Le soleil n’est pas parvenu à réchauffer la place qui sépare l’évêché de Sion de sa cathédrale. Le mercure est resté obstinément sous le 0° degré. Quelques passants emmitouflés traversent l’espace désert sans s’attarder. A l’exception de quatre anciens Gardes suisses qui se préparent pour la cérémonie, rien n’indique que la célébration des funérailles du cardinal Henri Schwery, décédé le 7 janvier dernier à St-Léonard (VS), doit débuter un moment plus tard, à 10h30.
Le corbillard s’est positionné à l’entrée de la cathédrale. Les proches et les amis arrivent juste à l’heure. Ils sont suivis de la procession des quelques prêtres et évêques qui ont fait le déplacement pour concélébrer la messe d’enterrement du cardinal valaisan.
Parmi eux l’évêque émérite de Sion, Mgr Norbert Brunner, Mgr Pierre Bürcher, l’actuel administrateur apostolique du diocèse de Coire, Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg, et le Père-Abbé de l’abbaye de Saint-Maurice, Mgr Jean Scarcella.
«Je désire que ma mort soit annoncée et accueillie comme une fête, celle de la rencontre du Père dans les cieux, la troisième naissance», avait écrit le cardinal Henri Schwery dans son testament spirituel.
Malgré ce désir, les normes imposées par la pandémie ont drastiquement limité la participation à ses funérailles: cardinal ou pas, c’était 50 personnes, pas plus. Le diocèse avait d’ailleurs prévenu les fidèles d’accompagner le cardinal «autrement que par la communion, dans la prière».
La modeste assemblée est entrée dans la cathédrale, précédée des ancien Gardes suisses. Le violet des chasubles, étole et autres dalmatiques claquait dans la froide lumière de janvier, contrastant avec les tenues sombres, de rigueur en pareille occasion.
«Mgr Schwery, notre cher Cardinal, est décédé dans le rayonnement de la fête de l’Epiphanie. Aujourd’hui, en le remettant entre les mains de ce Dieu qu’il a servi, nous sommes encore tout humides de notre plongée avec le Christ dans son Baptême, fêté hier (le 10 janvier, ndlr)», a indiqué Mgr Lovey en ouvrant son homélie, qui fut précédée de la lecture du message de condoléances que le pape lui a adressé.
L’évêque de Sion a évoqué le testament spirituel de Mgr Henri Schwery dans lequel ce dernier a décrit les étapes essentielles de sa vie pour lesquelles Dieu l’a choisi: naître, renaître, connaître. «Trois verbes d’une même famille. Trois verbes que le Nouveau Testament ne cesse de nous faire conjuguer aux différents temps et formes de la langue de l’Evangile», a exposé Mgr Jean-Marie Lovey.
L’évêque de Sion a articulé une homélie dense autour de ces trois verbes, faisant référence aux rois mages venus adorer le nouveau-né de la crèche. Il a lié au baptême de Jésus dans le Jourdain ces étapes de la vie du croyant.
La naissance, c’est «notre venue au monde, notre venue à la lumière est ainsi précédée de ce moment sacré où Dieu nous façonne dans le secret, où il nous modèle aux entrailles de la terre (cf. Ps 138, 15)», a expliqué l’évêque de Sion en ajoutant que c’est le premier grand ouvrage de tout être humain, sa première victoire.
L’évêque a poursuivi en expliquant que «Pour renaître au Baptême qui est une autre naissance, Jésus se laisse faire. «Ni Jésus, détaille l’évêque de Sion, ni aucun de ses disciples par la suite, aucun de nous, nul ne se baptise soi-même. Nous sommes baptisés. Au seuil de cette naissance spirituelle, il s’agit, encore plus que pour la naissance physique, d’être disponible et consentant, puis de se laisser faire».
Pour vivre la 3ème étape, celle de la connaissance, nous sommes conduits à mettre nos pas dans ceux du Christ, à nous immerger totalement dans sa vie, a ajouté Mgr Lovey. «Le baptême est littéralement une plongée dans ce qu’est la naissance, la vie, la passion la mort et la résurrection de Jésus».
Aucun de nous ne fera l’économie de cet autre plongeon qu’est son propre passage par la mort. «Mais d’avoir été baptisé, c’est-à-dire plongé dans la mort de Jésus, va nous aider à vivre notre propre mort comme l’ultime et définitive naissance». Les mages ont apporté la myrrhe en annonce de la mort de Jésus, a précisé l’évêque.
Ceux qui restent ici-bas éprouvent cette nouvelle déchirure tandis que «celui qui traverse le passage pousse alors un cri d’émerveillement. C’est pour lui la révélation définitive: Il voit enfin son Dieu […]».
Le cardinal Schwery est donc allé à la rencontre de son Dieu. «Je serai vraiment par son infinie Bonté conforme à cette identité qu’il m’avait donnée et que lui seul connaît’’, a-t-il écrit dans son testament. (cath.ch/bh)
>Télécharger l’homélie de Mgr Lovey.
Bernard Hallet
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