Le 15 juin 1520, Léon X condamne les 95 thèses du théologien d’Erfurt Martin Luther, dans une bulle, Exsurge Domine, le comparant à un renard «cherchant à détruire la vigne». Le moine y dénonce notamment le commerce des indulgences instauré par le pape Jules II, et poursuivi par Léon X, pour financer la construction de la basilique Saint-Pierre, à Rome. Le pape lui laisse alors 60 jours pour se rétracter et abjurer sa «doctrine offensive contraire à la foi chrétienne». Peine perdue: le moine allemand persiste, et va même jusqu’à brûler la bulle publiquement. Ayant attendu en vain pendant 172 jours, le pontife décide alors de sévir et, comme promis, l’excommunie.
La procédure canonique est explicitée par une nouvelle bulle, Decet Romanum pontificem. Alors qu’il voit son autorité directement remise en cause par Luther, Léon X prend soin de justifier son action en préambule: c’est le «pouvoir qui lui a été donné par Dieu» qui lui ordonne de «réprimer les mauvais desseins des hommes égarés osant introduire le mal du schisme dans l’Église de Dieu». Il agit donc «pour éviter que la barque de Pierre ne semble naviguer sans pilote ni rameur», et sévit contre ceux qui contaminent les âmes «avec ce qui équivaut à une maladie contagieuse».
L’évêque de Rome rappelle ensuite les exigences de sa précédente bulle. Il souligne que depuis, beaucoup de «ceux qui suivaient Martin [Luther] […] ont confessé leurs erreurs et ont abjuré l’hérésie à notre instance», brûlant en place publique les écrits de leur ancien maître. C’est au contraire «avec une grande tristesse» qu’il constate que le moine augustin, «esclave d’un esprit dépravé», n’a non seulement pas obéi à son injonction mais en vient à «écrire et prêcher des choses pires qu’auparavant contre [le pape] et contre ce Saint-Siège et la foi catholique». Léon X le déclare dès lors, lui et ses disciples, officiellement «hérétiques».
Tout ceux qui se prétendent «luthérien» sont voués au même châtiment que le moine allemand. Le pontife énumère les peines: excommunication (exclusion de l’Église catholique, ndlr], anathème [exclusion de la société des croyants, ndlr), condamnation et interdiction perpétuelles (privation de sacrements, ndlr). Ce n’est pas tout: il leur inflige une privation de dignités, d’honneurs et de propriété pour eux et leurs descendants et ordonne la confiscation de leur bien au nom du «crime de trahison» commis. Toutes ces peines, insiste le pape, sont «tombées sur tous ces hommes pour leur damnation».
Partout où ils iront «ces hommes doivent être évités par tous les chrétiens fidèles», ordonne le suzerain des États pontificaux, qui affirme être prêt à tout pour protéger «le troupeau d’un seul animal infectieux, de peur que son infection ne se propage aux animaux sains». Tous les prêtres et membres d’ordre religieux sont dès lors interdits de «garder le silence comme des chiens muets qui ne peuvent aboyer» et sommés de crier sans cesse et à tous l’excommunication de Martin Luther et des siens. Conscient du succès que rencontre Luther, c’est bien un «mur de défense pour le peuple chrétien» qu’exige Léon X.
Conscient de ne pas être en mesure de transmettre directement la bulle aux intéressés «en raison de la force de leur faction», le pontife ordonne à ses messagers de clouer sa bulle sur les portes de deux cathédrales en Allemagne. Il invite aussi tous les prélats à faire recopier le plus possible sa condamnation officielle pour en étendre la transmission, point intéressant quand on sait que de son côté Luther emploie avec habileté, pour chacun de ses essais, l’imprimerie moderne, inventée par Johannes Gutenberg en 1454.
Entre 1522 et 1545, un tiers des livres sortant des presses allemandes seront ainsi de Luther. Au contraire, il faudra attendre 1587 pour que le pape Sixte V crée en réponse la «Typographie vaticane» dans sa constitution apostolique Eam semper.
L’effet de la bulle pontificale, dans un premier temps, répond aux attentes du pape Léon X: Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique souhaite mettre fin aux actions de Luther, mais a besoin de l’accord des électeurs de l’Empire. Ces derniers sont donc rassemblés en Diète (assemblée, ndlr) à Worms, en Allemagne en avril 1521. Formés en tribunal, les princes s’alignent très majoritairement sur Rome. Luther se défend devant les grands d’Allemagne, en vain. Il est mis au ban du Saint-Empire romain germanique.
Cependant, la promulgation de l’édit de Worms par l’Empereur qui découle de ce procès aurait pu signifier la fin de Martin Luther si ce dernier n’avait été exfiltré de la ville rhénane en catimini par son protecteur le prince-électeur Frédéric III de Saxe. Retranché ensuite dans le château de la Wartbourg, l’»hérétique» va dès lors pouvoir continuer à développer sa critique de l’Église et accompagner une frange considérable de l’Europe dans un schisme total avec Rome. L’autorité du pontife, bravée par ce qui devient alors une véritable coalition «protestante», sort de son bras de fer avec Luther considérablement affaiblie. (cath.ch/imedia/cd/bh)
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