«Le pape va venir en France». L’affirmation fin janvier du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, au micro de la chaîne française KTO, a ravivé l’espoir de voir enfin le pontife argentin fouler le sol français. Si le «numéro 2» du Saint-Siège a pris soin de ne donner aucune date, certains ont accueilli cette sortie comme une avancée. «La réponse était moins évasive qu’à l’accoutumée», souligne une source à Rome.
«Il ne nous a pas encore donné la date!», confiait en souriant Mgr Éric de Moulins-Beaufort le 3 décembre dernier, à l’issue d’une audience privée avec le pape. Le président de la Conférence des évêques de France (CEF) venait de lui faire part d’une invitation officielle à Marseille à l’occasion du rassemblement de la famille ignatienne, du 30 octobre au 1er novembre. Le pontife s’était alors montré attentif, sans doute plus que dans un passé proche, où il avait fait comprendre qu’avant d’envisager un tel déplacement dans l’Hexagone, il souhaitait visiter en priorité les «périphéries».
L’heure serait-elle enfin venue? La décision appartient au pape. Mais il faut dire qu’avec Marseille, les évêques de France ont voulu mettre toutes les chances de leur côté. Le choix de cette ville et du calendrier ne tient en rien du hasard.
Depuis quelques temps déjà, le nom de la cité phocéenne circule derrière les murs du Vatican. Lorsque Mgr Georges Pontier était encore archevêque de Marseille, le pontife lui aurait déjà fait part de son désir de s’y rendre. «Je l’ai rencontré une ou deux fois et j’ai bien senti que s’il devait venir en France, Marseille serait au programme», confirme à I.MEDIA Mgr Jean-Marc Aveline. L’actuel archevêque est convaincu que la deuxième ville de France rejoint en plusieurs aspects les attentions pastorales du pape François.
«C’est d’abord une ville européenne ouverte sur la Méditerranée. On y retrouve un métissage fort, des échanges culturels», détaille-t-il, avant de souligner aussi la grande pauvreté économique de certains quartiers. Il ajoute que Marseille est aussi la ville par laquelle, selon la tradition, le christianisme est arrivé en France, avec le débarquement de Lazare, Marie et Marthe, «trois figures dont la fête vient d’être établie au calendrier par le pape, le 29 juillet», note-t-il. Le pape «pourrait à travers ces saints mettre en valeur l’apostolat de l’amitié comme chemin de l’Évangile et celui des femmes dans l’Église».
Enfin, le prélat natif de Sidi Bel Abbès, en Algérie, est convaincu que la présence du pape à Marseille serait une nouvelle et grande occasion de dialogue interreligieux et de promotion de la paix. «Une telle visite s’inscrirait dans l’esprit de Bari», imagine-t-il, en référence à cette ville italienne qui a accueilli les évêques du pourtour méditerranéen ainsi que le pape François, tous désireux de faire avancer la fraternité, la justice et la solidarité dans le bassin.
Bien qu’en attente d’une réponse positive du Saint-Siège, il confie tout de même avoir prévenu les responsables de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, du département des Bouches-du-Rhône et de la ville de Marseille. «Ils ont accueilli le projet avec enthousiasme», rapporte-t-il.
Même état d’esprit du côté du Père Thierry Lamboley. Ce jésuite, qui connaît bien Marseille pour y avoir exercé son ministère, est l’un des responsables du grand rassemblement de la famille ignatienne à Marseille, où 8’000 personnes sont attendues.
Un tel événement, en pleine année jubilaire pour la Compagnie de Jésus qui célèbre les 500 ans de la conversion de saint Ignace, pourrait ne pas laisser insensible le premier pape jésuite de l’histoire. «Ce n’est pas nous qui avons envoyé l’invitation, mais nous n’y avons vu aucun obstacle!», plaisante le prêtre qui travaille étroitement avec Mgr Aveline. Imagine-t-il voir le pape à l’automne prochain à Marseille? «Si vous voulez une réponse de jésuite: il est tellement imprévisible dans ses choix que nous ne serions pas étonnés qu’il vienne!»
Une chose est certaine: l’un des temps forts de ce grand rassemblement pourrait prendre une dimension singulière si le pape s’y joignait. «Ce week-end se situera en la veille de la Toussaint et du jour des morts, une période où, traditionnellement, on va fleurir les tombes, raconte le Père Lamboley. Le samedi soir, dans cet esprit, nous nous réunirons sur le Vieux-Port pour un temps de prière et de recueillement face à la Méditerranée, une mer qui, comme le pape François le répète, est devenue le plus grand cimetière d’Europe. Les bateliers de Marseille laisseront alors partir à la tombée de la nuit des bateaux chargés de bougies qui iront au large fleurir la Méditerranée». Un moment qui ne sera pas sans rappeler l’un des premiers gestes du pape François qui, à peine élu sur le trône de Pierre, s’était rendu sur l’île de Lampedusa, symbole de la crise migratoire.
