«Le renouvellement de la musique sacrée se fonde sur la tradition»

Le pape François a nommé le 22 septembre 2020, à l’occasion de la Sainte Cécile, patronne des musiciens, un nouveau directeur de chœur de la chapelle Sixtine: Mgr Marcos Pavan. À 58 ans, ce natif de Sao Paulo (Brésil) est un spécialiste reconnu du chant grégorien. Il s’est confié à l’agence I.MEDIA sur la mission du chœur papal et sur les enjeux de la musique liturgique depuis Vatican II.

En quoi consiste votre fonction de directeur du chœur de la chapelle Sixtine?
Mgr Marcos Pavan: Le chœur de la chapelle Sixtine est le chœur des célébrations liturgiques du Saint-Père. Notre première fonction est de chanter aux célébrations que le pape fait à Rome. La seconde, à travers les concerts, est de faire connaître au monde le patrimoine culturel que constitue la musique sacrée composée pendant des siècles, à l’occasion des célébrations pontificales. Le chef de chœur a donc pour mission de collaborer avec le responsable de la liturgie du pape et choisir le programme musical pour chaque liturgie du pontife. Il doit choisir les chanteurs qui font partie du chœur et les préparer aux célébrations et aux concerts. Cela passe par la sélection et la formation des «voci bianchi» (voix blanches en français, ndlr) sélectionnées, c’est-à-dire un groupe composé de garçons qui ont entre 9 et 13 ans et qui viennent de paroisses romaines.

Sur quels critères composez-vous le répertoire liturgique?
Aujourd’hui, le chœur a pour mission de rester fidèle à ce que le concile Vatican II a laissé comme critères pour la célébration et pour la musique liturgique qui fait partie intégrante de la célébration. Ces critères sont l’œuvre d’un renouvellement certes, mais d’un renouvellement qui se fonde sur la tradition de la musique sacrée dans l’Église. Il faut donc que la musique liturgique soit à la fois compréhensible aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui et dans la lignée du patrimoine liturgique chrétien. La chapelle demeure ouverte aux nouvelles compositions, dans la mesure où elles sont utiles et adaptées aux caractéristiques des célébrations du pape.

Vous dîtes que ce patrimoine est pluri-séculaire. De quand la constitution de ce chœur date-t-elle?
Notre chœur a, comme partie principale de son répertoire, le chant grégorien et la polyphonie sacrée. Les premières informations qu’on a aujourd’hui d’un groupe de chanteurs auprès des pontifes remontent au VIe siècle. À partir de cette époque, un chœur de chanteurs s’est constitué pour soutenir le Saint-Père dans sa mission. L’actuelle structure du chœur date du pape Sixte IV, après la papauté d’Avignon, en 1471. Aujourd’hui, nous restons fidèles à la structure comme à l’esprit. Notre mission est d’aider le pape à exercer sa mission liturgique et défendre la Parole de Dieu à travers des concerts ou des manifestations à l’étranger.

«Rénover signifie poursuivre, et non partir de zéro»

Le pape François est-il impliqué dans le choix de votre répertoire?
La mission de la chapelle est de servir le pape durant la liturgie. Par conséquent, nous sommes toujours proches de lui et attentifs à ses décisions. Nous travaillons selon les informations que nous donne le Saint-Père. Le pape François, comme son prédécesseur, aime beaucoup la musique sacrée, et la musique en général. Pour autant, nous devons rester attentifs au caractère de chaque célébration, afin de choisir un répertoire qui peut aider les fidèles qui participent à prier et à comprendre aussi la parole de Dieu célébrée. Les papes, et le pape François ne fait pas exception, ont toujours laissé beaucoup de liberté à la chapelle dans le choix du répertoire et l’exécution des morceaux.

Depuis le concile Vatican II, qu’attend-on de la musique sacrée dans la liturgie?
Toute musique sacrée n’est pas adaptée à la liturgie. Si l’on pense, par exemple, au Requiem de Verdi, c’est une composition sacrée magnifique, mais qui ne pourrait jamais être exécutée pendant une célébration. La musique liturgique est la musique sacrée qui a été composée ou qui, du moins, s’adapte aux célébrations liturgiques.

Le concile Vatican II a concentré son attention, d’une part à ce que le texte soit compréhensible et, d’autre part, à la participation active des fidèles. Il faut donc que nous soyons attentifs à ce que, à chaque célébration, tout le monde ait sa place: la schola, le chant des fidèles, le chant des divers ministres ordonnés. Cela implique, d’une part, la découverte d’un nouveau répertoire, en langue vernaculaire en particulier; de l’autre, de poursuivre la tradition de la musique liturgique. Rénover signifie poursuivre, et non partir de zéro.

Votre sensibilité musicale influence-t-elle le choix des morceaux liturgiques?
La sensibilité musicale du maestro entre en compte dans la composition du répertoire du chœur. Au sein des orientations données par le Saint-Père, il reste une marge de liberté au directeur dans ses choix musicaux. La part essentielle de notre répertoire est le chant grégorien, parce que c’est le chant officiel de l’Église. Avec le chant grégorien, nous avons la musique classique, les compositeurs de l’école romaine ou de la Renaissance. Puis nous avons des compositeurs plus modernes, et notamment ceux qui ont été liés à la chapelle Sixtine: Mgr Bartolucci, Mgr Liberto etc.

Comment s’organise votre travail au quotidien?
Dans l’absolu, le chœur a toujours du travail, surtout en ce qui concerne les «voci bianchi», mais aussi les chanteurs adultes. Le maestro doit être attentif à la qualité vocale du groupe avant tout. Le premier devoir d’un chœur catholique du Saint-Père est de bien chanter. Bien chanter n’est jamais chose acquise une fois pour toute. C’est un travail quotidien dans les répétitions, le choix des chanteurs, etc. Ensuite, il faut que le chœur chante le morceau de musique adapté à chaque moment de la liturgie. Il faut étudier le répertoire, composer de la musique soi-même ou la commander quand il le faut et préparer un répertoire pour tous les concerts que nous donnons dans le monde entier. Nous devons être fidèles à la tradition que nous représentons.

Quelles sont les relations du chœur de la chapelle Sixtine avec les autres instituts de musique, notamment l’Institut pontifical de musique sacrée et l’académie nationale de Sainte Cécile?
Le chœur de la chapelle Sixtine et l’académie nationale de Sainte Cécile ne sont séparés que depuis récemment. L’académie s’est dédiée à une activité essentiellement concertiste, tandis que la chapelle a maintenu sa fonction ecclésiale. Par ailleurs, la chapelle recrute aussi des chanteurs qui sont formés dans les différents instituts musicaux de Rome et particulièrement à l’Institut pontifical de musique sacrée (Pims). Néanmoins, le Pims est une institution académique, tandis que la chapelle est d’abord une institution pratique. Évidemment, les chefs de chœur de la chapelle sont souvent membres d’autres académies, comme le cardinal Bartolucci, directeur du chœur jusqu’en 1997, et membre de l’académie Sainte Cécile. (cath.ch/imedia/at/rz)

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