Par Gottfried Bohl, KNA/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
«Je me qualifie moi-même volontiers de conservateur», affirme Mgr Bätzing dans une longue interview publiée dans l’édition de janvier 2021 du magazine allemand Herder Korrespondenz. Pour l’évêque de Limbourg, dans l’ouest de l’Allemagne, être «conservateur» signifie principalement aimer l’Eglise et donner sa vie et sa force pour elle. Le président de la Conférence épiscopale plaide pourtant en faveur de changements profonds dans l’Eglise catholique. Il déplore également la façon dont le Vatican traite l’Eglise en Allemagne. Il appelle de ses vœux un nouveau concile de l’Eglise universelle qui permettrait de discuter des réformes qu’il estime nécessaires.
Mgr Bätzing suggère notamment une modification du Catéchisme de l’Eglise catholique concernant l’homosexualité. Le texte datant de 1992 affirme que les actes homosexuels sont «intrinsèquement désordonnés», mais que les personnes homosexuelles doivent être traitées avec respect et ne doivent pas être discriminées.
L’évêque de Limbourg souhaite ainsi que les couples qui ne peuvent pas se marier à l’église puissent bénéficier d’une bénédiction. «A ce sujet, il faut que nous ayons des solutions qui ne s’appliquent pas seulement dans la sphère privée, mais qui puissent avoir une visibilité publique – tout en étant clair qu’il ne serait nullement question de mariage». Le prélat allemand pense en particulier aux personnes divorcées et remariées civilement, qui ne peuvent prétendre à un autre mariage dans l’Eglise catholique.
Dans l’interview, Mgr Bätzing plaide également en faveur d’une participation accrue des femmes dans l’Eglise. Il devient selon lui de plus en plus difficile de justifier l’interdiction pour les femmes d’accéder au diaconat ou à la prêtrise. Pour l’évêque, il est important que l’on présente de façon honnête les arguments de l’Eglise selon lesquels les fonctions sacerdotales devraient être réservées aux hommes. «Mais pour parler franc, je perçois également que ces arguments sont de moins en moins convaincants et qu’il existe des arguments théologiques solides qui plaident pour un accès des femmes au sacerdoce».
L’évêque estime qu’une première étape, avant l’ordination sacerdotale, devrait être l’ouverture aux femmes du diaconat. Il voit dans ce domaine une marge de manœuvre: «Concernant l’accès à la prêtrise, les papes depuis Jean Paul II ont affirmé que la question avait déjà été résolue – et pourtant elle est toujours sur la table». Mgr Bätzing est en outre favorable à ce que les femmes, et les laïcs en général, soient davantage impliqués dans la célébration eucharistique ainsi que dans la prédication- ce qui leur est jusqu’à présent interdit.
Concernant les abus sexuels, il exige qu’un traitement des affaires complètement indépendant et transparent soit mis en place. Il s’agit de savoir exactement qui était responsable, et de quoi. Et tous ceux qui ont violé les directives doivent en supporter les conséquences. «Cela devrait pouvoir signifier la démission».
Le président de la Conférence épiscopale critique également la façon dont le Vatican traite l’Église en Allemagne. Il déplore en particulier l’approche d’un document sur l’œcuménisme qu’il a cosigné. Le 20 mai, la Conférence épiscopale allemande avait envoyé au Vatican le texte Ensemble à la table du Seigneur, publié par le Groupe d’étude œcuménique des théologiens protestants et catholiques (ÖAK) en septembre 2019. «J’étais à Rome à la fin du mois de juin et j’ai parlé de ce document avec trois cardinaux concernés. Aucun d’entre eux ne m’a dit que le texte était en cours d’examen et qu’il m’en parlerait volontiers». Au lieu de cela, explique-t-il, à la surprise de tous, une lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi est arrivée en septembre avec des objections massives à la proposition d’une participation mutuelle des protestants et des catholiques à la sainte Cène et à l’Eucharistie.
Au-delà du style de l’intervention, les réactions critiques de Rome ont également, pour Mgr Bätzing, rendu bien trop peu hommage aux efforts œcuméniques qui ont sous-tendu les délibérations des experts [allemands, ndlr.]: «Il y a quelque chose de cynique à leur dire simplement: Non, tout cela n’est pas possible, continuez votre travail».
Au sujet des réformes au niveau paroissial et de la démarche synodale entreprise par l’Eglise en Allemagne, l’évêque de Limbourg a fait l’expérience des réserves émises au Vatican «sur nous, les Allemands, et sur notre façon d’aborder les choses». En tentant de comprendre cela, il soupçonne «qu’on subit une grande pression à Rome quant à la façon de maintenir la cohésion d’une Eglise universelle aux empreintes culturelles si différentes».
Mais les réponses à cette question ne devraient pas, selon le prélat allemand, attendre la dernière minute. Elles doivent en outre «être vraies dans leur contexte culturel, et ne pas conduire à un élargissement du fossé entre l’Evangile et les cultures en question». Pour Mgr Bätzing, ces réponses doivent être davantage décentralisées et autoriser une marge de liberté. (cath.ch/kna/rz)
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