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En 1223, par la bulle Solet Annuere, le pape Honorius III reconnaît l’Ordre des Frères mineurs, fondé par le Frère François d’Assise. L’artisan de ce succès est un cardinal qui est devenu protecteur de l’Ordre, Ugolino d’Agnani: ce dernier a même décidé de patronner les frères d’Ombrie ayant embrassé la pauvreté évangélique radicale prônée par le Troubadour de Dieu.
La Légende Majeure, récit de la vie de François, raconte, dans une scène immortalisée par Giotto, que le cardinal d’Agnagni, élu sous le nom de Grégoire IX, aurait été convaincu en songe par une apparition du saint ombrien. Au prélat sceptique, François aurait montré son côté marqué par les stigmates. En 1626, très affaibli, le Père Séraphique meurt, et peu de temps après Grégoire IX est élu sur le trône de Pierre, en 1627. Une des premières actions de son pontificat, quelques mois plus tard, est de se rendre à Assise en mai, pour se recueillir sur la tombe du fondateur de l’ordre. Il n’en reste pas là: il retourne en Ombrie le 16 juillet de la même année et procède à la canonisation de François.
Devenu en quelques instants une des figures majeures de l’Église, François jouit d’une telle renommée qu’Assise devient un lieu de pèlerinage: nombreux sont alors les successeurs de Grégoire IX à venir prier sur la tombe du saint, dans le sanctuaire que la monarchie pontificale a fait bâtir. Innocent IV est le premier d’entre eux, et y reste même pendant six mois en 1253, assistant notamment aux funérailles de sainte Claire d’Assise, la fondatrice des Clarisses, branche féminine des franciscains. Le 25 mai de la même année, il consacre solennellement la basilique locale à saint François par une bulle, Si populus israeliticus.
En 1265 et 1268, Clément IV fait à son tour le pèlerinage à Assise et se recueille sur les tombes de François et Claire, puis Innocent V en 1276 et Martin IV en 1285. Ce dernier est si attaché à François qu’il demande à être enterré dans sa ville – un vœu qui ne sera pas respecté par les habitants de Pérouse, qui le mettront en terre dans la cathédrale de cette ville, où de nombreux pontifes gouvernaient alors en cette fin de 13e siècle. En 1304, c’est au tour du dominicain Benoît XI de venir à Assise.
Le rythme des visites, s’atténue alors – notamment à cause de la Grande peste qui n’encourage pas le chef de l’Eglise catholique à voyager – et reprend fortement à l’aube du 15e siècle: en 1392, Boniface IX s’y arrête quelques heures alors qu’il fuit ses ennemis. Nicolas IV, le premier pape franciscain, se rend en 1449 à Assise, et demande par la même occasion au peintre Cimabue et à d’autres artistes romains de décorer la basilique supérieure de Saint-François. Pie II, qui s’est beaucoup déplacé en Italie pendant son pontificat, fait trois arrêts en 1459, en 1463 puis en 1464.
En 1476, c’est au tour du pape Sixte IV, connu pour avoir fondé la Bibliothèque apostolique vaticane, de se rendre à Assise afin de protéger le sanctuaire. À cette époque, la ville change souvent de mains et le chef de l’Eglise catholique tente de la maintenir au sein des Etats pontificaux. Il projette de plus de grands travaux pour réaménager le sanctuaire qui seront effectués dans les années suivantes. En 1506, le pape franciscain Jules II fait aussi le voyage pour vénérer le saint fondateur de son ordre. Il est suivi en 1532 par Clément VII – le pape qui a approuvé la création de la branche des Capucins au sein de la famille franciscaine. Paul III s’y rend en 1535 et brièvement, de passage. Il y revient en 1540 en pleine «Guerre du sel», une révolte fiscale contre le pontife survenue à Pérouse.
