La publication fait suite au postulat de l’ancienne conseillère nationale zurichoise Natalie Rickli, de l’UDC. Ce dernier invitait le Conseil fédéral à établir un rapport dans lequel seront proposées des mesures permettant de protéger plus efficacement les filles et les femmes de la mutilation génitale. Le rapport examine les mesures qui peuvent être prises pour mieux protéger ces jeunes filles et femmes.
Il est apparu ces dernières années que le droit pénal ne peut pas à lui seul provoquer de changement de mentalité ou ébranler des convictions et des systèmes de valeurs profondément enracinés. Il faut, selon le rapport, privilégier une approche multiple et diversifiée pour combattre durablement ces graves lésions corporelles, qui ont de lourdes conséquences psychiques.
Le Réseau suisse contre l’excision, qui regroupe Caritas Suisse, Terre des Femmes Suisse, le réseau universitaire Centre suisse de compétence pour les droits humains CSDH, et Santé Sexuelle Suisse, se félicite des conclusions du rapport. Mais pour ces organisations engagées depuis plusieurs années dans la lutte contre l’excision en Suisse, il doit toutefois être suivi d’actes visant à assurer une meilleure protection des jeunes filles à risque en Suisse et à faire en sorte que les jeunes filles et les femmes excisées reçoivent des soins adaptés.
Le Réseau suisse contre l’excision, soutenu financièrement par la Confédération,rappelle que le droit pénal à lui seul ne protège pas contre les mutilations génitales féminines. «Une interdiction légale est nécessaire pour protéger efficacement les jeunes filles, mais elle n’est pas suffisante, souligne Denise Schwegler, responsable, avec Simone Giger, du projet «Prévention des mutilations génitales féminines» à Caritas Suisse. Il faut proposer d’autres approches coordonnées», car se concentrer seulement sur le droit pénal ne produira pas l’effet escompté.
Le travail de prévention dans les communautés de migrants est essentiel, il permet d’éviter que ces infractions soient perpétrées, note Caritas Suisse. En outre, les mesures de protection de l’enfance relevant du droit civil peuvent aussi avoir un effet préventif. Toutefois, cela nécessite que les professionnel-le-s soient sensibilisé-e-s au fait que l’excision est une forme spécifique de mise en danger des enfants.
Une autre dimension de la protection consiste à accorder aux jeunes filles vulnérables un droit de séjour en Suisse. Il ne faut pas occulter cette perspective. La Suisse devrait donner l’exemple de la pratique juridique à cet égard, insiste Caritas Suisse, car la protection des jeunes filles menacées d’excision est essentielle.
L’œuvre d’entraide rappelle qu’en Suisse vivent de nombreuses femmes et jeunes filles qui ont déjà subi une excision. Il faut veiller à ce que ces personnes reçoivent des soins adaptés à leurs besoins. Pour ce faire, le sujet doit être inclus préalablement dans les programmes de formation et formation continue des professionnel-les de la santé.
Peu de cantons s’engagent activement et durablement contre les mutilations génitales féminines, déplore Caritas Suisse. Marisa Birri, de Terre des Femmes Suisse, le revendique: «Si on veut améliorer concrètement la situation des filles et des femmes qui risquent de subir ou ont déjà subi des mutilations génitales féminines, il faut que les cantons renforcent leur engagement contre ces pratiques, qu’ils adoptent des mesures concrètes et qu’ils leur allouent des ressources financières».
C’est la seule façon de garantir des services de santé, de conseil et de prévention efficaces. Les cantons et la Confédération se sont engagés à cet égard en signant la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).
Le Réseau suisse contre l’excision est d’accord avec le Conseil fédéral: pour garantir la sécurité et la protection des jeunes filles et femmes menacées d’excision et celles qui ont déjà subi une excision, il faut aborder le problème sous plusieurs angles et selon plusieurs approches. Et il faut mettre en œuvre un large éventail de mesures. Un centre de compétence national reste donc nécessaire. Le Réseau suisse contre l’excision a accumulé ces dernières années de nombreuses connaissances précieuses dans ce domaine. Il a acquis une expertise essentielle qui va lui permettre à l’avenir de jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre l’excision. (cath.ch/caritas/be)
Sanctions pénales depuis 2012
La mutilation d’organes génitaux féminins est passible d’une peine depuis 2012 (art. 124 CP). Peuvent être sanctionnés non seulement les exciseuses et les exciseurs, mais aussi les parents ou les proches qui font exciser une fille. De plus, quiconque a pratiqué ou fait pratiquer l’excision à l’étranger est également punissable.
«Cette poursuite pénale est un signal clair et un élément important de la lutte contre les mutilations génitales féminines», note le Conseil fédéral. Le rapport montre que ces infractions graves sont commises au sein de la famille ou de l’entourage social et que les victimes sont pour la plupart des enfants parfois très jeunes.
La poursuite pénale est rendue difficile par le fait que la mutilation génitale féminine est ancrée dans diverses cultures et que les personnes touchées sont très attachées à leur famille. Le Conseil fédéral, sachant que les sanctions pénales sont insuffisantes pour changer des comportements ancrés dans des cultures et des systèmes de valeurs ancestraux, prône une approche multiple pour combattre ce fléau. JB
Jacques Berset
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/mutilations-genitales-feminines-en-suisse-22400-personnes-en-danger/