C’est une première. Jamais, depuis plus d’un siècle d’existence, l’organisation de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens (SPUC) n’avait été confiée à une communauté monastique. Le choix s’est porté cette année sur la Communauté de Grandchamp, dans le canton de Neuchâtel.
Une décision sans doute liée à la relation qu’entretiennent de longue date les religieuses neuchâteloises avec la SPUC et le Conseil œcuménique des Eglises (COE), basé à Genève. Le lien remonte entre autres à l’amitié des premières sœurs vivant à Grandchamp avec l’abbé Paul Couturier (1881-1953), le prêtre lyonnais à l’origine de l’actuelle structure de la Semaine de prière dans les années 1930.
Le thème choisi par les sœurs neuchâteloises pour l’édition 2021 de la SPUC n’est pas anodin. Dès les années 1930, l’unité des chrétiens fait en effet partie de l’ADN du monastère situé à côté de Boudry (NE).
«C’était un très beau temps de partage et de collaboration fraternelle.»
Le groupe, composé d’une douzaine de délégués internationaux, est parrainé par le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens (CPUC) et la Commission ‘Foi et Constitution‘ du Conseil œcuménique des Églises (COE), responsables de la SPUC.
Les deux instances œcuméniques avaient confié aux sœurs de Grandchamp en 2018 déjà la responsabilité de choisir le thème et de proposer les textes des méditations pour la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens 2021.
C’est dans une démarche communautaire que la trentaine de religieuses romandes a élaboré les textes et les prières. «Cette phase nous a permis de partager l’expérience de notre de vie contemplative, mais aussi de parler entre nous du fruit de notre prière: une communion plus étroite avec nos frères et sœurs dans le Christ, ainsi qu’une plus grande solidarité avec l’ensemble de la Création».
«La pandémie ne peut arrêter la prière!»
Le travail commun a finalement servi de base pour la rédaction finale des textes. Des efforts réalisés sous la houlette d’un groupe de travail œcuménique qui s’est réuni du 15 au 18 septembre 2020 dans le hameau surplombant le lac de Neuchâtel.
«C’était vraiment un très beau temps de partage et de collaboration fraternelle», explique Soeur Svenja, l’une des quatre religieuses de Grandchamp qui, avec Soeur Anne-Emmanuelle, l’actuelle prieure, a participé à la rédaction finale des documents. «Les membres du groupe de travail nous ont d’abord écoutées et fait bon accueil à ce qu’on avait préparé. Puis, ils nous ont aidées à mieux l’expliquer théologiquement.»
Les textes mis à disposition sont en lien étroit avec l’histoire de la communauté féminine. «Ils reflètent et témoignent de notre vie en communauté et de prière. Ils expriment notre vocation à la prière, à la réconciliation et à l’unité, dans l’Église comme au sein de la famille humaine», relève Soeur Svenja.
«Si je crois que Dieu est là, en moi, je ne suis pas vraiment seule – cela peut changer beaucoup de choses.»
Une vie de communion, mais aussi de solitude habitée par Dieu. «Si je crois vraiment que Dieu est là, en moi, je ne suis pas vraiment seule. Et cela peut changer beaucoup de choses dans ma vie personnelle».
Semaine de prière pour l’unité en «mode confinement»
Dans l’impossibilité de partager sur place les méditations et les moments de prières, la communauté de Granchamp proposera quotidiennement une démarche à vivre personnellement à son domicile. «Le matériel mis à disposition sur notre site web et notre page Facebook permettra de vivre une mini-retraite chez soi à la maison, dans la confiance que la prière est une réalité qui nous unis et qui n’est pas n’est pas mise à mal par la distanciation physique!», se réjouit Soeur Svenja.
Rendez-vous quotidien sur Facebook ou sur le site de la communauté, dès le 18 janvier 2021. DP
Si les méditations proposées parlent du quotidien et de la vocation des sœurs de Grandchamp, la citation «Demeurez dans mon amour et vous porterez du fruit en abondance» tirée de l’évangile de Jean veut être un double appel. «D’une part, elle invite à prendre conscience que Jésus demeure en chacun de nous, explique la religieuse. Et qu’il désire qu’on partage cette relation avec les autres. Donnons-lui cet espace! D’autre part, le verset est un appel à vivre ensemble et surtout à prier. Car même une pandémie ne peut arrêter la prière».