Du côté des jésuites, on souligne par ailleurs que Marseille est tout à fait capable d’accueillir le successeur de Pierre. Au cas où les conditions sanitaires le permettraient, l’hypothèse n’est pas écartée d’utiliser le stade Vélodrome – «un des rares stades qui ne soit pas trop excentré», souligne le prêtre jésuite – ou bien de rassembler une foule sur la grande et large avenue du Prado.
Autre hypothèse que les moines de l’abbaye cistercienne Notre-Dame des Neiges (Ardèche) ont bien envie de voir se réaliser: celle d’une canonisation à Marseille du bienheureux Charles de Foucauld. Apprenant la possible venue du pape François dans la cité phocéenne, dom Hugues de Séréville, abbé de l’abbaye dans laquelle Charles de Foucauld passa sept mois, en a fait la demande auprès du cardinal Marcello Semeraro, préfet de la Congrégation des causes des saints. «Je n’ai pour l’heure eu qu’un retour de la nonciature à Paris, expliquant qu’il s’agissait d’une idée intéressante», confie-t-il. Preuve en est que l’information circule.
Même si traditionnellement les canonisations ont lieu à Rome, il arrive que le pape François en célèbre lors de voyages apostoliques. Ce fut par exemple le cas en 2015 lors de sa visite aux États-Unis, avec la canonisation du Père Junipero Serra, ou bien la même année au Sri Lanka, avec la canonisation du Père Joseph Vaz.
Les partisans d’une canonisation de Charles de Foucauld à Marseille mettent en avant la proximité du pape François avec le bienheureux français, cité en conclusion de l’encyclique Fratelli tutti. «Cet homme qui a vécu de façon tout à fait originale la conversion, l’adéquation de sa vie au Christ et puis la mission, par la prière, l’adoration et la fraternité, est passé par Marseille pour se rendre au Maroc, en Syrie puis vers l’Algérie», détaille le Père abbé, qui rêve même de voir le pape monter jusqu’à l’abbaye ardéchoise où le souvenir de Charles de Foucauld reste présent.
D’autres lieux, plus proches encore de Marseille, se verraient bien aussi accueillir le pontife argentin, comme le sanctuaire de la Sainte-Baume, dans le Var, où l’on vient prier sainte Marie-Madeleine, ou bien encore Cotignac, lieu d’apparition de saint Joseph. En pleine année saint Joseph décrétée par l’évêque de Rome, cela aurait du sens.
Mais à dire vrai, la liste des villes ou sanctuaires français où le pape est attendu ne cesse de s’allonger depuis huit ans, avec à chaque fois d’excellentes raisons – Taizé pour l’œcuménisme, Lisieux pour l’amour que voue le pape argentin à la petite Thérèse, Alençon pour célébrer la famille et les époux Martin, Paris pour se rendre au chevet de Notre-Dame et bien sûr Lourdes où s’étaient déplacés Jean Paul II et Benoît XVI.
Plusieurs indices laissent d’ailleurs penser que la grotte de Lourdes pourrait bien être visitée à l’automne par le pape dans la foulée d’un voyage à Marseille. L’assemblée plénière des évêques de France doit en effet s’y réunir début novembre. Le pontife pourrait dès lors y rencontrer tous les évêques, explique à I.MEDIA un responsable de la CEF. Ce serait aussi l’occasion d’entériner le changement de statut du sanctuaire marial qui, sous l’impulsion de Rome, doit officiellement devenir cette année un sanctuaire national.
Du côté de l’Église en France, on attend désormais une décision de Rome. «Ce serait bien d’avoir une réponse avant l’été pour pouvoir l’accueillir dignement», confie une source bien consciente toutefois de la difficulté de planifier une telle visite dans un contexte de crise sanitaire.
Les autorités françaises continuent quant à elles de souhaiter la venue du pape. En décembre dernier, Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie, l’avait rappelé au cardinal Parolin lors d’une audience privée, quelques heures seulement après le passage de Mgr de Moulins-Beaufort. L’ambassade de France près le Saint-Siège confirme à I.MEDIA que, jusqu’au plus haut niveau de l’État, on se tient prêt à recevoir le pontife s’il répondait favorablement à l’invitation remise par le président de la CEF.
Fait notable: ni les autorités civiles, ni les responsables de l’Église contactés par I.MEDIA n’ont considéré la proximité des présidentielles de 2022 comme un possible obstacle à la venue du successeur de Pierre à l’automne 2021. Celles-ci doivent se tenir en avril de l’année suivante, soit un peu plus de cinq mois après l’éventuelle visite du pape en France. «Disons que c’est le dernier créneau possible», résume une source. (cath.ch/imedia/hl/rz)
I.MEDIA
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