Par Raphaël Zbinden et Bernard Litzler
«Dans le cas qui nous préoccupe avec cette épidémie qui s’insinue chez nous et partout dans le monde, c’est vers elle (la Vierge) que nous devons nous tourner», rappelle Jean Scarcella, Abbé de St-Maurice (VS), dans un message diffusé sur internet en mars 2020.
Traditionnellement, Marie est invoquée lors de périodes sombres de l’humanité pour ses vertus de mère protectrice. «La Vierge Marie a donné naissance à Jésus, son Fils et Fils de Dieu, elle l’a éduqué, lui a appris à grandir, a veillé sur lui, bref, a été sa mère, écrit ainsi Jean Scarcella. […] Dès lors elle prend soin de nous, nous éduque, nous accompagne sur nos chemins de vie, nous soutient, veut notre bien comme toute mère pour son enfant».
Les qualités exceptionnelles de la Mère du Christ sont spécialement à l’honneur, dans l’année liturgique, le 8 décembre, à l’occasion de l’Immaculée Conception.
Ce dogme, qui est aujourd’hui largement accepté, ne l’a été qu’après moult discussions théologiques, parfois virulentes, au sein de l’Eglise. La violence des débats est illustrée par un événement particulier: le 3 janvier 1857, l’archevêque de Paris, Mgr Marie-Dominique Sibour, est poignardé à mort en l’église St-Etienne-du-Mont, dans la capitale française. Son agresseur, Jean-Louis Verger, est un ancien curé détraqué qui l’a chargé aux cris de «A bas les déesses!». Une manière sanglante de manifester son opposition au dogme de l’Immaculée Conception.
Solennité à distance
En cette année 2020, les restrictions dues à la pandémie de coronavirus feront que de nombreuses personnes ne pourront pas célébrer à l’église la solennité de l’Immaculée Conception. Voici trois liens pour participer de chez soi en direct ou en rediffusion.
Basilique Notre-Dame à Neuchâtel
Basilique Notre-Dame à Genève
Eglise Saint-Laurent à Givisiez (FR)
Au moment du drame, le dogme marial a été proclamé il y a trois ans par Pie IX. Il avait fallu attendre la moitié du 19e siècle pour que cette notion théologique soit officiellement adoptée par l’Eglise catholique. Le pape avait ainsi tranché un débat qui traînait depuis des siècles: Marie a-t-elle été exempte du péché originel? Les papes et le concile de Trente avaient demandé de laisser cette question de côté. Mais la dévotion envers l’Immaculée Conception de la Vierge continuait de se développer.
La proclamation du dogme a constitué un aboutissement doctrinal. Dès le 8e siècle, la fête de la Conception de la Vierge a été célébrée en Orient, se répandant progressivement en Europe. Mais le débat entre théologiens a été vif. En Europe, il a opposé les tenants du dogme de l’Immaculée Conception (les «immaculistes»), et ses opposants (les «maculistes»). Au 12e siècle, saint Bernard de Clairvaux, pourtant réputé pour sa dévotion mariale, s’est opposé à cette pratique. Idem pour le dominicain saint Thomas d’Aquin, un siècle plus tard. L’opposition est aussi venue d’ordres religieux, franciscains et carmes, immaculistes, face aux dominicains, maculistes.
Du côté du peuple, la dévotion mariale connaissait un regain remarquable au 19e siècle. Avec notamment, en 1830, les apparitions de la Vierge à Catherine Labouré, à la rue du Bac à Paris. La médaille miraculeuse, frappée avec l’invocation «Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous», a popularisé la foi en la conception immaculée de Marie.
En France toujours, les apparitions de Marie à Lourdes en 1858 sont venues conforter le dogme. La Vierge avait révélé en patois pyrénéen son nom à Bernadette: «Je suis l’Immaculée Conception» (Qui era soy l’Immaculata Conceptiou).
Une vraie révolution mariale est donc en cours entre 1852 et 1870, au cœur du Second Empire, dans un contexte où le catholicisme se sent menacé. Le pouvoir temporel du pape se réduit dans une Italie en marche vers son unité. La foi chrétienne est de plus en plus contestée par diverses doctrines, en cette période où l’essor scientifique et industriel provoque une émulation extraordinaire. Il apparaît alors d’autant plus opportun d’affirmer l’autorité doctrinale du pape. En proclamant l’Immaculée Conception de Marie, le pape use pour la première fois de l’infaillibilité pontificale, avant même que celle-ci ne soit définie à son tour par un dogme en 1870, lors du Concile Vatican I.
Le dogme de l’Immaculée Conception indique que Marie est née sans tache (du latin macula), c’est-à-dire sans péché. La plénitude de la grâce est accordée à la mère du Sauveur dès le premier instant de sa conception. Marie n’a donc jamais été sous l’emprise de la faute originelle.
«Le dogme est complexe. Il a davantage intéressé les théologiens que le commun des fidèles, explique le Père Thomas Rosica, théologien canadien, directeur de la chaîne de télévision Sel et Lumière. Encore aujourd’hui, beaucoup se trompent en croyant que l’Immaculée Conception se réfère à la conception du Christ. Ce dogme se réfère plutôt à la croyance selon laquelle Marie, par une grâce spéciale et du moment de sa conception, ne fut pas entachée par le péché originel.» (cath.ch/bl/rz/arch)
Rédaction cath.ch
Portail catholique suisse
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