Le Conseil suisse des religions rejette l'initiative «anti-burqa»

Le Conseil suisse des religions (SCR), constitué de représentants des communautés religieuses chrétiennes, juives et musulmanes, rejette l’initiative populaire «Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage», dite «anti-burqa».

À l’occasion d’une conférence de presse tenue via Zoom, le Conseil suisse des religions a présenté une prise de position commune sur la votation fédérale du 7 mars 2021, rapporte le SCR dans un communiqué du 25 janvier.

L’initiative populaire «Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage» exige qu’en Suisse, nul ne se dissimule le visage dans l’espace public. Cette interdiction s’appliquerait dans tous les lieux accessibles au public, mais ne s’appliquerait pas dans les lieux de culte.

Oui au contre-projet du Conseil fédéral

L’initiative a été lancée par le comité d’Egerkingen, qui réunit principalement des membres de la droite conservatrice. Le groupe avait réussi à faire interdire la construction de nouveaux minarets en Suisse, en 2009. Le nouveau texte vise principalement les personnes qui dissimuleraient leur visage lors de manifestations, ainsi que les femmes portant le voile intégral musulman, d’où le surnom d’initiative «anti-burqa«. Ses auteurs considèrent que la dissimulation du visage symbolise l’oppression de la femme et qu’il va à l’encontre des règles du savoir-vivre dans notre culture.

Le Conseil suisse des religions (SCR) estime cependant qu’une telle restriction de la liberté de religion est «disproportionnée». En lieu et place de l’initiative, le Conseil accueille favorablement le contre-projet indirect du Conseil fédéral et du Parlement. Il prévoit que toute personne est tenue de montrer son visage au représentant d’une autorité lorsque c’est nécessaire pour vérifier son identité.

Liberté de religion en danger

«En tant que représentantes et représentants des plus grandes communautés religieuses de Suisse, nous voulons nous unir aujourd’hui et montrer qu’une interdiction de se dissimuler le visage ne peut en aucune manière contribuer à un <vivre ensemble>, en paix, dans notre pays», a déclaré lors de la conférence de presse Harald Rein, président du SCR et évêque de l’Église catholique-chrétienne de la Suisse. Les membres du Conseil ont souligné que la liberté de religion représente l’un des plus importants piliers une démocratie libérale fondée sur l’État de droit. «Presque toutes les religions considèrent certaines formes de tenues vestimentaires comme un signe de révérence et de vénération pour Dieu», a expliqué Montassar BenMrad, président de la Fédération d’organisations islamiques en Suisse.

Pas de protection pour les femmes

Le SCR considère également qu’il est faux et disproportionné de porter atteinte à la liberté religieuse au motif apparent de l’intérêt de la sécurité publique. «L’obligation de se découvrir le visage n’offre aucune garantie contre la violence», a souligné Mgr Felix Gmür, président de la Conférence des évêques suisses (CES). «Les idéologies qui appellent à la violence sont un danger pour la sécurité publique, indépendamment du fait qu’elles se cachent ou non derrière un voile», a ajouté Farhad Afshar, président de la Coordination des organisations islamiques suisses.

Les représentants religieux ont également rejeté l’argument de protection des femmes. «Si nous partons toujours de l’idée que les femmes voilées sont opprimées et rabaissées, nous ne rendons pas justice à la pluralité des interprétations que les femmes se font, à titre personnel, de la religion», a souligné Rita Famos, présidente de l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS). Aux yeux du SCR, il faut plutôt continuer à renforcer les droits des femmes. (cath.ch/com/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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