«Les réactions très variées reçues hier m’amènent à certaines précisions, à commencer par le fait que le but n’est pas de chasser la moitié des prêtres, mais d’adapter progressivement leur nombre à la réalité pastorale», explique l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg dans d’assez longues ‘Précisions suite à la publication d’articles; communication à nos agents pastoraux’ diffusée le 15 décembre.
Les réflexions publiées dans la NZZ, avant d’être confirmées et complétées par écrit par Mgr Morerod pour cath.ch, ne sont pas du tout nouvelles. «Elles ont été l’objet de discussions au conseil épiscopal dès mon arrivée il y a neuf ans», relève Mgr Morerod. Elles concernent l’impact sur la vie des communautés chrétiennes, donc aussi des prêtres, de la permanence d’une couverture territoriale qui s’est fortement développée durant la première moitié du 20e siècle. Période durant laquelle on a fondé de nombreuses paroisses et construit de nombreuses églises.
«Actuellement cela amène déjà beaucoup de croyants, notamment les jeunes mais pas seulement, à se rendre surtout, voire seulement, dans des lieux plus centraux, afin de sentir le soutien d’une communauté vivante», constate Mgr Morerod. Pour l’évêque, cette situation rejoint celle de l’Église antique où l’on se rassemblait des villes et des villages alentour pour l’eucharistie.
En face, les prêtres disent l’usure que représentent pour eux des célébrations devant de petits groupes de personnes qui ne leur répondent pas. L’évêque admet toutefois, «aussi par expérience personnelle que la célébration de l’eucharistie, même avec une communauté réduite à sa plus simple expression, remplit une journée grâce à la présence du Christ. Et je sais encore que la foi de quelques personnes silencieuses au fond d’une église est un trésor caché, et qu’il ne faut pas abandonner ces personnes comme si leur fidélité était un problème.»
«Il reste que des questions doivent être posées: la manière dont on ‘couvrait le territoire’ il y a 60 ans doit-elle être, littéralement, fixée dans la pierre, que ce soit pour y célébrer la messe ou d’autres liturgies? Des églises qui se trouvent à quelques minutes à pied les unes des autres (en ville…) aboutissent à une dispersion de petites communautés, et les célébrations qui s’y déroulent, notamment le dimanche, ne manifestent plus le rassemblement de la communauté autour de ce centre qu’est la présence du Christ dans l’eucharistie.»
Pour Mgr Morerod, la situation actuelle avec les restrictions de rassemblement liées à la lutte contre la pandémie du covid-19 représente un paradoxe. «Comme peu de monde peut se rassembler, j’invite à multiplier les célébrations, et je remercie ceux qui le font de ce témoignage de foi et de souci pastoral. En même temps cette situation nous permet d’observer ce à quoi pourrait ressembler l’avenir, gardant toujours à l’esprit que le Saint Esprit n’est pas prisonnier de courbes statistiques.»
A popos des difficultés d’adaptation des prêtres étrangers aux réalités ecclésiales suisses et des problèmes que cela peut poser, Mgr Morerod rappelle qu’il «existe depuis quelques années dans notre diocèse, comme dans d’autres pays, une ‘cellule’ d’accueil pour les prêtres (…) ‘venus d’ailleurs’. Le but est de donner une introduction à des spécificités locales. Je rencontre cette cellule une fois par année et y dis chaque fois, entre autres: étant donné que votre expérience antérieure est souvent différente, soyez conscients que la mentalité suisse est très égalitaire (regarder les laïcs comme un troupeau obéissant suscite des allergies) et que les relations avec les Églises réformées y sont cordiales. Cette cellule (le terme n’a pas un sens carcéral) a pour but d’aider ces prêtres venus en mission, aussi en corrigeant nos propres erreurs dans leur accueil.»
Mgr Morerod reconnaît en outre que «plus de 60% des catholiques du diocèse sont de proche origine étrangère». Ces fidèles sont souvent heureux de pouvoir rencontrer des prêtres de leur pays d’origine, et pas seulement dans les ‘missions linguistiques’. «Certains relèvent aussi le bienfait pour eux de découvrir ici un respect inattendu pour leur vie de laïcs. Des Suisses sont évidemment aussi souvent heureux de la joie de prêtres étrangers, et je partage cette joie.»
Là encore l’évêque s’interroge néanmoins: «Quel service rendons-nous aux Églises dont nous recevons les prêtres (le Vatican nous met constamment en garde) ? Comment stimulons-nous les vocations en Suisse (prière des communautés, éveil des candidats) si nous suggérons que de toute manière il suffit d’en importer ?». (cath.ch/com/mp)
Maurice Page
Portail catholique suisse
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