Mais d’autres moments forts auront marqué cette année, comme la publication de l’exhortation apostolique post-synodale Querida Amazonia, celle de l’encyclique Fratelli tutti, la démission fracassante du cardinal Angelo Becciu, ancien «numéro 3» du Vatican, ou bien encore la publication du rapport McCarrick. L’agence I.MEDIA a retenu douze dates qui auront marqué cette année inédite.
1- 12 février : Le pape ne se prononce pas sur l’ordination d’hommes mariés en Amazonie
L’exhortation apostolique faisant suite au synode sur l’Amazonie du 6 au 27 octobre 2019 était particulièrement attendue. Rendue publique le 12 février 2020 sous le nom de Querida Amazonia – «Amazonie bien-aimée» -, elle donne des pistes pour répondre à l’urgence missionnaire, sociale et écologique dans cette région d’Amérique du Sud. La question explosive de l’ordination d’hommes mariés – les viri probati – n’est finalement pas évoquée par le pontife argentin. L’évêque de Rome choisit de garder le silence, quand bien même plus des deux tiers du synode des évêques avaient voté pour cette disposition. Le texte final exhorte les évêques à prier et à encourager concrètement les vocations.
Les discussions autour de l’ordination des viri probati avaient suscité de vifs débats au sein de l’Église universelle. Un mois avant la publication de l’exhortation, était notamment sorti le livre Des profondeurs de nos cœurs (Fayard), un plaidoyer en faveur du célibat sacerdotal rédigé par le cardinal Robert Sarah avec la collaboration du pape émérite Benoît XVI.
2- 27 mars: bénédiction Urbi et Orbi au temps du Covid-19
C’est au son des cloches de toutes les églises de Rome que le pontife délivre, le 27 mars 2020, sa bénédiction Urbi et orbi. Seul devant la place Saint-Pierre battue par la pluie, il bénit les fidèles connectés en présentant le Saint-Sacrement «à la Ville et au Monde». Un moment historique pour le monde frappé par une crise sanitaire inédite dans l’ère moderne. Un moment historique également pour l’Église et le pape François qui décide dès lors d’axer la majeure partie de ses enseignements et catéchèses de l’année 2020 sur la pandémie et ses conséquences. La «tragédie mondiale» a réveillé la conscience que nous constituons une communauté mondiale qui navigue dans le même bateau, martèle-t-il par exemple dans son encyclique Fratelli tutti, publiée le 4 octobre.
La crise sanitaire oblige par ailleurs le Saint-Siège à bouleverser son organisation. Les audiences générales sont pour la plupart délivrées sans public depuis la bibliothèque du Palais apostolique du Vatican, les visites diplomatiques sont largement ajournées, les grandes célébrations comme la messe de la Toussaint ou de Noël sont célébrées en petit comité.
3- 18 juin : Benoît XVI s’envole pour l’Allemagne
À 93 ans, le pape émérite rejoint en avion la ville de Ratisbonne pour rendre visite à son frère aîné, Georg Ratzinger, qui vit ses derniers jours. Ce voyage est inédit puisque c’est la première fois que le pontife allemand quitte l’Italie depuis sa renonciation en 2013. Il repart le 22 juin après avoir dit un dernier adieu à son frère dans la plus stricte intimité. Georg Ratzinger meurt quelques jours plus tard, le 1er juillet, à l’âge de 96 ans.
Le pape émérite ressort affaibli de ce voyage après lequel il développe une affection cutanée. Le 28 novembre, à l’issue du consistoire, les nouveaux cardinaux lui rendent visite. Ils saluent un pape émérite diminué et ayant des difficultés à s’exprimer.
