamment dans un soutien large et partagé des choix et priorités que Mgr Bonnemain décidera de fixer pour son ministère épiscopal – inévitablement bref, mais certainement pas synonyme de simple «phase de transition». (cath.ch/dp/bh/rz)
Un mandat d’au moins cinq ans
Agé aujourd’hui de 72 ans, il est né le 26 juillet 1948, Mgr Jospeh Bonnemain devrait, comme c’est la règle pour les évêques, présenter sa démission à l’âge de 75 ans. Il sait déjà que cela ne sera pas le cas. La lettre de la congrégation des évêques lui stipulant sa nomination fixe de manière inhabituelle la durée de sa charge à un ‘quinqennat’. Sauf cause majeure, il restera donc évêque de Coire jusqu’en 2026.
A noter que son prédécesseur Mgr Vitus Huonder avait déjà vu sa charge prolongée de deux ans après 75 ans. Et qu’avant lui, Mgr Amédée Grab avait également porté la charge d’évêque de Coire jusqu’à 77 ans. MP
Davide Pesenti
Portail catholique suisse
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