Par Bernard Litzler, pour cath.ch
«En 2005, lors d’une crise majeure de mon existence, le sol se dérobe sous mes pieds», témoigne Nils Phildius. Le pasteur genevois entame alors un chemin de guérison intérieure, libérateur avec l’aide de psychothérapeutes intégrant la dimension spirituelle dans leur approche. Son cheminement, il l’a partagé par visioconférence à la cinquantaine d’agents pastoraux et de personnes en formation au CCRFE, lors de la session sur les nouveaux chercheurs spirituels.
Petit à petit, le pasteur Phildius a réussi à se reconstruire, grâce à différentes démarches psycho-corporelles psycho-corporelles de respiration et de méditation. Ces méthodes, pourtant éloignées de son environnement chrétien habituel, l’ont guéri puis unifié, dit-il. Devenu formateur, il créera à Genève un atelier de spiritualité chrétienne intégrant ses expériences. Son récent ouvrage, Se goûter un en Dieu, Approche non duelle de la spiritualité chrétienne (Labor et Fides) témoigne de ses expériences méditatives en les rapprochant de la tradition chrétienne. Et le bleu ciel est devenu la couleur de Nils Phildius. Les personnes qu’il a formées se retrouvent désormais à la Maison Bleu ciel, un espace de spiritualité qui allie recherche chrétienne et démarches psycho-corporelles, méditatives et créatives.
L’abbé Jean-Luc Souveton, autre invité du CCRFE, a, quant à lui, tiré les leçons de ce type de cheminements. Prêtre du diocèse de Saint-Etienne, il s’est penché, avec l’Observatoire des nouvelles croyances institué par la Conférence des évêques de France, sur les questions pastorales soulevées par les «chercheurs de Dieu».
Pour l’abbé Souveton, il faut accueillir ces cheminements, sans a priori: une attitude délicate pour l’Eglise car ces chercheurs ont souvent rompu, volontairement, les ponts avec elle. Mais «il est important de s’ouvrir, car il en va de la vie de l’Eglise. Car les chercheurs ont soif du cœur, de l’essentiel, du partage d’expériences». Enfin, note le prêtre stéphanois, «leur itinéraire est fondamental: il contribue à l’actualisation de la Révélation». Et, par eux, «il en va du devenir conjoint de l’Eglise et de l’humanité». Il s’agit donc d’établir une culture de la rencontre et du dialogue. L’enjeu? L’avenir du genre humain. «Et l’Eglise est au service de ce devenir», comme l’a pressenti le concile Vatican II.
Le premier jour de la session du CCRFE, Jean-Luc Souveton a témoigné de son expérience de délégué diocésain de «Développement personnel et spiritualités hors frontières», institué dans son diocèse. «Les expériences spirituelles de ces chercheurs de Dieu sont intenses, réelles, même vécues à distance de l’institution: ils ne cherchent pas de rituels, ils ne veulent pas d’une appartenance, non. Ils recherchent des compagnons de route».
«Pour ces personnes, on peut faire l’économie de l’institution au profit de l’auto-spiritualité»
Jean-Luc Souveton
Une double enquête sociologique est venue étayer ces propos. En Suisse, une enquête Religion et spiritualité à l’ère de l’ego, paru chez Labor et Fides en 2015, relève combien notre société a produit quatre types de relation au religieux-spirituel: l’institutionnel, l’alternatif, le distancié et le séculier. Chacun de ces caractères illustre une manière de vivre la croyance, la pratique religieuse ou séculière.
En France, le Groupe d’études et de recherche sur les pratiques spirituelles émergentes (GERPSE) a mené une enquête fouillée sur ces nouvelles pratiques. Les chercheurs de Dieu se disent souvent chrétiens, mais distanciés de l’institution: ils militent pour une spiritualité qui dépasse la religion, en suivant leur propre chemin. Ils cherchent à comprendre leur être profond, sans nécessairement de lien communautaire. «Pour ces personnes, note Jean-Luc Souveton, on peut faire l’économie de l’institution au profit de l’auto-spiritualité».
Pourtant, ce chemin ne débouche pas nécessairement sur l’individualisme. «Ces gens restent très engagés sur le terrain social ou associatif, ecclésial parfois». Et ils ne craignent pas de marier les contraires: on peut être dans l’institution et en dehors, on peut se définir à la fois chrétien et bouddhiste.
Les apports de ces deux jours ont produit des discussions intenses dans les petits groupes constitués électroniquement. Les participants à la session ont pu échanger leurs impressions, notamment après le visionnement du documentaire Présence de Manuel Régnier, sur la méditation chrétienne. Le panorama filmé de divers lieux de méditation ou de zen a soulevé des questions, notamment sur l’anthropologie véhiculée par ces pratiques, la compatibilité entre le Christ et le Bouddha, la présence d’une communauté.
Les expériences romandes ont également été abordées. Sœur Isabelle Donegani et de Michel Alibert ont présenté les stages de yoga proposés à La Pelouse à Bex, siège des Sœurs de St-Maurice. Ces sessions de yoga, parfois associées à la Bible, existent depuis 16 ans. Elles ont rencontré leur public, parfois éloigné de l’Eglise, mais qui vit souvent par ce biais un retour à la foi chrétienne.
De son côté, le jésuite Luc Ruedin a présenté le projet d’Espace Maurice Zundel, qui sera installé dans la chapelle Mon-Gré, sous la gare de Lausanne. La City Church, église urbaine ouverte à l’été 2022, offrira un accueil, l’accès aux archives de l’abbé Zundel, ainsi qu’une offre cultuelle, œcuménique et interreligieuse.
Au final, la richesse de ces deux jours de session, conclues chaque soir par un exercice de respiration apaisante, a été relevée par les participants: «Une ouverture saine et régénératrice», «un émerveillement pour les chercheurs de Dieu et un appel à être toujours moi-même en chemin», «un vrai cadeau, une autorisation de mon parcours passé pour être en Eglise maintenant». Philippe Hugo, directeur, et l’équipe d’animation du CCRFE ont ouvert de nouvelles voies. (cath.ch/bl)
Rédaction
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