4- 24 septembre: le cardinal Becciu démissionne
Coup de tonnerre dans le ciel du Vatican. Dans un communiqué lapidaire, le Bureau de presse du Saint-Siège annonce la démission de l’ancien Substitut de la Secrétairerie d’État nommé en 2019 à la tête de la Congrégation pour les causes des saints, le cardinal Angelo Becciu. Dépossédé par le pape de ses droits au cardinalat – il ne devrait pas participer au prochain conclave -, le haut prélat sarde est rapidement pointé du doigt par la presse pour son implication dans l’affaire de l’immeuble de Londres – dans laquelle le Vatican aurait perdu des dizaines de millions d’euros. D’autres révélations laissent beaucoup d’analystes spéculer sur la potentielle incompétence ou malhonnêteté qui pourrait lui avoir été reprochée par le pontife, sans qu’aucune preuve n’apparaisse pour autant.
Au-delà de «l’affaire Becciu», cette année 2020 aura été marquée par les nombreuses réformes du pape François en matière financière; et ce jusqu’au bout de l’année. Par un Motu proprio (document rédigé sur l’initiative du pape) publié le 28 décembre, une énième décision vise à rendre plus transparente la gestion des finances vaticanes. Au sortir de cette année, la Secrétairerie d’État est dépossédée de la gestion de nombreux fonds qu’elle gérait jusqu’à présent.
5- 4 octobre : publication de l’encyclique Fratelli tutti
Symboliquement, c’est sur la tombe de saint François d’Assise que le pape François a choisi de signer le 3 octobre sa troisième encyclique. Rendue publique le lendemain, Fratelli tutti – Tous frères –, constitue un plaidoyer pour la fraternité et l’amitié sociale. Pour le pontife, c’est en articulant «l’amour universel» et la reconnaissance de «chaque être humain comme un frère ou une sœur» qu’il est «possible d’accepter le défi de rêver et de penser à une autre humanité». Perçue par certains comme étant une synthèse du pontificat de François, cette «encyclique sociale» livre d’abord une analyse sévère du monde contemporain dont l’égoïsme s’est à nouveau manifesté avec la crise sanitaire.
Parmi les nombreuses réflexions apportées pour soigner ce monde blessé, l’évêque de Rome lance sept appels concrets: réformer l’Organisation des nations unies, abolir la peine de mort, accueillir les personnes migrantes, en finir avec toutes les formes d’esclavage, abolir le nucléaire, exclure la violence de la religion ou encore œuvrer pour l’unité de l’Église.
6- 10 novembre: publication du rapport McCarrick
Faire la lumière sur la manière dont l’ex-cardinal McCarrick a pu gravir les échelons dans l’Église catholique sans jamais être inquiété malgré ses nombreux abus commis: telle était la demande du pape François en 2018. Deux ans plus tard, un rapport de 445 pages sur l’ex-haut prélat américain est rendu public. Le document inédit retrace depuis le pontificat de Paul VI la façon dont l’ancien archevêque de Washington a brillamment évolué dans la hiérarchie de l’Église malgré les nombreuses allégations d’abus sexuels qui pesaient sur lui.
On y apprend notamment que Jean Paul II avait bien été informé officiellement de soupçons importants à l’encontre de McCarrick, notamment par une lettre du cardinal O’Connor, alors archevêque de New York. Mais il avait préféré faire confiance à Mgr McCarrick. Plus tard, Benoît XVI avait finalement écarté le haut prélat sans toutefois lancer de procédure canonique. Quant au pape François, il a fait confiance au jugement de ses prédécesseurs jusqu’à ce que l’affaire bascule en juin 2017, au moment où l’archidiocèse de New York enregistrait une accusation d’abus sexuel impliquant une victime mineure.
7- 19 novembre: ouverture de The Economy of Francesco
C’est finalement derrière leurs écrans que les participants de ‘The Economy of Francesco’ auront suivi l’événement mondial qui devait se tenir initialement à Assise au printemps 2020. Après des mois de «brainstorming», quelque 2’000 jeunes du monde entier ont pu échanger du 19 au 21 novembre pour renouveler l’économie à la lumière de l’esprit du Poverello d’Assise. Trois jours de réflexion également ponctués par les interventions de personnalités du monde économique telles que Mohammed Yunnus, prix Nobel de la Paix, Kate Raworth, économiste et éditorialiste britannique ou encore Jeffrey Sachs, enseignant à l’Institut de la Terre de l’Université de Columbia (États-Unis).
