L’imam Gualadio Kâ était poursuivi par le «Collectif des veilleurs chrétiens sénégalais (CVCS)» pour des propos ayant heurté les catholiques. Lors d’une conférence publique, en septembre 2018, il avait déclaré: «On dit qu’il y a 95% de musulmans au Sénégal. C’est donc 5% de cette population qui a réussi à légaliser l’alcool, l’adultère, l’homosexualité, l’usure, la danse».
Lors du procès, la procureure avait requis deux ans de prison, dont six mois ferme et une amende de 50’000 FCFA (820 francs suisses), considérant les faits comme «constants». «Ils sont d’une particulière gravité qui risque de causer des troubles. Les gens doivent se plier aux lois et règlements du Sénégal qui est un Etat laïc. On ne doit pas permettre ce genre de discours. Ne tentons pas le diable», a notamment souligné la juge.
Pour sa part, l’imam de 54 ans a plaidé non coupable, indiquant que dans la prêche incriminée, il n’a cité «aucune communauté religieuse». «Je n’ai insulté personne. Je voulais juste expliquer aux gens que parmi ces 95% de musulmans, il y a des gens qui négligent les préceptes de l’Islam, mais non pas pour blesser qui que ce soit», a-t-il fait remarquer. «Je voulais juste éclairer aussi, et amener à comprendre que les interdits de la religion ne sont pas condamnés par la loi », a-t-il encore dit.
Ce procès qui avait été ouvert le 12 novembre 2020, avait tenu en haleine l’opinion publique sénégalaise du fait de son originalité. Il était attendu avec un grand intérêt, tant la mobilisation des partisans de l’imam était grande.
Pour Ephrem Mange, président du CVCS, ce procès a valeur de symbole, étant donné qu’il avait pour but de sauvegarder les bonnes relations interreligieuses. «C’était une alerte pour qu’il n’y ait pas d’atteinte à l’héritage de nos ancêtres sur le vivre-ensemble», a-t-il poursuivi, estimant que le verdict permettra aux Sénégalais de se rappeler des conséquences pour le pays, d’une menace sur la paix.
Selon les médias sénégalais, ce procès a lieu dans un contexte de «montée de l’intolérance» religieuse dans le pays. Le quotidien En Quête qui a récemment consacré un dossier à la «cohabitation religieuse au Sénégal», a abouti à la conclusion que celle-ci «va mal». Un socio-anthropologue des relations, Pae Sylla, a même parlé dans ce dossier «d’agonie de l’altérité confessionnelle». (cath.ch/ibc/ag/rz)
Ibrahima Cisse
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