Dès qu’un examen de cette affaire aura eu lieu à Rome, l’archevêché «le communiquerait publiquement», précise l’archidiocèse de Cologne.Jeudi 10 décembre, la Communauté des femmes catholiques d’Allemagne (kfd) a été la première organisation à demander la démission du cardinal-archevêque de Cologne. D’autres voix catholiques critiques ont émis le vœu que Rainer Maria Woelki se retire, comme l’association diocésaine de Cologne de la Fédération de la jeunesse catholique allemande (BDKJ).
Les autorités de l’évêché de Cologne avaient chargé le cabinet d’avocats Westphal-Spilker-Wastl (WSW) à Münich de réaliser une enquête sur la manière dont les autorités diocésaines avaient agi lorsqu’elles ont traité des cas d’abus sexuels.
A la demande expresse du cardinal Woelki, le rapport devait également inclure les noms des personnes qui ont dissimulé des incidents d’abus sexuels ou ne les ont pas punis systématiquement. Le rapport devait être présenté à la presse en mars 2020. Mais peu avant la date annoncée, le cardinal avait fait marche arrière pour des raisons juridiques, relevant ses « graves lacunes méthodologiques ». Pour l’instant, il n’y a pas de nouvelle date de publication.
Le canoniste Thomas Schüller a demandé au cardinal Rainer Maria Woelki de finalement publier le rapport sur les abus qu’il avait commandé. «Le cardinal Woelki serait bien avisé de faire connaître au public en temps utile le rapport du cabinet munichois», a déclaré le professeur de l’Université de Münster.
«Afin de clarifier les accusations canoniques portées contre moi, je demande au Saint-Père d’examiner cette question », écrit le cardinal Woelki sur le site de l’archidiocèse de Cologne. Il reste que les manquements à la lutte contre la violence sexualisée doivent être révélés, quelle que soit la personne contre laquelle ces reproches sont adressés, poursuit-il, précisant que cela vaut également pour lui-même.
Selon l’agence de presse catholique allemande (KNA), c’est le journal Kölner Stadt-Anzeiger (ksta) qui a rapporté le 10 décembre 2020 le cas du prêtre O., de Düsseldorf, aux côtés duquel Rainer Maria Woelki avait fait dans sa jeunesse ses premières expériences pastorales en tant que stagiaire et diacre. En 2010, une victime a dénoncé l’ecclésiastique. Il a accusé O. de l’avoir abusé à la fin des années 1970, alors qu’il fréquentait le jardin d’enfant. En 2011, la victime a reçu 15’000 euros, soit trois fois le taux normal, en reconnaissance de sa souffrance.
Le cardinal Woelki est archevêque de Cologne depuis juillet 2014. L’accusation de dissimulation ne concerne donc pas seulement lui, mais aussi son prédécesseur, le cardinal Joachim Meisner (1933-2017). La question est de savoir dans quelle mesure le cardinal Meisner et plus tard le cardinal Woelki, son successeur, auraient été obligés d’ouvrir une enquête préliminaire en vertu du droit canon et de rapporter l’affaire à Rome.
Le cardinal Woelki se défend en disant qu’en 2015, le prêtre accusé, alors âgé de 86 ans, n’était plus apte à être interrogé en raison de son état de santé et que c’est cela qui a empêché une enquête canonique préliminaire. Un deuxième accident vasculaire cérébral et une démence avancée avaient rendu impossible une confrontation afin de clarifier le cas. De plus, la victime n’avait pas voulu coopérer à l’éclaircissement des faits en se confrontant au prêtre O. Il n’y avait pas eu non plus d’autres possibilités de clarification, par exemple par le biais de témoins, assure-t-il.
L’expertise qu’il a commandée à l’avocat pénaliste de Cologne Björn Gercke révélera en mars prochain comment évaluer la manière dont il a traité l’agresseur présumé, décédé en 2017, en termes de droit pénal et de droit canonique, selon l’évêché de Cologne. Björn Gercke a été chargé de cette expertise, car le cardinal Woelki n’a pas voulu rendre public l’enquête commandée par l’archevêché au cabinet d’avocats Westpfahl Spilker Wastl (WSW) de Munich sur le traitement des cas d’abus. Il a justifié sa décision par les «lacunes méthodiques» de cette enquête. Cette décision a été fortement critiquée. Les médias ont récemment mis en lumière l’un après l’autre des cas individuels issus de l’enquête de WSW ou des dossiers s’y rapportant.
Dans les affaires de l’enquête de WSW non publiées, l’actuel archevêque de Hambourg Stefan Hesse, qui était chef du personnel et vicaire général à Cologne – à l’époque un collaborateur-clé du cardinal Joachim Meisner – est également dans le collimateur. Il n’aurait pas agi de façon adéquate dans des affaires d’abus. Mgr Hesse rejette résolument les accusations de dissimulation, mais veut que Rome décide s’il reste ou non en fonction.
Le pape François avait ordonné le signalement obligatoire des cas d’abus en 2019 et qualifié la dissimulation des abus sexuels de délit. Dans ce contexte, l’évêque de Münster, Felix Genn, en tant que plus ancien évêque de la province ecclésiastique de Cologne, examine s’il convient d’ouvrir une enquête de droit canonique contre Woelki. Il est obligé de le faire dans certaines circonstances.
Un « rescrit » publié le 17 décembre 2019 par le Vatican, co-signé par le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin et le cardinal Luis Francesco Ladaria, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, établit que « le secret pontifical ne s’applique pas aux accusations, procès et décisions » concernant les violences sexuelles commises par des clercs sur des mineurs, des personnes vulnérables ou placées sous leur autorité, la dissimulation de tels faits par la hiérarchie et la détention de matériel pédopornographique.
Les procès canoniques étaient jusqu’alors couverts par le secret pontifical, y compris vis-à-vis des victimes qui ne sont entendues que comme témoins. Ce degré très haut de confidentialité avait été critiqué à plusieurs reprises lors du sommet sur la protection des mineurs, réuni fin février 2019 au Vatican. (cath.ch/domradio/kna/kathpress/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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