Au terme de l’événement, le pape François a insisté pour que ‘The Economy of Francesco’ ne soit pas «qu’un bruit superficiel». Il a invité les jeunes à passer à l’action. «Vous êtes appelés à avoir concrètement de l’influence dans le travail […], dans les entreprises et dans les mouvements, dans les services publics et privés, avec intelligence, engagement et conviction, pour arriver au centre et au cœur où s’élaborent et se décident les thèmes et les paradigmes».
8- 24 novembre: officialisation du renouvellement de l’accord Chine-Saint-Siège
C’est parce qu’il représente une «grande importance ecclésiale» et une «valeur pastorale» que l’accord secret entre la Chine et le Vatican a été reconduit, a expliqué le Bureau de presse du Saint-Siège. Portant notamment sur la nomination des évêques en République populaire de Chine, cet accord reprend celui signé en septembre 2018 et qui devait durer deux ans. Ce renouvellement est intervenu malgré les critiques et les pressions de certains acteurs. Mike Pompeo, chef de la diplomatie américaine, l’avait par exemple critiqué quelques jours auparavant en dénonçant le non-respect de la liberté religieuse en Chine.
Dans un entretien au site d’information américain Crux, Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire du Vatican pour les relations avec les États, avait reconnu les limites d’un tel accord. «Beaucoup de choses ne se sont pas déroulées comme nous l’espérions», avait-il lâché, sans pour autant remettre en cause le bien fondé de cette entente. «Le fait que nous ayons réussi à amener tous les évêques de Chine en communion avec le Saint-Père pour la première fois depuis les années 1950 et que les autorités chinoises laissent au pape un modeste mot à dire dans la nomination des évêques, mais finalement le dernier mot, est tout à fait remarquable», soulignait-il.
9- 28 novembre: le pape crée 13 nouveaux cardinaux
Cette année encore, le pape François a poursuivi le renouvellement du collège cardinalice en élevant treize hommes au rang de cardinal, dont neuf sont désormais électeurs – les quatre autres ayant dépassé la limite d’âge fixée à 80 ans. Près de huit ans après son élection, le pontife argentin a renouvelé environ 60% du collège qui aura notamment la charge d’élire son successeur. Dans le «cru» de ce consistoire, on retient notamment la volonté de l’évêque de Rome de faire entrer une nouvelle fois les périphéries dans le collège cardinalice, à l’instar de Mgr Cornelius Sim, premier cardinal du Sultanat de Brunei.
On observe aussi le désir du successeur de Pierre de confier la barrette cardinalice à des prélats à la tête de diocèses «blessés». Tel est le cas de Mgr Celestino Aós Braco, archevêque de Santiago du Chili, capitale d’un pays marqué par la faillite récente de l’Église dans la gestion des abus. Tel est aussi le cas de l’archevêque de Washington, Mgr Wilton Gregory, premier cardinal afro-américain de l’histoire des États-Unis, à la tête de l’ancien archidiocèse de Theodore McCarrick.
Enfin, on relève que le pape a choisi d’intégrer au collège des personnalités censées l’aider à réformer la Barque de Saint-Pierre. Mgr Marcello Semeraro, qui fut l’une des chevilles ouvrières de la réforme de la curie initiée dès 2013, s’est ainsi vu recevoir la pourpre cardinalice. L’actuel secrétaire du Synode des évêques, qui devra gérer le délicat synode sur la synodalité en 2022, Mgr Mario Grech, a également été élevé au cardinalat.
