Le cri d’alarme lancé pour la défense du monastère de Dadivank est répercuté dans le monde entier. Des pétitions à l’adresse de l’Union européenne et de l’UNESCO sont lancées pour préserver le patrimoine arménien menacé par l’Azerbaïdjan, alors que le président Ilham Aliev se réjouit à la télévision de Bakou d’avoir chassé les Arméniens «de nos terres comme des chiens».
Face à cette rhétorique haineuse, les habitants arméniens des territoires qui vont être restitués abandonnent la région, chargent leurs maigres affaires sur des camions, et certains incendient même leur maison après en avoir récupéré jusqu’aux portes et fenêtres, pour ne rien laisser aux Azéris.
Situé à 1’100 mètres d’altitude, sur la rive gauche de la rivière Tartare, au milieu des forêts, dans un relief de montagnes, le complexe monastique arménien magnifiquement restauré de Dadivank, à Karvachar, est l’un des monuments artistiques chrétiens les plus remarquables de l’époque médiévale.
L’avenir de ce joyau est désormais incertain, car le district de Kelbadjar – occupé depuis près de trois décennies par les forces arméniennes – doit être restitué avant le 15 novembre 2020 à la République d’Azerbaïdjan. C’est une des conséquences de l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020 signé par l’Arménie et l’Azerbaïdjan, sous l’égide de la Fédération de Russie, pour mettre un terme à la sanglante guerre du Haut-Karabakh.
A deux jours de sa rétrocession à l’Azerbaïdjan prévue par le cessez-le-feu, le monastère recevait ce vendredi 13 novembre ses derniers pèlerins, dont beaucoup sont venus d’Erevan, la capitale arménienne, pour leur dernière visite avant que les nouvelles frontières ne leur en ferment définitivement l’accès.
Dans ce haut-lieu de la chrétienté arménienne, qui risque d’être condamné, le Père Hovhannès Hovhannisyan, curé du complexe monastique menacé, espère vainement un miracle, affirmant au site arménien Aysor.am que les Arméniens ne donneront pas Dadivank aux Turcs (Azéris). Mais la réalité est bien là: le monastère va tomber dans l’escarcelle de Bakou.
Selon la tradition, le monastère a été fondé par saint Dadi (Sourp Dadi), un disciple de l’apôtre Thaddée qui a répandu le christianisme en Arménie orientale au cours du premier siècle de notre ère. En juillet 2007, la tombe de saint Dadi, l’un des 70 élèves de Jésus Christ, selon l’Eglise apostolique arménienne, avait été découverte sous l’autel de l’église principale.
Le monastère a été mentionné pour la première fois au 9e siècle. Pour que ne se reproduise pas le désastre de la nécropole arménienne de Djoulfa, au Nakhitchevan, les milieux de défense du patrimoine religieux arméniens veulent interpeller d’urgence l’UNESCO. Ils veulent l’inciter à agir pour la préservation de ce trésor de l’humanité, appartenant au patrimoine mondial en péril, qui a été récemment restauré.
Les défenseurs du patrimoine se souviennent bien de la destruction systématique, entre 1998 et 2005, à Djoulfa, dans la République autonome du Nakhitchevan, du plus grand cimetière de «khatchkars» (grandes pierres à croix sculptées typiques de l’art arménien) de l’Arménie historique. Le Nakhitchevan appartenait autrefois à la province arménienne historique du Vaspourakan, mais il fut détaché par les Soviétiques de l’Arménie dans les années 1920, tout comme le Haut-Karabakh, et donné à l’Azerbaïdjan, peuplé majoritairement de musulmans chiites, tout comme l’Iran voisin.
Depuis les années 1990, après avoir expulsé sa population arménienne, cette République de l’Azerbaïdjan a systématiquement effacé le patrimoine arménien médiéval: 89 églises médiévales ont été rasées, 5’480 pierres à croix et 22’700 tombes ont été totalement détruites, selon l’Organisation Terre et Culture (OTC), une ONG française investie dans la défense du patrimoine arménien.
A Aylis, au Nakhitchevan, le complexe du monastère historique Saint-Thomas d’Agoulis, jusqu’en 1837 siège d’un diocèse, a été rasé en 2005-2006, et remplacé par une mosquée. La population a brûlé ses livres religieux sur la place publique. (cath.ch/be)
Jacques Berset
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