1500 intellectuels polonais pour défendre la mémoire de Jean Paul II

Près de 1500 intellectuels et universitaires polonais ont lancé un appel contre «la diffamation et le rejet de Jean Paul II» après la publication du rapport McCarrick par le Vatican, le 10 novembre 2020. Jean Paul II a lutté fermement contre les abus sexuels, rappellent-ils.

«Nous lançons un appel à la réflexion à toutes les personnes de bonne volonté. La personne de Jean Paul II a le droit, comme toute autre personne, d’être discutée avec honnêteté», note la lettre ouverte des universitaires. «En calomniant et en rejetant Jean Paul II, nous faisons du mal non seulement à lui-même, mais aussi à nous. (…) Les attaques non fondées contre la mémoire de Jean Paul II sont motivées par une thèse préconçue, que nous considérons avec tristesse et un profond désarroi», rapporte le site catholique américain Crux.  

Jean Paul II n’a pas dissimulé des faits

Parmi les signataires figurent entre autres le cinéaste Krzysztof Zanussi, l’ancien ministre des Affaires étrangères Adam Daniel Rotfeld, ou encore Hanna Suchocka, ambassadrice de Pologne auprès du saint-siège de 2001 à 2013.

En tant que pape, Jean Paul a joué un rôle essentiel dans l’ascension de Théodore MacCarrick en le nommant évêque de Metuchen, archevêque de Newark et archevêque de Washington avant de le créer comme cardinal en 2001. «Jean Paul II a nommé McCarrick. C’est indéniable, mais affirmer qu’il était au courant de ses actes et que, le sachant, il l’a nommé quand même n’est pas vrai. Ce n’est pas la conclusion du rapport», relève Hanna Suchocka. Pour elle, «Jean Paul II résolvait les problèmes sans équivoque et conformément à ses connaissances. Il n’a jamais évité l’action ni dissimulé des faits.»

Ainsi, le rapport montre que, mis au courant des accusations contre McCarrick par le cardinal O’Connor de New York, Jean Paul II n’a pas ignoré l’affaire, mais a demandé à ses conseillers les plus fiables de mener une enquête. (et qui lui ont rendu un avis favorable NDLR). Le rapport révèle en outre qu’il n’y a pas eu d’accusation directe d’abus sexuels sur mineur de la part d’une victime nommément identifiée avant 2017, date à laquelle une enquête canonique a été ouverte.

Jean Paul n’a jamais protégé des abuseurs

«Jean-Paul II luttait contre les abus sexuels commis par des membres du clergé et ne les a jamais protégés», a souligné le groupe Środowisko formé des personnes que le pontife lui-même appelait ‘sa famille’. Pour lui, «blâmer le pape pour son manque d’action en faveur de la protection des enfants est la preuve de l’ignorance ou de la mauvaise volonté des milieux qui propagent ces accusations». Danuta Rybicka, l’un des membres les plus anciens de Środowisko, était amie avec Karol Wojtyła depuis 1951, alors qu’elle était étudiante âgée de 20 ans. «Il était tout pour nous», a-t-elle déclaré à la Crux. «Un père, un ami, une autorité à suivre.» C’est d’ailleurs elle qui a commencé à utiliser le pseudonyme «Wujek» [oncle] pour protéger son pasteur et les jeunes lorsqu’ils faisaient de la randonnée et du kayak. Des activités qui étaient interdites au clergé, par le régime communiste polonais.

«J’ai combattu Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale. J’ai combattu Staline après la guerre. J’ai survécu à la loi martiale en Pologne dans les années 1980», a déclaré Rybicka. «Mais je ne me suis jamais sentie aussi impuissante lorsque l’homme qui m’est le plus cher est injustement attaqué par certains milieux. Je n’ai plus la force physique pour défendre le pape Jean Paul II. La seule chose que je peux faire maintenant, c’est de prier pour que la vérité l’emporte.»

Les demandes de ‘dé-canonisation’ de Jean Paul II ne sont pas sérieuses

Stephen White, directeur exécutif du Catholic Project de l’Université catholique d’Amérique, à Washington DC [Celle-là même où McCarrick fut étudiant puis enseignant NDLR] affirme que les appels à la ‘dé-canonisation’ de Jean Paul II ou à la suppression de son culte «ne sont pas des propositions sérieuses. Elles émanent principalement de personnes ou de groupes défendant une vision idéologique.»

Aux personnes qui estiment que Jean Paul II a été fait saint trop rapidement (béatifié en 2011, six ans après sa mort, puis canonisé en 2014) Stephen White répond qu’on peut tout aussi légitiment considérer qu’il l’a été au bon moment. «Ce dont l’Église a besoin maintenant, c’est d’un exemple de saint qui était à la fois manifestement saint et manifestement imparfait», a-t-il déclaré à Crux.

La lutte contre les abus exige un changement culturel

Le Catholic Project qu’il dirige s’est penché sur divers aspects de la crise des abus sexuels commis par des membres du clergé. Il a récemment lancé un podcast approfondi sur la question, intitulé «Crisis».

Pour S.White, «il est crucial de se rappeler que la plupart des événements du rapport McCarrick – du moins ceux qui concernent sa promotion et son élévation au collège des cardinaux – se sont produits, il y a 20 ou 30 ans». Ils offrent ainsi un aperçu du fonctionnement d’une Église avant que la crise des abus américains n’explose en 2002. Cette crise a conduit à la ‘Charte de Dallas sur la protection de l’enfance’ la même année puis à de nombreuses mesures jusqu’à la promulgation par le pape François, en 2019, de Vos estis lux mundi qui réglemente le cas des évêques ayant couvert des abus sexuels.

La responsabilité de la débâcle incombe à McCarrick

«Bon nombre des réformes structurelles qui auraient permis d’empêcher l’ascension de McCarrick ont été mises en place aujourd’hui. Plus important encore, il y a eu un changement culturel au sein de l’Eglise», estime S. White. «C’est important, car même les meilleurs protocoles et procédures se révéleront inefficaces sans une culture ecclésiale hostile aux abus et à la dissimulation. L’Eglise, du moins aux Etats-Unis, a encore du travail à faire à cet égard, mais elle est beaucoup plus proche de cet objectif que nous ne l’étions à l’époque où McCarrick gravissait l’échelle ecclésiale».

Stephen White note aussi que pour beaucoup, la lecture du rapport est «insatisfaisante – parce que nous voudrions que quelqu’un soit blâmé», mais le document «laisse le lecteur avec le sentiment clair que la part principale de responsabilité morale de cette débâcle incombe à McCarrick lui-même. Les conséquences de son péché touchent des millions de vies, depuis ses premières victimes, il y a plus de 50 ans jusqu’à nous, dans l’Eglise d’aujourd’hui, qui sommes toujours confrontés aux retombées de ses prédations», conclut-il. (cath.ch/crux/mp)

Maurice Page

Portail catholique suisse

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