«J’ai eu le sentiment d’un coup de poignard, d’une volonté rageuse de faire et de dire du mal qui m’a choqué». Présent sur place le surlendemain de ce dimanche 18 octobre 2020, Claude Ducarroz, l’ancien prévôt de la cathédrale de Fribourg, ne s’est pas encore remis de l’acte de vandalisme perpétré sur l’un des tableaux de la cathédrale. «Les autres chanoines présents étaient stupéfaits, se souvient-il. On n’a pas pu s’empêcher de penser aux actes de vandalisme qui ont cours en France.»
Intitulé «Adoration des Rois mages» et situé dans la troisième travée du collatéral nord de la cathédrale de Fribourg, le tableau a été découvert lacéré, dimanche 18 octobre 2020, lors de la ronde du soir qu’effectue Pierre Feraut, le sacristain de la cathédrale de Fribourg. En poste depuis 2012, c’est, dit-il, «la première fois qu’un un acte de vandalisme aussi grave a lieu».
Selon Valentine Murith, présidente du Conseil de paroisse de Saint-Nicolas à Fribourg, que cite Le Matin Dimanche: «La partie inférieure droite était lacérée, probablement au moyen d’un cutter ou d’un couteau bien aiguisé».
A la colère s’ajoute la tristesse et l’incompréhension: qui a pu s’acharner sur cet élément du patrimoine fribourgeois? Et pourquoi? Pour Pierre Feraut, c’est la bêtise humaine qui a motivé cet acte. Quant à Valentine Murith, elle se perd en conjectures: «L’auteur n’a laissé aucun indice, aucune revendication. À mon avis, il s’agit d’un déséquilibré ou d’une personne qui a une dent contre l’Eglise.»
Contactée, la police cantonale de Fribourg confirme être intervenue le 18 octobre dans l’église, à la suite de la découverte du méfait. Une enquête est en cours. Pourrait-il s’agir comme Valentine Murith d’une personne déséquilibrée mentalement? «Aucune piste ou hypothèse n’est jamais écartée jusqu’à ce qu’un auteur présumé ait pu s’expliquer», répond son porte-parole, le sergent Bertrand Ruffieux.
Toutefois, ces actes de vandalisme sont selon lui peu fréquents dans le canton de Fribourg: «Depuis 2017, nos chiffres représentent moins d’une dizaine de cas par année. Relevons que le vandalisme est une notion large qui n’inclut pas seulement des dommages à des tableaux.»
Vieux de plus de cent cinquante ans et legs de la famille fribourgeoise De Diesbach, le tableau a subi des dégâts estimés entre 5’000 et 10’000 francs, selon Stanislas Rueck, chef du Service des biens culturels du canton de Fribourg, propriétaire du bâtiment. Commandé pour être intégré dans l’autel latéral dédié aux Rois mages de la cathédrale, le tableau de 1868 représente la visite de Gaspard, Melchior et Balthazar lors de la naissance du Christ. Il est l’œuvre de Melchior Paul von Deschwanden, peintre de Suisse centrale très actif au XIXe siècle, dont plusieurs autres peintures ornent les autels de l’édifice fribourgeois.
Selon Stanislas Rueck, «les dégâts sont importants. Ils pourront être réparés dans une certaine mesure, mais il y a une atteinte irréversible à la substance du tableau. Les coupures resteront toujours visibles, peut-être pas aux yeux des amateurs, mais certainement à ceux des connaisseurs. C’est malheureux», se désole-t-il.
Sa restauration a été confiée à deux ateliers spécialisés à Romont et Estavayer-le-Lac: «La toile a été totalement tranchée sur près de 1,5 mètre horizontalement et 50 centimètres verticalement, soulevant des bords de peinture. Il s’agira de doubler la toile et de reprendre la couche picturale», détaille Stanislas Rueck, qui estime que la restauration devrait avancer relativement rapidement. Le tableau pourrait selon lui réintégrer la cathédrale d’ici le début de l’année prochaine.
Intervenu dimanche 18 octobre, cet acte de vandalisme n’a pourtant été communiqué que trois semaines plus tard: «On ne communique pas sur ces éléments-là, car on craint qu’ils ne donnent des idées à d’autres, explique Stanislas Rueck. Nos églises abritent les principales collections patrimoniales du canton. Si on devait commencer à les protéger, à fermer leurs portes, c’est tout un pan de notre patrimoine qui se déroberait aux yeux du public». Pour la paroisse, ne plus laisser libre accès à la cathédrale pendant la journée n’est pas une option. «Ses portes resteront ouvertes, dit Valentine Murith. Mais nous resterons attentifs.»
Pourtant, le dispositif de vidéo surveillance n’est pas parvenu à enregistrer l’auteur de cet acte de vandalisme:«On n’a pas de vidéo dans le coin de la cathédrale où était suspendu le tableau», indique Stanislas Rueck. «Notre dispositif filme seulement l’allée centrale, mais pas les travées latérales, confirme Pierre Feraut, le sacristain de la cathédrale. Et ce ne sont pas des caméras spécifiques à la surveillance. Elles servent juste au suivi de la messe». Faudrait-il dès lors renforcer ce dispositif de sécurité pour mieux protéger le patrimoine de la cathédrale de Fribourg? «Je suis en pourparlers avec Monsieur Rueck», répond-il sans plus de précision. (cath.ch/lmd/gs/cp)
Carole Pirker
Portail catholique suisse
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