Raphael Rauch, kath.ch / traduction adaptation Maurice Page
En 2018, le ministère fédéral allemand des Affaires étrangères a créé une unité «Religion et politique étrangère», a expliqué à kath.ch la professeure Barbara Hallensleben. Non pas pour promouvoir le dialogue interreligieux, mais pour mieux comprendre le potentiel de paix des religions.
Dans ce cadre, les «Entretiens de la Villa Borsig» ont été lancés, du nom de la résidence Borsig sur le lac Tegel, à Berlin. Cette année, la rencontre a eu lieu virtuellement.
Cette assemblée a réuni des représentants de la politique et de la diplomatie avec des experts pour les Églises orientales afin de poser des questions spécifiques. La conversation du 8 février a porté sur la Biélorussie et l’Ukraine, a relevé Barbara Hallensleben. Elle était motivée par les troubles politiques récents.
Pour la professeure de Fribourg, parler de l’orthodoxie comme d’un facteur politique peut signifier deux choses. Premièrement dans un État aux caractéristiques totalitaires, chaque personne et chaque institution qui n’est pas alignée est un facteur politique. En même temps, les chrétiens orthodoxes sont des citoyens de l’État.
Lorsque les options politiques divisent les fidèles de l’Eglise et ne peuvent plus être ramenées à un dénominateur commun, l’Eglise doit inévitablement réexaminer sa propre position, souligne-t-elle. Ce tourbillon, actuellement en cours, crée de l’incertitude et de l’anxiété au niveau de la hiérarchie.
Interrogée sur l’évolution de la situation ecclésiale en Biélorussie, Barbara Hallensleben note plusieurs points.
L’attitude d’attente qui prévalait auparavant se transforme en une volonté de travailler activement pour le bien commun. Il y a aussi une toute nouvelle solidarité œcuménique et une proximité humaine. Les gens se relaient pour boire un café ensemble devant les cathédrales catholique et orthodoxe et parlent aussi du temps qu’il fait et de l’éducation des enfants.
Parmi les personnes engagés, il y a un pourcentage de femmes supérieur à la moyenne. 90 % des prisonniers sont des hommes. C’est précisément parce que les femmes sont moins observées et qu’elles n’occupent souvent pas de postes de direction qu’elles ont plus de possibilités de s’exprimer spontanément et sont moins persécutées. Elles sont particulièrement douées aussi pour la mise en réseau.
Le troisième point est l’engagement de nombreux laïcs dans la sphère ecclésiastique. Si un prêtre est réprimandé, il perd son emploi et sa vie et celle de sa famille sont ruinées. Les laïcs peuvent souvent être plus courageux. Ils entraînent les prêtres et les protègent en même temps, note Barbara Hallensleben.
Les Églises orientales portent en elles l’expérience que le christianisme a quelque chose à voir avec la «bonne gouvernance», avec Jésus, vénéré comme le Pantocrator (créateur tout puissant). Elles considèrent la tâche du gouvernement comme une vocation, et non pas seulement comme un acte administratif. D’une côté cela les rend enclines à une sorte d’étatisme. Mais de l’autre, elles sont ainsi capables de développer une véritable théologie du politique. «C’est là que réside mon intérêt particulier pour l’orthodoxie!» conclut Barbara Hallensleben. (cath.ch/kath.ch/rr/mp)
Barbara Hallensleben
Barbara Hallensleben est professeure de dogmatique et de théologie de l’œcuménisme à l’Université de Fribourg. Elle y dirige le Centre Saint-Nicolas pour l’étude des Églises orientales à l’Institut d’études œcuméniques. La théologienne est en outre membre de la commission d’étude chargée par le pape François d’étudier la question du diaconat des femmes. MP
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