10- 7 décembre: le Saint-Siège annonce le voyage du pape en Irak
«Prophétique». Telle fut la réaction du patriarche des Chaldéens, Sa Béatitude Raphaël Sako Ier, après l’officialisation par le Saint-Siège du prochain voyage en Irak du pape François, du 5 au 8 mars 2021. Une visite historique et inédite. Jean Paul II avait souhaité s’y rendre pour commencer son jubilé de l’an 2000 et prier dans la plaine d’Ur, au pays d’Abraham, le «Père des croyants». Mais ce périple avait été annulé pour des raisons sécuritaires et politiques. Vingt ans ont passé et la situation des chrétiens d’Irak s’est largement détériorée. De 1,5 million avant l’invasion américaine de 2003, la population chrétienne aurait été divisée par dix selon certaines sources.
Après une décennie noire marquée notamment par l’attentat sanglant de 2010 dans la cathédrale syriaque catholique de Bagdad, ou l’invasion en 2014 par l’État islamique de la Plaine de Ninive, la visite du pape représente pour les communautés chrétiennes un signe de réconfort et d’espérance. Dans le sillage de son encyclique Fratelli tutti, le pontife argentin devrait par ailleurs appeler les responsables irakiens à la reconnaissance de la pleine citoyenneté de tous et au respect de la liberté de conscience.
11- 8 décembre: annonce d’une année dédiée saint Joseph
Le 8 décembre, alors que le pape François vient de se rendre discrètement au chevet de la Vierge de la place d’Espagne, à Rome, pour s’y recueillir en la fête de l’Immaculée Conception, le Bureau de presse du Saint-Siège transmet la Lettre apostolique Patris Corde, («avec un cœur de père», en latin), dans laquelle le Primat d’Italie rend hommage à saint Joseph, «le père dans l’ombre». Il est celui «qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée», mais aussi «un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments de difficultés», confie le pontife qui invite les pères de famille à se tourner vers lui.
Le même jour est proclamée une année jubilaire dédiée à saint Joseph. Elle s’achèvera le 8 décembre 2021. À cette occasion, tous les fidèles auront «la possibilité de s’engager, par la prière et les bonnes œuvres, à obtenir, avec l’aide de saint Joseph, chef de la Famille céleste de Nazareth, le réconfort et le soulagement des graves tribulations humaines et sociales qui affligent le monde contemporain».
Quelques jours après cette communication, le pape François annonce le 27 décembre vouloir consacrer une année spéciale à la famille. Celle-ci commencera le 19 mars 2021 à l’occasion de la saint Joseph, et prendra fin en juin 2022 à l’occasion de la Rencontre mondiale des familles à Rome.
12- 21 décembre: le Saint-Siège encourage l’emploi de tous les vaccins pour lutter contre le Covid-19
L’utilisation de vaccins conçus à partir de fœtus avortés est «moralement acceptable» en certaines circonstances, affirme une note rédigée par la Congrégation pour la doctrine de la foi et approuvée par le pape François. Le devoir moral d’éviter une coopération passive à l’avortement ne prévaut pas s’il existe un «danger grave», tel que la propagation incontrôlable de l’épidémie. Le Saint-Siège juge dès lors que la «coopération avec le mal» qu’implique une telle vaccination est «éloignée».
Une semaine plus tard, c’est au tour de la Commission Covid19 et de l’Académie pontificale pour la vie de produire une note pour réaffirmer «le rôle essentiel des vaccins pour vaincre la pandémie, non seulement pour la santé individuelle, mais aussi pour protéger la santé de tous». Elle rappelle que l’utilisation de vaccins ayant eu recours dans leur développement à des cellules issues de fœtus avortés ne signifie pas «une coopération à l’avortement volontaire». Elle précise par ailleurs que «le refus du vaccin peut également constituer un risque pour d’autres». (cath.ch/imedia/hl/rz)
I.MEDIA
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/douze-dates-qui-ont-marque-le-vatican-en-2020/