Le geste avait fait le tour du monde: le 11 avril 2019, lors d’une rencontre au Vatican, le pape François avait supplié les responsables du Soudan du Sud de se réconcilier, allant même jusqu’à se mettre à genoux devant eux et leur embrasser les pieds pour appuyer sa supplication de paix. Pour leur donner un horizon positif concret, il avait alors exprimé son souhait de se rendre dans le jeune pays une fois que le conflit serait réglé et que la situation serait plus stable.
La forte implication du Saint-Siège dans ce conflit relativement peu médiatisé s’inscrit dans une longue tradition d’arbitrages et d’intermédiations propre à la diplomatie du Vatican, en particulier en Afrique. Le secrétaire d’État Pietro Parolin en a récemment donné un nouvel exemple en prenant part directement aux négociations pour la paix dans le nord du Cameroun.
Au Soudan du Sud, l’enlisement généralisé de la guerre civile a rendu la tâche particulièrement complexe pour les nonces du pape. En effet, depuis la fondation du pays en 2001, une faction gouvernementale et plusieurs mouvements d’opposition, rassemblés au sein du SSOMA (Alliance des mouvements d’opposition du Soudan du Sud) s’opposent dans une lutte sans merci pour le pouvoir.
Face à ce type d’affrontements tribaux, le Saint-Siège n’hésite pas à multiplier les démarches et à s’appuyer sur ses réseaux locaux. Au Soudan du Sud, où les catholiques ne sont pas majoritaires (37,5% de la population), le Saint-Siège a mis en place une stratégie originale de diplomatie œcuménique.
Pour faire porter le message de paix, l’Église catholique a dès lors fait appel aux anglicans et aux calvinistes écossais, très présents dans cette ancienne colonie britannique. Le 25 décembre 2019, en coopération avec l’archevêque de Cantorbéry Justin Welby, le pontife avait fixé un délai de cent jours aux deux parties pour qu’elles trouvent une solution, mettant une fois encore dans la balance un voyage au Soudan du Sud.
L’année 2020 avait commencé sur d’excellentes bases, puisque les deux principaux opposants sud-soudanais avaient signé un accord le 12 janvier, premier pas vers une réconciliation. Paraphé à Rome au siège de la communauté Sant’Egidio – association de laïcs catholiques qui joue un rôle clé dans la diplomatie du pape François – le document engageait les deux parties à mettre fin à la guerre civile. Elles tombaient d’accord pour un cessez-le-feu dès le 15 janvier.
Le 21 février, le président sud-soudanais avait fait un geste de plus vers la paix, annonçant depuis la capitale du pays la dissolution de son gouvernement et la nomination de l’opposant Riek Machar à un poste de vice-président dans le nouveau gouvernement. C’était une des recommandations de l’administration du pape François. Mais force est de constater que la situation n’a pas été réglée et que la pandémie a freiné les avancées jusqu’alors observées. Pire, certaines, régions semblent avoir été régulièrement sujettes à des violences.
Résultat: le 24 décembre 2020, à la veille de Noël, le pontife a envoyé une missive co-signée par Justin Welby, archevêque de Cantorbéry et Martin Fair, Modérateur de l’Église d’Écosse, dans laquelle les chefs religieux rappelaient les engagements pris par les dirigeants sud-soudanais. «Nous avons été heureux de constater les petits progrès que vous avez accomplis», déclaraient les trois leaders religieux aux hommes politiques sud-soudanais, mais «nous savons qu’ils sont insuffisants pour que votre peuple ressente le plein effet de la paix».
Depuis lors, la diplomatie vaticane a axé son intervention sur le plan humanitaire, tentant de sensibiliser l’opinion sur une situation peu connue du grand public. Dans son discours au corps diplomatique en 2021, le pape François a cette fois-ci mis en garde contre le risque d’une famine au Soudan du Sud et dénoncé les carences alimentaires dont souffriraient plus d’un million d’enfants dans ce pays. Il a aussi déploré que les corridors alimentaires soient souvent « entravés » et demandé une action internationale.
Dialogue œcuménique, communication du pape, utilisation des réseaux pastoraux et d’associations laïques, sensibilisation de l’opinion publique: le Saint-Siège continue d’user de tous les leviers disponibles pour mettre fin au conflit au Soudan du Sud. Aussi faut-il s’attendre à ce que les diplomates du pape continuent leur travail de longue haleine pour la paix en 2021. (cath.ch/imedia/cd/bh)
Retrouvez le troisième volet de notre série le 15 février: la diplomatie de l’eau du Saint-Siège
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