L'Azerbaïdjan réécrit l'histoire de la présence arménienne au Kelbajar

L’Azerbaïdjan réécrit l’histoire de la présence arménienne dans la région du Kelbajar – Karvachar pour les Arméniens -, qui doit lui être restituée au plus tard le 25 novembre 2020, après une demande d’Erevan, appuyée par Vladimir Poutine. Dans un exercice de révisionnisme historique, Bakou affirme que plusieurs monastères arméniens datant du Moyen-Age, comme Dadivank, sont en fait des «temples albanais».

La République d’Azerbaïdjan fait ainsi référence au Royaume antique du Caucase, «l’Albanie caucasienne», couvrant le territoire actuel de la République d’Azerbaïdjan et le sud du Daguestan.

Des «temples albanais»

Bakou soutient que les monastères de Dadivank – que les Azéris appellent le monastère de Khudavan – et le monastère de Gandzasar,  près de Martakert, au Haut-Karabakh – lieux historiques de l’Eglise apostolique arménienne, ne sont en aucun cas arméniens, mais en réalité des «temples albanais».

Le monastère de Gandzasar, près de Martakert, au Haut-Karabakh – lieu historique de l’Eglise apostolique arménienne | © Jacques Berset

D’autre part, des médias azerbaïdjanais, comme l’agence de presse News.Az, écrit que «les Arméniens continuent de commettre des actes de vandalisme dans le Kelbajar azerbaïdjanais avant de quitter le district», incendiant maisons et forêts sur ce territoire. «Ils ont commencé à détruire l’ancien monument albanais», en mentionnant «le complexe du monastère de Khudavan (…) , ‘un des magnifiques exemples de l’architecture albanaise».

Les Arméniens accusés de «vandalisme» à Dadivank

News.Az écrit encore que «l’église d’Arzou Khatoun, qui fait partie du complexe [de Dadivank, ndlr] (…) a été construite en 1214 par l’épouse du prince albanais Vakhtang, Arzou Khatoun, en mémoire de son mari et de ses deux fils». L’agence azerbaïdjanaise poursuit: «après l’occupation des terres azerbaïdjanaises [dans les années 1990, ndlr], le monastère de Khudavan a été vandalisé à plusieurs reprises par les Arméniens. Les Arméniens ont coupé les croix et détruit les inscriptions dans l’église albanaise, dans une tentative de falsifier l’histoire. Aujourd’hui, les Arméniens exportent illégalement des cloches et d’autres objets de valeur du monastère vers l’Arménie».

Les défenseurs du patrimoine arménien craignent que se reproduise la destruction systématique, entre 1998 et 2005, à Djoulfa, dans la République autonome du Nakhitchevan, du plus grand cimetière de «khatchkars» (grandes pierres à croix sculptées typiques de l’art arménien) de l’Arménie historique. Ils veulent interpeller d’urgence l’UNESCO pour protéger Dadivank de la destruction. Ils veulent l’inciter à agir pour la préservation de ce trésor de l’humanité, appartenant au patrimoine mondial en péril, qui a été récemment restauré.

Négation du christianisme arménien

Le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères affirmait en 2017 déjà que le monastère de Gandzasar, l’un des plus hauts-lieux de la spiritualité du peuple arménien du Haut-Karabakh, datant du Moyen-Âge, n’avait rien à voir avec l’Eglise arménienne apostolique et que c’était «un temple chrétien albanais». De telles affirmations font craindre pour le maintien des monuments chrétiens dans les territoires reconquis, quand on voit que des premières déprédations ont été commises contre des églises arméniennes.

Dans une vidéo sur TELEGRAM, un soldat azéri détruit la croix d’une église arménienne TELEGRAM | DR

Pendant ce temps, les premiers groupes de réfugiés de souche arménienne sont rentrés au Haut-Karabakh samedi 14 novembre 2020, quatre jours après la signature de l’accord de cessez-le-feu négocié par la Russie. Selon les autorités de Stepanakert, capitale de la région séparatiste arménienne du Haut-Karabakh, la guerre de six semaines a déplacé au moins 90’000 civils arméniens, soit environ 60% de la population du territoire, et coûté la vie à quelque 2’400 soldats arméniens. La plupart des déplacés par les combats s’étaient réfugiés en Arménie. Les autorités les ont exhortés à rentrer chez eux immédiatement après l’entrée en vigueur de la trêve.  

Appel du catholicos Aram Ier

Depuis son siège d’Antélias, près de Beyrouth, Aram Ier, chef de l’Eglise apostolique arménienne de Cilicie, a appelé le peuple arménien à refuser le document signé par l’Arménie et l’Azerbaïdjan grâce à la médiation de la Russie, «qui va clairement au-delà d’un accord de cessez-le-feu, et qui est plein d’incertitudes et d’ambiguïtés, ainsi que de dangereuses ramifications et répercussions».

Le catholicos Aram 1er, chef de l’Eglise apostolique arménienne de Cilicie, | © Jacques Berset

Il a souligné «l’impératif d’une reconnaissance internationale de l’Artsakh [le Haut-Karabakh, ndlr] à travers les efforts conjoints et organisés de l’Arménie et de la diaspora» [arménienne]».

Le catholicos de Cilicie a déclaré avec une ferme détermination qu’en aucun cas «l’indépendance et la sécurité, les droits et la dignité de la nation et de la patrie ne doivent être compromis par des intérêts géopolitiques et des projets pantouranistes». Le «pantouranisme» est une doctrine panturque visant à l’unification des peuples de langue turque «du Bosphore au lac Baïkal».

Pour une reconnaissance internationale de la République du Haut-Karabakh

De son côté, le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), dans un communiqué du 16 novembre 2020, affirme que comme l’ensemble du peuple arménien, «les citoyens Français d’origine arménienne, descendants des rescapés du génocide de 1915, dénoncent l’impérialisme de l’axe Ankara-Bakou, qui est animé par les mêmes ressorts et obéit aux mêmes mobiles que la matrice ottomane dont il se réclame».

Face à cette réalité, le CCAF appelle la diaspora à se mobiliser autour de l’Arménie et de l’Artsakh pour défendre le droit à l’existence de ces deux Etats. A l’instar d’importantes collectivités territoriales et de nombreux élus, il invite le gouvernement français à reconnaître la République du Haut-Karabakh «qui ne saurait intégrer un Etat ayant déclaré la guerre à ses habitants, de surcroit quand ils sont qualifiés de ‘chiens et traités comme tels». (cath.ch/be)

Jacques Berset

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