La péricope johannique retenue cette année (Jn 15, 1-17) se veut une inspiration pour toutes les célébrations et les rencontres qui auront lieu avec des contraintes sanitaires, lors de la semaine de prière. «Le texte nous rappelle que ›pour incarner l’amour de Dieu, il faut s’approcher les uns des autres», explique Soeur Svenja, en citant Dorothée de Gaza (500 – 565/580), un père spirituel du désert palestinien qui a inspiré la célébration œcuménique.
Alors qu’il a été choisi à un moment où on ne parlait pas encore de pandémie, le verset de l’évangile de Jean acquiert aujourd’hui encore plus de profondeur et d’actualité. D’autant plus que les religieuses de Grandchamp sont actuellement en quarantaine en raison de plusieurs cas positifs au Covid-19 au sein de la communauté.
«Comme c’est un projet que nous portons depuis plus de deux ans, il nous tient particulièrement à cœur», assure Sœur Svenja. C’est donc avec une grande tristesse que pour la première fois de notre histoire, nous ne pourrons pas célébrer la prière quotidienne en commun, ni les prières prévues au cours de cette semaine, ni même participer à la célébration cantonale agendée le 17 janvier, qui a été annulée».
«Pour l’instant, nous naviguons à vue, ajoute-t-elle. Nous espérons au moins pouvoir célébrer l’une ou l’autre liturgie à huis clos. Cela dépendra des conseils et des décisions du médecin cantonal avec lequel nous sommes en contact régulier».
«Quand la demande nous est parvenue, nous avons été surprises, se souvient-elle. Mais nous avons accepté cette proposition reconnaissantes envers le Seigneur, sans toutefois nous rendre vraiment compte ce que cette tâche aurait effectivement comporté».
Même en étant confinée dans sa chambre du monastère, Soeur Svenja a été très occupée ces derniers jours. «Nous sommes presque débordées par des questions concernant les documents de la SPUC, qui nous parviennent des quatre coins du monde. Ce matin, par exemple, j’ai reçu un mail de la Californie qui me demandait, le droit d’utiliser les photos. Toutes ces demandes, c’est réjouissant!»Un joie qui est la prémisse d’une bonne moisson en faveur du dialogue et du partage entre les différentes confessions chrétiennes.
«Nous avons travaillé deux ans et nous avons ainsi semé la graine. Maintenant, il faut qu’elle porte des fruits ailleurs. Car ce n’est pas notre projet à nous! D’une certaine façon c’est triste que nous ne nous puissions pas en voir les fruits chez nous. Mais, je suis tout de même confiante. Car c’est l’œuvre de Dieu, pas la nôtre!» (cath.ch/com/catt.ch/dp)
En prière vers l’unité des chrétiens
Instituée en tant qu’Octave pour l’unité de l’Église, la semaine de prière se tient pour la première fois du 18 au 25 janvier 1908. Dans les années 1930, sous l’initiative de l’abbé Paul Couturier, de Lyon, elle s’élargit à tous les chrétiens.
Depuis 1966, la Commission «Foi et Constitution» du Conseil œcuménique des Églises et le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens organisent, à la mi-janvier, la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Cet événement vise à favoriser les rencontres et le dialogue entre les chrétiens du monde entier. Elle trouve son inspiration dans la prière de Jésus à ses disciples: «Que tous soient un, afin que le monde croie» (Jn, 17,21).
Chaque année, un groupe œcuménique différent à travers le monde est chargé de proposer un thème et de préparer les textes pour les célébrations œcuméniques. En 2021, c’est la Communauté des sœurs de Grandchamp, dans le canton de Neuchâtel qui a été choisie. Les textes sont disponibles en français, allemand, anglais, espagnol et portugais sur le site officiel du COE. DP
Les sœurs de Grandchamp
Depuis les années 1930, la communauté des sœurs de Grandchamp accueille en son sein des moniales appartenant à plusieurs Églises chrétiennes et provenant de différents pays du monde. C’était une tentative sans précédent dans les Églises de la Réforme qui, depuis les critiques de Martin Luther, avaient renoncé aux vœux monastiques. Depuis ses origines, la vie de cette communauté monastique de femmes repose sur trois piliers: la prière, la vie en commun et l’hospitalité.
Dès 1952, la communauté monastique romande adopte la règle de Taizé et célèbre avec l’Office de la communauté bourguignonne. Aujourd’hui, la communauté compte une cinquantaine de sœurs engagées dans la recherche de la réconciliation entre chrétiens, dans la famille humaine et dans le respect de la création. Le monastère de Grandchamp est ouvert toute l’année pour des retraites et des rencontres. DP
Davide Pesenti
Portail catholique suisse
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