Depuis quelques décennies, la nomination de cardinaux a pris le dessus sur la dimension consultative des consistoires, sans que, d’un pape à l’autre, cet événement ne cesse de faire l’actualité, diversement.
Le 28 novembre, malgré le Covid-19, en cercle restreint et dans le respect des mesures barrières, le pape François tient le 7e consistoire de son pontificat au Vatican. Deux des nouveaux élus seront absents à cause de la pandémie, une connexion numérique les reliera à Rome pendant la cérémonie qui ne connaîtra que la participation de quelques dizaines de fidèles. Avec le pape argentin, ces assemblées de cardinaux ont lieu une fois par an en moyenne et comme toujours, c’est l’occasion de créer de nouveaux cardinaux. Cette fois-ci, treize évêques et prêtres venus d’Europe, d’Afrique, d’Asie et de l’Amérique seront élevés à la dignité cardinalice.
Depuis Jean Paul II et la fin de la longue hégémonie italienne sur la papauté, les nominations de cardinaux prennent à la fois en compte la géographie du catholicisme tout en impactant subtilement sur l’issue du prochain conclave. Si Pie XII (1939-1958) n’a convoqué que deux consistoires en deux décennies, le rythme et le contenu des consistoires (une cinquantaine depuis 1920) ont reflété les humeurs et la nature profonde des pontifes qui les ont initiés.
Le pape Pie XI (1922-1939) aura été le pape des consistoires. Il en convoqua pas moins de 17, soit au moins un chaque année, parfois deux, comme en 1923 ou en 1929 année des accords du Latran. Grand théologien, ce pape qui a été confronté au communisme, au fascisme et au nazisme utilisait les consistoires comme des rendez-vous hautement politiques pour exprimer les positions de l’Eglise face aux extrémismes mais aussi pour élever à la dignité «pourpre» des prélats qui avaient des engagements forts dans le monde entier.
Pie XI ne nommait cependant qu’un petit nombre de cardinaux, entre 2 et 8, parfois même un seul notamment le 15 juillet 1929 où son compatriote Alfredo Ildefonso Schuster est entré dans le cercle restreint des conseillers du pape.
Vers la fin de son règne, pour renforcer le nombre de papabili (cardinaux éligibles et électeurs), il a dû en nommer 18, battant son propre record en décembre 1935. En tout il aura créé 76 cardinaux. Le natif de la Lombardie-Vénétie, qui aimait passer des rencontres conviviales avec ses cardinaux en «parlant de tout et de rien«, aura si bien enchaîné les consistoires au point où, en lui succédant en 1939, Pie XII pourra se contenter de n’en organiser qu’un seul par décennie. Comme pour favoriser un moment de répit. Et nommer seulement 56 cardinaux.
Jean XXIII (1958-1963) resté dans l’histoire pour la convocation du concile Vatican II tiendra cinq consistoires au cous de son bref pontificat. Avec à la clé la nomination de 56 cardinaux.
Au cours de son pontificat de 1963 à 1978, le pape Paul VI a créé 143 cardinaux à l’occasion de six consistoires ordinaires. Un seul est encore en vie qui n’est autre que Joseph Ratzinger devenu Benoît XVI en 2005.
Pendant la première moitié du XXe siècle, les consistoires se sont éloignés progressivement de leur vocation première d’assemblées consultatives pour devenir des séances de nominations de cardinaux. Un état de choses qui s’est illustré par la durée de plus en plus écourtée de ces grands rendez-vous qui se sont réduits à honorer les nouveaux princes de l’Eglise.
Tout en restant très attaché aux symboles, Jean Paul II (1978-2005) a réintroduit le volet des débats, consultations, discours et discussions. Ce premier pape non italien depuis cinq siècles, va aussi fortement internationaliser le visage de l’Eglise à travers ses cardinaux. Pendant son long pontificat de plus de 25 ans, il en fera en tout 231. Des tréfonds de l’Asie, de l’Afrique et surtout de l’Amérique latine, il fera appel à des personnalités diverses. Cette floraison cardinalice a sans aucun doute influencé les deux conclaves qui ont suivi sa mort (2005 et 2013) et qui ont vu lui succéder un Allemand (Benoit XVI) et un Argentin (François).
Benoit XVI, l’introverti et très discret vicaire du Christ optera pour la sobriété et l’humilité. Il fait des consistoires des occasions de prière, d’assemblées pieuses tout en privilégiant l’élévation au cardinalat de prélats qui se distinguent par leur simplicité. Il les revêtira de la sobriété qui l’a toujours caractérisé, personnellement. Au cours de son pontificat de 2005 à 2013, Benoît XVI a créé 90 cardinaux à l’occasion de cinq consistoires. Contrairement à son prédécesseur, il s’est efforcé de respecter le nombre maximum de cardinaux électeurs, c’est-à-dire âgés de moins de 80 ans, fixé à 120 par Paul VI.
Une orientation suivie par François qui y a associé l’humilité. Contrairement à Jean Paul II qui appelait au cardinalat des évêques d’une certaine envergure, populaires et influents, François a vite fait appel à de «simples pasteurs», comme Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui fait cardinal en 2016, à la surprise générale ou encore de simples prêtres.
En sept ans de règne, François a nommé 83 princes de l’Eglise. Son influence sur le prochain conclave est inévitable et ce pape «venu de l’autre bout du monde» en est conscient. Il ouvre, plus que tous ses prédécesseurs l’Eglise sur des horizons lointains, faisant plus que jamais de la Curie le reflet d’une Eglise véritablement «catholique», universelle. (cath.ch/msc/mp)
Max Savi Carmel
Portail catholique suisse
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