Par Raphaël Zbinden
La pandémie n’a pas freiné, chez Camille, l’envie d’aller vers les autres. Bien au contraire. La Genevoise a vu, dans sa ville, les longs défilés de personnes venant chercher des sacs de nourriture. «En constatant toute la misère qu’il y avait près de chez moi, je me suis dit que je devais me rendre utile en étant sur le terrain».
Ses yeux marron pétillent de bonne humeur et de bienveillance au-dessus du masque de rigueur dans la gare de Sion (VS). Elle y rencontre cath.ch loin de sa ville natale, car c’est dans la capitale valaisanne qu’elle déploie principalement son engagement auprès des autres.
Depuis septembre 2020, elle travaille en effet comme bénévole au Verso l’Alto, le café de la Maison de la diaconie à Sion. L’endroit se veut avant tout un lieu de vie où les gens passent pour un café ou un repas, quelle que soit leur situation. Les bénévoles y rendent un service de table, mais aussi de présence et d’écoute.
Des compétences en humanité que Camille a eu à cœur de développer depuis petite. Elle a déjà pu le faire dans son enfance au sein de sa famille, avec ses trois grands frères.
A 9 ans, elle expérimente la vie communautaire à l’occasion de son premier Camp Vocation, communément appelé «Camp Voc'», organisé chaque année à Pâques et en été par le Centre romand des vocations (CRV). Des séjours qui sont depuis longtemps une «tradition familiale». Camille y découvre un goût immodéré du contact humain, la passion de «l’autre». «J’y ai rencontré les personnes clé de ma vie, qui m’ont accueillie en toute confiance, telle que j’étais. Elles ont aussi été à l’origine de mon envie de m’engager».
Tout en buvant son chocolat chaud, elle explique à cath.ch comment elle gère un emploi du temps bien chargé pour une fille de son âge. Son dynamisme et sa vivacité d’esprit se reflètent dans sa diction claire et assurée. Outre les études qu’elle poursuit à l’Université de Lausanne et son engagement deux jours par semaine au Verso l’Alto, elle participe depuis un certain temps aux comités des camps Voc’ en Suisse romande et du pèlerinage des jeunes de Lourdes.
Un quotidien donc bien rempli, dont toutes les activités entrent en résonance. Cette personne humaine, qui la fascine tant, elle la recherche dans ses multiples dimensions. Ses études en Science politique lui ouvrent des fenêtres sur la place de l’homme dans la société. D’autant qu’à Lausanne, cette branche est particulièrement axée sur la sociologie. «L’étude des comportements électoraux, politiques, nous dit beaucoup sur les rapports entre personnes au sein d’une société».
Son autre domaine d’études, le Français moderne, option littérature, accroît également ses connaissances sur l’homme et son fonctionnement dans le groupe. Ses auteurs préférés sont donc naturellement ceux qui abordent ces thèmes. Camille s’intéresse particulièrement aux écrivains humanistes, qui mettent en exergue la justice sociale. Même si ces convictions religieuses sont fortes, elle ne va pas uniquement vers les auteurs chrétiens. Pour elle, la bienveillance humaine peut se déployer sous de multiples formes. En ce moment, elle se plonge avec avidité dans l’univers d’Albert Camus, connu pour son agnosticisme autant que pour son profond sens humain.
«Dans l’Eglise, à côté des aspects négatifs et qui dysfonctionnent, il y a aussi plein de choses magnifiques»
Dans ses engagements, Camille recherche aussi la diversité des contacts. Elle se rend compte du risque de tourner en circuit fermé. «A l’université, on se retrouve rapidement dans une ‘bulle’, à fréquenter toujours les mêmes personnes, venant du même ‘milieu’. Pour moi, il est très enrichissant, au contraire, de rencontrer des personnes qui vivent et pensent différemment».
Un principe qu’elle est heureuse de pouvoir mettre en pratique au Verso l’Alto, qui voit passer des gens de tous horizons. Mais qu’elle a pu aussi expérimenter au fil des 12 camps voc’ qu’elle a fait en tant que participante. Même si la plupart des jeunes qui vont dans ces camps sont des catholiques, elle a pu y rencontrer des protestants et même des athées. Des contacts qui lui ont beaucoup apporté. «Les camps voc’ sont ouverts à tous. Quelle que soit son orientation, on peut y trouver des choses qui nous nourrissent», précise-t-elle.
Pour Camille Ulrich, un rapport réellement «nourrissant» doit toutefois être sincère et authentique. Alors que les relations peuvent être quelque peu faussées, de nos jours, par les communications à distance, notamment les réseaux sociaux. «Ce sont des outils formidables, je ne suis pas opposée à cette forme de contact. Mais ils ont leurs limites et ne remplacent jamais la présence réelle». Un état d’esprit qui, selon elle, prend de l’ampleur au sein de la jeunesse.
Des valeurs d’authenticité, de fraternité et de solidarité qu’elle estime toujours bien présentes dans la société actuelle. Même si elles ne se déplacent plus forcément avec l’étiquette ‘chrétiennes’. Ce qui s’est vérifié avec la mobilisation solidaire durant le confinement.
Dans l’Eglise, elle constate que les choses changent aussi. Une évolution qui la laisse somme toute confiante. «A côté des aspects négatifs et qui dysfonctionnent, il y a aussi plein de choses magnifiques. Dans les discours sur l’Eglise, celle de l’engagement, du lien, a tendance à être oubliée.» Camille est toutefois persuadée que tous les charismes sont nécessaires dans l’institution. «Ma foi, je la vis à travers l’engagement. C’est là que je me sens bien, que je me sens moi-même. Mais cela peut être différent pour chaque personne. Il faut juste se sentir heureux dans l’endroit où l’on est». (cath.ch/rz)
Raphaël Zbinden
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