Par Jacques Berset, 16.12.2020
La CES estime que le débat n’est pas envisagé comme il se doit, étant donné les conséquences éthiques liées à la procréation médicalement assistée (PMA).
Dans un long développement, la CES souligne en préalable la nécessité de lutter de manière générale contre les discriminations. La CES reconnaît, à l’instar de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, l’importance d’introduire l’égalité pour toute personne dans le cadre du droit de cité et des rentes de survivants.
L’argumentation qui vise à introduire le «mariage pour tous» repose sur la nécessité d’éradiquer toute discrimination. La CES souligne toutefois qu’il existe une distinction entre discrimination et différenciation, cette dernière permettant parfois de mieux faire valoir les intérêts des minorités.
La CES considère comme préférable pour les couples de même sexe d’adapter la législation actuelle en vue du partenariat enregistré, plutôt que d’introduire un « mariage pour tous » qui, à son sens. serait une uniformisation de projets de vie les plus divers.
Les évêques suisses insistent sur le fait qu’il est impossible d’aborder le débat du «mariage pour tous» en éludant les conséquences que sont la filiation et l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA). Ces deux aspects posent des questions délicates et complexes du point de vue éthique. Le fait de ne pas en évoquer les conséquences pour promouvoir aujourd›hui plus facilement l’égalité, sans différencier entre couples hétérosexuels et homosexuels, peut induire demain l’acceptation inconditionnelle d’un principe déjà accepté.
La CES relève que le mariage civil n’est pas seulement une reconnaissance publique de sentiments réciproques. En effet, il a pour but l›inscription de la filiation dans une institution stable, notamment en vue de protéger la mère (matri-omnium) et l’enfant. Le mariage civil est en ce sens ordonné à la fondation de la famille. Or, pour ce faire, les couples de même sexe doivent recourir à la PMA. La CES s’oppose de manière générale à son utilisation (aussi pour les couples hétérosexuels), puisque la PMA impliquant un don de gamètes s’oppose aux droits de l’enfant. La CES signale notamment la souffrance et la difficulté qu’ont ces enfants de se construire, par l’impossibilité de connaître leur origine biologique.
Consciente de ces graves enjeux éthiques, la CES ne peut pas accepter sous cette forme le projet de « mariage pour tous ».
A partir des droits de l’enfant évoqués ci-dessus, elle signale que le domaine de compétence de l’Eglise catholique à ce sujet se rapporte principalement au mariage sacramentel. «Elle y célèbre devant Dieu l’union de l’homme et de la femme en vue d›une communion d’amour et de vie stable et ouverte à la procréation. C’est pourquoi, pour ce qui est du domaine civil, la CES garde également la conviction que l›emploi du terme «mariage» ne devrait pas être élargi à toute union entre deux individus indépendamment de leur sexe. Un tel emploi du terme réaliserait une égalité qui, à son avis, ne peut pas subsister de la sorte.
La CES rappelle que personne ne possède un «droit à l’enfant». En revanche, il existe des «droits de l’enfant». En ce sens, considère la CES, le mariage civil ne donne aucun droit à l’enfant, mais il est institué pour protéger les enfants nés de l’union conjugale. «Dans l’intérêt supérieur de l’enfant et pour son bien», la CES s’oppose de manière générale à l’accès à la PMA (aussi) aux couples de même sexe, en vertu du droit de l’enfant de connaître son ascendance génétique. Elle souligne le risque d’ouverture à la maternité de substitution, interdite à juste titre en Suisse pour des raisons de protection de la mère et de l’enfant.
Pourquoi la CES relève-t-elle une distinction entre discrimination et différenciation? Dans une société qui tend à l’uniformisation et à l’égalitarisme, la différenciation peut être le moyen efficace de parvenir à l’égalité et faire reconnaître en même temps les particularités et les droits de chacun et chacune. La CES relève le danger de vouloir régler les problèmes de discrimination en ignorant les différences entre les personnes. La considération de la diversité lui semble plus opportune pour vivre ces différences dans l’égalité.
La CES estime bien plus que les difficultés qu’elle a mentionnées devraient être palliées en amendant la loi sur le partenariat enregistré, entrée en vigueur en 2007. «Il aurait été plus juste à cette époque de proposer des adaptations du droit, afin d’éviter toute discrimination injuste».
Ce qui est «stigmatisant» pour la CES, «ce n’est pas le refus du mariage pour tous, mais un partenariat enregistré qui renseigne seulement et uniquement sur l’orientation sexuelle». La CES par conséquent soutient qu’il faut trouver des aménagements du droit actuel, plutôt que proposer un «mariage pour tous qui entraîne de nombreuses difficultés administratives, juridiques et éthiques dans sa réalisation».
En conclusion, en vertu de la compétence principale de l’Eglise catholique dans le domaine du mariage sacramentel, «force est de signaler que la CES ne saurait se prononcer en faveur du projet ›Mariage civil pour tous’». La CES encourage la recherche d’une solution qui tienne compte des demandes justifiées des personnes LGBT+ de se voir reconnue l’égalité vis-à-vis du droit de cité et des prestations sociales. Pour les évêques suisses, «une telle solution devrait impliquer une différenciation bénéfique pour tout un chacun, permettant à la fois la considération des diversités et le respect des droits de l’enfant». (cath.ch/ces/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/mariage-civil-pour-tous-pas-comme-cela-pour-les-eveques-suisses/