Certaines traditions tiennent bon, malgré la crise sanitaire. Ce mercredi 11 novembre, le maire de Cervia, en Emilie-Romagne, accompagné d’une petite délégation, dont le curé de la cathédrale de la ville, le représentant des salines et quelques pèlerins, auraient dû rencontrer le pape François après l’audience générale et lui remettre en mains propres du sel de Cervia. «A cause du Covid, cette année, nous ne pourrons pas nous déplacer et, même si le maire ni le représentant des salines ni moi ne serons présents, nous avons envoyé une ‘panira’ (panier de victuailles, en patois de la région, ndlr) au pape, comme le veut la tradition», confie le Père Cabantous.
Cette tradition remonte au 15è siècle, lorsque Cervia, ville voisine de Ravenne (Italie) au bord de la mer Adriatique, faisait encore partie des États pontificaux. La ville comptait parmi les riches diocèses de la papauté, notamment grâce aux marais salants. Le sel de Cervia était alors, à proprement parler, le sel du pape.
Lorsqu’il a été nommé évêque de Cervia, en 1444, le cardinal Pietro Barbo a offert une «fleur de sel» au pape Eugène IV – ancien cardinal Gabriele Condulmer, oncle maternel de Mgr Barbo – pour le remercier de sa nomination. Élu pape à son tour sous le patronyme de Paul II, en 1464, le cardinal Barbo a tenu à ce que la tradition soit maintenue. Depuis lors, Cervia a envoyé du sel à Rome chaque année et distribué dans toutes les paroisses de Rome. «A l’époque, on utilisait du sel lors du sacrement du baptême», précise le Père Cabantous.
En 1870, après de la brèche de Porta Pia et la fin du pouvoir temporel du pape, la tradition a été interrompue en même temps que les relations diplomatiques entre le Vatican et le Royaume d’Italie naissant. En 2003, 130 ans après la suspension de la consigne, un prêtre de Cervia qui travaillait alors au Secrétariat du culte du Vatican, Mgr Mario Marini, décédé récemment, a remis la tradition au goût du jour, sous le pontificat de Jean Paul II.
Le statut du diocèse de Cervia a évolué durant le dernier siècle. «Au premier siècle, raconte le curé de Cervia, il y avait déjà un évêque à Ravenne, Saint Apollinaire. Ce qui fait de Ravenne le premier diocèse à avoir eu un évêque, après Rome». Jusqu’en 1908, Cervia avait aussi son propre évêque. A partir de cette date, l’archévêque de Ravenne était de facto évêque de Cervia. Récemment, en 1991, les deux diocèses ont été réunis en un seul archidiocèse de Ravenne-Cervia, dont Mgr Lorenzo Ghizzoni a aujourd’hui la charge.
Bien que Cervia ne soit plus un État pontifical depuis longtemps, le symbole demeure. «C’était le sel du pape et ça le reste», affirme le curé de Cervia. «Autrefois, avant que le tourisme n’apparaisse dans les années 1950, les salines, avec la pêche, étaient la principale ressource économique de Cervia», ajoute-t-il.
Cervia renoue même avec la tradition première puisque, depuis quatre ans, des pèlerins dits du «Chemin du Sel» (Camino del sale) se joignent à la cérémonie, comme c’était le cas des mineurs de sel de Cervia pendant quatre siècles. Cette année, «le parcours des pèlerins a été réduit et les marcheurs ont effectué leur trajet sur l’antique Via Germanica pendant trois jours», précise le père Cabantous.
Réputé pour être «très doux et sans chlorures amers», le sel de Cervia est encore «très apprécié et réputé aujourd’hui et fait la fierté de la ville», confie le Père Cabantous. C’est pourquoi la mairie a décidé de «donner une continuité au rituel en expédiant le sel», a affirmé Gabriele Armuzzi, maire adjoint de Cervia, sur le site de la commune de Cervia. «Une tradition que nous ne pouvions pas interrompre une fois de plus (…). Nous espérons que ce petit geste peut aussi être de bon augure pour la ville», a-t-il conclu. (cath.ch/imedia/at/rz)
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