La lumière en liturgie: symbole de la nativité, signe de salut 3/6

Dans la liturgie catholique, la lumière est l’un des motifs principaux des textes et des rites. Selon Hélène Bricout, professeure à l’Institut Supérieur de Liturgie de Paris, elle évoque le salut sous ses deux principales manifestations: l’incarnation et la résurrection de Jésus. Symbole de la vie nouvelle dans le Christ, elle illumine toute la vie du chrétien – du baptême jusqu’aux obsèques.

Par Davide Pesenti

Que ce soit la faible lueur des bougies éclairant la voûte d’une chapelle lors des messes Rorate pendant le temps de l’Avent. Ou la flamme puissante du feu nouveau qui illumine la nuit de Pâques. Aujourd’hui comme à l’origine du christianisme, la lumière est un symbole qui joue un rôle théologique primordial au cours des célébrations liturgiques.

Et cela, non seulement durant les temps fort de l’Avent et de la Nativité. Tout le cycle du calendrier liturgique, notamment le temps pascal, déploie abondement le riche symbolisme de la lumière.

Signe sensible du mystère du salut

«Le symbole de la lumière constitue en lui-même une image dont le contexte de la célébration permet de décrypter le sens qu’il faut lui donner», explique Hélène Bricout, professeure de liturgie et théologie sacramentaire à l’Institut Supérieur de Liturgie (ISL) de l’Institut Catholique de Paris.

«La lumière de la Nativité est en opposition avec le péché et les ténèbres du monde»

Dans le contexte liturgique, comme c’est le cas pour les textes bibliques, la lumière évoque et représente en effet le salut apporté par Dieu, au plus haut point, dans la mort et la résurrection du Christ. «Ceci se révèle typiquement au cours de la veillée pascale, lors que le cierge allumé représente le Christ ressuscité, derrière lequel la communauté des fidèles rassemblés se met en marche, précise Hélène Bricout. En évoquant le Christ ressuscité, la lumière du cierge pascal relie les participants à lui et entre eux ».

Si la lumière de la Nativité est plutôt en opposition avec le péché et les ténèbres du monde, celle de Pâques l’est vis-à-vis de la mort, vaincue dans la résurrection du Christ au matin de Pâques. «Mais la nuance est faible par rapport à la signification salvifique commune ces temps liturgiques. Ils célèbrent bien tous les deux ce même mystère du salut».

De l’anthropologique au théologique

La liturgie dévoile la signification théologique de la lumière sous plusieurs modalités. Mais cette puissance évocatrice de la lumière s’enracine tout d’abord dans une expérience anthropologique ancestrale qui remonte à la nuit des temps, comme aussi dans les rythmes cosmiques qui gouvernent la Création. En liturgie, elles s’enrichie et se déploie, en acquérant ses significations théologiques complémentaires, sa dimension mystagogique.

A la Chandeleur, les cierges sont allumés. | © N. Rupert/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0

«Dans ce sens, l’acclamation du prêtre ›Lumière du Christ’, au début de la vigile pascale, à laquelle répond le peuple avec ›Nous rendons grâces à Dieu’, est emblématique. Elle indique en effet que le cierge ne sert pas simplement à voir dans l’obscurité de la nuit pascale…», annote la liturgiste française.

Plus forte que les ténèbres du péché et de la mort

Ce symbole se comprend donc qu’à travers l’action liturgique, car c’est dans l’expérience rituelle que la lumière donne à voir le salut qu’apporte Dieu et l’espérance chrétienne qui s’enracine dans le Christ. Une espérance qui balise et accompagne toute la vie du chrétien, dès le baptême jusqu’à l’enterrement.

«D’une part, dans la liturgie du baptême d’un enfant, précise la directrice-adjointe de l’ISL, le petit cierge, allumé au cierge pascal et remis aux parrains et marraines, est le signe de la foi au Christ à laquelle ils sont invités à veiller. D’autre part, dans les funérailles, les cierges allumés au cierge pascal et posés autour du cercueil, symbolisent la foi en la résurrection du défunt, qui découle de la foi en la résurrection du Christ».

Présence du Ressuscité au milieu de son Peuple

Au-delà de vie nouvelle offerte par le Christ, le signe de la lumière renvoie aussi à la dimension cosmique. Intrinsèque à la liturgie, celle-ci fournit en effet d’autres caractéristiques au riche symbolisme qu’abrite la lumière.

«Allumer des cierges exprime notre vénération et le caractère festif de la célébration»

«La célébration de la Nativité du Christ au cœur de l’hiver, c’est-à-dire au moment où la lumière est la moins présente dans l’hémisphère nord, n’est évidemment pas un hasard, note Hélène Bricout. Dans cette perspective astronomique, elle symbolise la puissance de vie salutaire que la venue du Christ a apportée à l’humanité qui s’égare».

