Les femmes pratiquent depuis longtemps déjà le service de la lecture publique de la parole de Dieu lors des célébrations liturgiques (lectorat), ainsi que celui de l’aide au service de l’autel, avec la distribution de la communion (acolytat). Quels sont dès lors les changements introduits par la décision du pape François? Les diocèses vont-ils se saisir de cette nouvelle possibilité? Les réponses de Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion.
À quels changements s’attendre dans votre diocèse?
Mgr Jean-Marie Lovey: Des femmes exercent déjà ces ministères du lectorat et de l’acolytat et habituellement, très bien. Ainsi le changement qui est hautement souhaitable, et c’est l’une des nouveautés de l’initiative du pape, consiste à penser théologiquement et ecclésialement ces ministères sous un aspect différent. Jusque-là, ils étaient pensés comme des étapes en vue de l’ordination sacerdotale. Un jeune homme recevait les «ordres» du lectorat, puis de l’acolytat, puis du sous-diaconat, avant d’être ordonné prêtre. La réflexion du pape François porte l’attention sur le fondement de toute vie chrétienne: le baptême. En vertu de son baptême et de sa confirmation, le chrétien est conformé au Christ-Prêtre; il en reçoit mission et responsabilité. C’est donc sur ce sacerdoce baptismal que s’ancrent lectorat et acolytat, afin de manifester davantage encore l’importance de l’engagement de tous les baptisés pour l’annonce et la transmission de l’Evangile. Ce geste majore le rôle des laïcs, hommes et femmes et leur confère un mandat, non plus limité dans le temps, mais stable, pour la vie.
Pensez-vous nommer des femmes à ces ministères?
Oui, je me réjouis de pouvoir compter sur des vocations à ces ministères et nous nous emploierons à les institutionnaliser plus formellement. Les conférences épiscopales vont devoir proposer des critères, pour l’appel des candidates, leur formation, et évaluer l’opportunité du besoin.
Ces deux ministères, qui étaient jusque-là réservé aux hommes laïcs, ont été en pratique très peu utilisés en France. Qu’en est-il dans votre diocèse?
C’est un net encouragement à une plus forte participation des laïcs au devoir de l’évangélisation. Le motu proprio donne surtout un enracinement ecclésial fort en rattachant la personne qui reçoit lectorat ou acolytat à l’Eglise locale par le geste liturgique, non plus de l’ordination comme autrefois, mais de l’institution. En réalité, ces ministères «ordonnés» étaient conférés à des hommes en vue de leur ordination: diacres ou prêtres. Dans sa réforme, Paul VI avait défait le lien obligatoire entre ces ordres mineurs et la prêtrise, en réservant toutefois aux seuls hommes la possibilité de les recevoir.
«La nouvelle disposition veut soigner la formation à ces ministères et leur ancrage dans la communauté.»
Entre une manière de faire pratiquée parfois à la légère, y compris chez nous, où lecteurs -trices sont sollicités au dernier moment et une ordination au lectorat réservée à un futur prêtre, la nouvelle disposition veut soigner la formation à ces ministères et leur ancrage dans la communauté. Cela contribuera, selon le pape, à augmenter «la reconnaissance de la précieuse contribution que, depuis longtemps, de très nombreux laïcs, notamment des femmes, apportent à la vie et la mission de l’Eglise.»
Voyez-vous dans la décision du pape François une ouverture vers le diaconat féminin?
Je me suis trouvé avec d’autres évêques, pour une rencontre avec le pape François, juste avant le synode. A la question de savoir si le synode allait ouvrir le diaconat à des femmes et le sacerdoce aux hommes mariés, les viri probati, le pape a répondu: «Je ne vais pas décider à l’avance du résultat final. Nous nous écouterons les uns les autres, nous discuterons en groupe, ensemble nous écouterons l’Esprit-Saint». Le synode sur l’Amazonie en a si peu parlé que ceux qui avaient lu les trois seules lignes du document préparatoire traitant de ce sujet se sont sentis déçus, parce que l’exhortation apostolique sur l’Amazonie n’a pas ouvert cette porte!
Y êtes-vous personnellement favorable?
Je ne vois pas cette porte s’ouvrir. Si un jour l’Eglise appelle des femmes au diaconat, c’est qu’elle en aura discerné le besoin et l’opportunité pour l’Eglise universelle. Ce pourrait être au terme d’un chemin synodal à l’écoute des signes des temps, à l’écoute de l’Esprit.
«Ne serait-ce pas instrumentaliser la femme en faisant d’elle le «moyen» du renouvellement de l’Eglise?»
Les femmes peuvent-elles selon vous être une solution à la crise que traverse l’Eglise?
Il est nécessaire que l’Eglise vive une profonde conversion. Le poids de son histoire récente et plus ancienne l’amène à une purification obligée. «Il faut que ça change», ne cesse-t-on de répéter et l’on vise la terrible pédophilie, les abus de pouvoir, de conscience et le cléricalisme qui les ont produits. Il a été proposé de solutionner ces abus en donnant aux femmes une plus grande place dans l’Eglise. Ne serait-ce pas instrumentaliser la femme en faisant d’elle le «moyen» du renouvellement de l’Eglise? Déplacer simplement le cléricalisme sur cette autre moitié de l’humanité? Je pense que le pape François cherche plutôt à permettre que les femmes soient davantage entendues, comprises, suivies écoutées, respectées pour leurs charismes propres. Mais est-ce à nous, hommes, de dire que le diaconat ne leur convient pas? Ne devrait-on pas, ensemble en Eglise, porter une attention renouvelée à tout ce que les femmes apportent à la communauté? Dans quantités de communautés, ce sont elles qui donnent et entretiennent la vie spirituelle. Leur place est centrale.
Interpellés par la rédaction, Mgr Charles Morerod et Mgr Félix Gmür n’ont pas répondu à nos questions. (cath.ch/cp)
Carole Pirker
Portail catholique suisse
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