Georges Scherrer, kath.ch – traduction et adaptation Maurice Page
Le jésuite Pierre Canisius a fondé le Collège de Saint-Michel, à Fribourg en 1582 et ses ossements se trouvent aujourd’hui dans l’église du collège. Pour le recteur actuel Matthias Wider, la question se pose: à qui appartiennent ces reliques? Il s’étonne que ni la Direction de l’instruction publique du canton de Fribourg, ni le collège n’aient été impliqués dans la clarification de ces questions.
Nicolas Renevey, prédécesseur de Wider au poste de recteur, apporte d’abord un bref aperçu historique. Les jésuites ont quitté le collège St-Michel, lors de la prise du pouvoir par les radicaux, à la suite de la guerre du Sonderbund de 1847. En 1858, la direction du collège a été confiée à des prêtres diocésains. A partir de la fin des années 1960, le caractère religieux de l’école a sensiblement changé. Les derniers prêtres y ont enseigné jusque dans les années 1980, explique l’ancien recteur. Aujourd’hui, il n’y a plus d’instruction religieuse.
Dans le meilleur des cas, les étudiants connaissent encore l’identité du fondateur de l’école, estime Nicolas Renevey. Mais l’ancien recteur ne croit pas que ses reliques conservées dans l’église reçoivent souvent la visite d’étudiants…
Seuls les étudiants qui ont terminé leur collège avant 1970 pourraient être affectés ou déçus par cette décision, note N. Renevey, aujourd’hui président de l’association des anciens élèves.
En outre ce n’est pas la première fois que ces reliques sont déplacées. A sa mort en 1597, Pierre Canisius a été inhumé dans la cathédrale Saint-Nicolas, car le collège n’avait pas encore d’église à cette époque. En 1625, à l’insistance des jésuites, le cercueil a été déplacé à l’église du collège. Canisius avait souhaité lui-même y trouver son repos éternel après l’achèvement de sa construction.
Pierre Canisius, bien que mort en odeur de sainteté, connaîtra un long parcours jusqu’à sa béatification par Rome en 1864, et sa canonisation en 1925. Le héraut de la Contre-Réforme, considéré comme le deuxième apôtre de l’Allemagne, devient alors la figure de proue du mouvement ultramontain qui domine alors la vie religieuse et politique fribourgeoises. Ces deux événements donnent lieu à des célébrations grandioses rassemblant des milliers de personnes. Puis la mode passe et dans l’élan oecumémique d’après Vatican II l’aura du saint pâlit.
En 1997, on avait déjà voulu transférer les reliques de Canisius dans la cathédrale, se souvient Nicolas Renevey. L’évêque de Fribourg de l’époque, Mgr Amédée Grab, s’était alors rangé derrière le Conseil d’État de Fribourg, qui ne voulait rien entendre d’une telle entreprise. Le recteur Renevey s’était lui aussi explicitement prononcé contre l’enlèvement des reliques. Il présidait alors le comité d’organisation des célébrations du 400e anniversaire de la mort du saint.
Aujourd’hui, il voit les choses un peu différemment. Il est clair pour lui que l’Église ne peut pas toujours être ouverte aux pèlerins pour des raisons de sécurité. Outre les reliques, le Collège conserve d’autres souvenirs de Canisius, tels que sa chambre mortuaire, des livres, des tableaux, des statues qui soulignent sa contribution exceptionnelle. «Ce ne sont pas les reliques, mais les actes du saint au cours de sa vie qui continuent à façonner le collège», ajoute-t-il. En ce sens, il verrait bien que l’actuel recteur du Collège, fasse partie du comité d’organisation des célébrations du 500e anniversaire de la naissance du saint en 2021. À sa connaissance, la direction du collège n’a pas été consultée sur le transfert prévu. Pourtant, l’église du Collège et les œuvres qu’elle contient appartiennent bien au canton de Fribourg.
Le chapitre de saint Nicolas, qui a initié le transfert, a dévoilé des informations sur le projet le 2 octobre. L’objectif est de réunir les reliques de Nicolas de Myre – patron de la cathédrale – et de Nicolas de Flüe, patron de la Suisse, avec celles de saint Canisius. Les reliques des deux Nicolas se trouvent actuellement dans le trésor de la cathédrale. Elles seront déplacées dans la chapelle du Saint Sépulcre, au pied de la tour, dans un nouvel emplacement aménagé ad hoc. Les trois reliques doivent être ainsi plus accessibles aux pèlerins, a expliqué le prévôt de la cathédrale, Jean-Jacques Martin. Canisius doit être transféré du collège à la cathédrale le 27 avril 2021.
Le prévôt a précisé la procédure, à kath.ch. À l’intérieur du reliquaire actuel, sous forme de gisant placé sous l’autel principal de l’église Saint-Michel, se trouvent divers os du saint, dont certains sont contenus dans une boîte dorée. Seuls ceux-ci doivent être transférés à la cathédrale. Le gisant, œuvre majeure de l’artiste Marcel Feuillat de 1939, ne sera pas déplacé. Le chef du service des biens culturels de Fribourg, Stanislas Rück, a donné son aval pour le déménagement. (cath.ch/kath.ch/gs/mp)
Maurice Page
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