Les pontifes délaissent alors la cité d’Ombrie pendant 300 ans. Le premier pape à revenir à Assise est Grégoire XVI, en 1841: il se rend notamment à Rivotorto, là où saint François s’était retiré, après avoir abandonné toutes ses richesses pour bâtir sa première église. Pie IX vient à son tour en 1857, alors que de nombreux troubles politiques agitent la péninsule italienne.
La chute des Etats pontificaux va faire cesser les voyages des papes suivants en dehors du Vatican ou de Rome pendant de nombreuses années, si bien que nul n’ira à Assise, considéré comme un ancien «domaine» de l’Eglise, jusqu’à Jean XXIII, en 1962. Sa visite le 4 octobre, jour de la Saint François, survient dans un contexte très important: le «bon pape» est venu se recueillir, quelques jours avant l’ouverture du Concile Vatican II. Lui qui est devenu tertiaire franciscain à tout juste seize ans a voulu confier le bon déroulement de l’événement au saint ombrien. A son retour d’Assise, le pape s’est dit «très excité et très heureux», comme s’il avait trouvé la détermination nécessaire pour s’engager dans un long et périlleux aggiornamento.
Jean Paul II est, quelques années plus tard, le pape le plus lié jusqu’ici à la ville de saint François. Il a en effet effectué, pendant son pontificat, six voyages à Assise. Le premier a lieu le 5 novembre 1978, il s’y rend en temps que Primat d’Italie, pour vénérer le saint patron de la nation italienne. Le 12 mars 1982, il s’y rend à nouveau pour commémorer les 800 ans de la naissance du Poverello. Son troisième voyage est probablement le plus connu: le pape polonais décide d’organiser, le 27 octobre 1986, une rencontre de prière interreligieuse pour la paix mondiale.
C’est la première des fameuses «Rencontres d’Assise». Chefs spirituels hindous, bouddhistes, chrétiens, musulmans et juifs se rejoignent dans la prière, reproduisant le geste d’amitié et de partage de saint François lors de sa rencontre avec le sultan d’Egypte.
En 1993, le pape polonais revient une nouvelle fois à Assise pour promouvoir la cause de la paix, sous la protection de saint François d’Assise. Sur son tombeau, il déclare: «L’histoire de l’Eglise, à la fin du deuxième millénaire, écrit à nouveau l’histoire de François. François est nécessaire, pour l’Eglise et pour le monde, pour écrire les nouveaux chapitres de son histoire». En janvier 1998, son voyage à Assise est la dernière étape d’un déplacement pour rencontrer les victimes d’un grand tremblement de terre qui a dévasté l’Ombrie le 26 septembre 1997. En 2002, il revient à nouveau lors d’une rencontre interreligieuse, renouvelant sa demande à Dieu du «don de la paix».
En 2007, le pape Benoît XVI vient rendre hommage au saint d’Assise, renouvelant l’importance de la figure franciscaine dans le dialogue entre les hommes de toute foi sur Terre: «François peut nous aider à dialoguer de façon authentique, sans tomber dans une attitude d’indifférence à la vérité ou d’atténuation de notre annonce chrétienne ». Il revient en 2011 pour apporter son regard sur les «Rencontres d’Assise», appelant à devenir à la fois pèlerin «pour la vérité» et «pour la paix».
Le pape François – le premier à choisir le nom du Poverello – s’est déjà rendu deux fois à Assise. Il était déjà venu à l’occasion de la fête de saint François le 4 octobre 2013. Il avait d’ailleurs expliqué le choix du nom de François: selon lui, le saint a été «un homme qui s’est dépouillé et a revêtu du Christ et, à l’exemple du Christ, a aimé tout le monde, en particulier les plus pauvres et les plus abandonnés, a aimé la Création de Dieu avec émerveillement et simplicité».
Le 20 septembre 2016, le pape François est retourné à Assise pour participer, dans la continuité de ses deux prédécesseurs, à une Journée de prière pour la paix, confirmant que la petite ville d’Ombrie est, pour les récents pontife, la «capitale de la paix». (cath.ch/imedia/cd/bh)
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