Marque d’honneur

Mais l’emploi de la lumière en liturgie est aussi un signe de respect envers Dieu. La Présentation générale du missel romain (PGMR) précise à cet égard, toute l’importance d’allumer au moins deux cierges pendant chaque célébration; ceci «afin d’exprimer notre vénération et le caractère festif de la célébration» (PGMR no 307).

Car les cierges allumés désignent ce que les fidèles désirent honorer. Ils accompagnent la croix lors de la procession d’entrée, le Saint-Sacrement lorsqu’on le déplace dans l’église, l’évangéliaire avant la lecture de l’Evangile… Toutes des représentations symboliques spécifique du Christ ressuscité au milieu de son Peuple.

«La lumière des cierges est une marque d’honneur venant de l’ancienne liturgie impériale romaine, une cérémonie qui accompagnait les déplacements de l’empereur précise la théologienne. Et on trouvait ce même usage de la lumière pour le pape dans l’ancienne liturgie romaine.»

Dès le début de la chrétienté

Les multiples usages de la lumière en liturgie ramènent donc à un seul et unique même mystère du salut. «Le symbolisme de la lumière peut être repéré dès le début du christianisme et il est assez constant. Et c’est ce que montrent les évangiles et les autres écrits du Nouveau Testament qu’on lit aujourd’hui pendant les liturgies des temps forts de l’année liturgique, répond la professeure de l’ISL de Paris. Et les Pères de l’Eglise n’ont pas non plus hésité à déployer ce thème. Leurs sermons s’y réfèrent régulièrement, comme en témoignent, par exemple, les textes patristiques de l’Office des lectures».

«Le symbolisme de la lumière peut être repéré dès le début du christianisme et il est assez constant.»

Une prise en compte de la lumière et de sa symbolique qui se reflétait clairement dans les liturgies de l’époque. « Dans l’antiquité, les catéchumènes, juste avant leur baptême, renonçaient à Satan tournés vers l’Occident – le côté où le soleil se couche, donc le coté de l’obscurité et des ténèbres – et prononçaient leur adhésion au Christ en se retournant vers l’Orient – le côté où le soleil se lève, qui évoque donc la résurrection», note la liturgiste.

Nouveau rapport à la lumière

Si la lumière joue aujourd’hui encore un rôle principal dans la liturgie, à partir de l’époque contemporaine, l’introduction de l’illumination artificielle a eu un impact non négligeable sur ce symbole.

«À notre époque, sans doute, nous sommes moins sensibles à ce thème que dans les siècles passés, relève Hélène Bricout. Cela parce que nous ne faisons pas l’expérience que la lumière nous ›manque’, du fait que nous pouvons nous éclairer artificiellement quand nous le voulons. Toutefois, son symbolisme reste bel et bien accessible parce que les rythmes cosmique et naturel entre été-hiver ou entre jour-nuit nous marquent toujours encore, physiquement et culturellement. De ce point de vue, la signification symbolique de la lumière demeure bel et bien efficace». (cath.ch/dp)

Signe de l’être en prière
Lors de la veillée pascale, la liturgie de la lumière est tout entière symbolique du passage de la mort à la vie, de la résurrection du Christ. L’annonce solennelle de la Pâque s’en fait l’écho: ›La lumière éclaire l’Eglise, la lumière éclaire la terre… Ô nuit qui rend la lumière…›
Les fidèles reçoivent ensuite la lumière pour leur petit cierge, et s’avancent en procession derrière le cierge pascal, signifiant la marche du peuple de Dieu à la suite du Christ, accomplissant au passage la figure du peuple hébreu derrière la colonne de feu à travers la Mer rouge.
Mais au-delà de la célébration communautaire, pendant une prière dans une église ou lors d’une liturgie domestique, allumer une bougie ou un cierge signifie l’attitude, la disposition à prier, voire la vigilance dans la prière, et continue à être signe du priant lorsqu’il a quitté le lieu de prière. DP

Hélène Bricout: bio express
Hélène Bricout, mariée et mère de quatre enfants, est docteur en théologie de l’Institut Catholique de Paris (ICP). Professeur de liturgie et théologie sacramentaire à l’Institut supérieur de liturgie de l’ICP, elle en est la directrice-adjointe. Ses recherches portent sur la liturgie du haut Moyen Age, la théologie du mariage et les temps liturgiques. Elle est membre du Conseil scientifique de l’Institut d’Etudes Médiévales de l’ICP et du Conseil scientifique de la revue La Maison-Dieu.
Elle a publié récemment La réconciliation pour les baptisés divorcés remariés, un chemin de guérison (La Maison-Dieu 301/2020) et coédité La dynamique de la liturgie au miroir de ses livres (Aschendorff 2020), Du bon usage des normes en liturgie. Approche théologique et spirituelle après Vatican II (Paris 2020) et Liturgie, pensée théologique et mentalités religieuses au haut Moyen Age. Le témoignage des sources liturgiques (Aschendorff 2016).

Davide Pesenti

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