Carol Glatz, Catholic New Service / traduction Présence information religieuse
Au-delà de leur grande valeur monétaire, ces cadeaux avaient, selon les savants, une profonde signification symbolique: l’or pour la noblesse de l’enfant Jésus en tant que roi des Juifs, l’encens, brûlé lors des cérémonies religieuses, pour sa divinité, et la myrrhe, utilisée pour le soin des lessures et pour l’onction des cadavres, pour préfigurer son rôle de guérisseur et annoncer sa mort.
La myrrhe et l’encens ont tous deux des qualités médicinales exceptionnelles, qui en auraient fait un cadeau très utile et attentionné pour la Sainte Famille, relève Anjanette DeCarlo, responsable scientifique de la durabilité pour le Centre de recherche sur les plantes aromatiques basé aux États-Unis.
«À cette époque, la mortalité infantile était élevée», et l’encens et la myrrhe étaient «deux des substances antimicrobiennes les plus puissantes de l’ancienne armoire à pharmacie», a expliqué Mme DeCarlo à l’agence Catholic News Service «D’un point de vue chrétien, c’est le bébé le plus important jamais né et, bien sûr, n’apporteriez-vous pas à ce bébé quelque chose pour vous assurer qu’il puisse rester en bonne santé».
L’avenir de la culture et de la récolte de l’encens est cependant aujourd’hui menacé à la fois par les conflits régionaux et le changement climatique. Deux scientifiques américains tirent la sonnette d’alarme.
Très recherché pour ses usages religieux, médicinaux et ménagers, l’encens est l’une des plus anciennes marchandises commercialisées dans le monde, depuis au moins 5 000 ans. Résine aromatique, l’encens est récolté à partir des «larmes» qui suintent des coupes faites sur une variété d’espèces de boswellias, qui poussent dans les climats rudes et secs du Yémen et d’Oman dans la péninsule arabique, d’Érythrée, d’Éthiopie, de Somalie et du Soudan en Afrique de l’Est, et dans le nord-ouest de l’Inde.
Ces arbres sont en grave déclin et une espèce en particulier – le boswellia papyrifera, qui pousse dans les régions d’Éthiopie et du Soudan où sévissent des conflits – risque de disparaître dans les 50 prochaines années, avertit Anjanette DeCarlo, qui dirige le projet Save Frankincense [ndlr : Sauver l’encens]. Une étude publiée l’année dernière dans la revue Nature Sustainability prévoit que la production de résine d’encens sera réduite de moitié dans les 20 prochaines années.
L’Église catholique est une grande consommatrice d’encens, qui occupe une place importante dans ses liturgies. Des grains de gomme séchée sont brûlés sur des charbons ardents dans un encensoir pour parfumer l’autel, l’évangéliaire, les offrandes, les images sacrées et l’assemblée. La fumée symbolisant la sanctification, la purification et les prières des fidèles s’élevant vers Dieu.
Selon des chercheurs de l’Université Johns Hopkins et de l’Université hébraïque de Jérusalem, la combustion de l’encens active également différents canaux dans le cerveau pour soulager l’anxiété ou la dépression.
«Il favorise un sentiment de connexion et d’illumination spirituelle», c’est pourquoi la combustion de l’encens fait partie intégrante de nombreux rites et rituels religieux depuis des millénaires, note le biologiste Stephen Johnson. Pour lui, les religions ont un rôle très important à jouer en aidant non seulement à préserver, mais aussi à régénérer les sources d’encens et à soutenir les récolteurs.
Après des années de travail en Somalie et de développement de normes de récolte éthiques et durables, S. Johnson a créé sa propre entreprise. La régénération vise à améliorer la situation des écosystèmes, des communautés et des plantes en utilisant les bénéfices pour soutenir la recherche, la conservation et le développement communautaire et en s’assurant que les communautés d’exploitants ont accès à des prix équitables et à de plus grandes opportunités, explique-t-il.
Cette nouvelle façon de faire doit se mettre en place maintenant, renchérit A. DeCarlo. «Dans dix ans, il sera trop tard.» La plupart des arbres existants sont les derniers de leur génération, sans qu’aucun jeune arbre ne prenne leur place. Le fait d’abattre trop d’arbres nuit à la capacité de se régénérer. Les conflits et le changement climatique aggravent des conditions déjà difficiles. Les communautés locales subissent une forte pression pour défricher les terres afin de faire pousser des cultures de survie. De plus, les bovins adorent mâchouiller les feuilles tendres des nouvelles pousses.
Pour S. Johnson et A. DeCarlo tous les acheteurs d’encens, y compris les églises catholiques et l’industrie des huiles essentielles, doivent exiger la transparence et la traçabilité de la source des résines. Il ont en outre la responsabilité de s’assurer que les récoltants sont payés équitablement.
Sans de tels contrôles, l’industrie de l’encens est «très ouverte à la corruption ou au déclin». «Elle n’aide pas les gens sur le terrain, elle n’aide pas les entreprises qui veulent faire ce qu’il faut» et elle n’aide pas les consommateurs qui «ne veulent pas tuer des arbres, faire du tort aux communautés et être complices d’une exploitation qui n’est pas durable», souligne A. DeCarlo.
«Nous avons désespérément besoin que l’Église catholique intervienne». Cette orientation s’aligne sur l’appel du Pape François à prendre soin de la création. «J’ai le sentiment que si le pape savait vraiment ce qui se passe avec l’encens, il s’impliquerait. L’encens est quelque chose de si proche et de si cher à nos yeux. Le fait qu’il ait été offert à l’enfant Jésus n’est pas rien.» (cath.ch/cns/pir/mp)
Rédaction
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