›N’oublie pas les pauvres’. C’est cette petite phrase glissée par le cardinal Claudio Hummes à son oreille lorsque qu’il fut élu qui poussa le 266e pape à choisir le nom de François, avait confié l’intéressé trois jours après son élection. Ainsi le premier pontife latino-américain de l’Histoire plaçait pour la première fois un pontificat sous le patronage du Poverello, cet homme qui avait donné sa vie pour les plus démunis. Dès sa messe d’installation, le nouveau pape avait d’ailleurs choisi d’assumer cette couleur franciscaine en demandant aux frères du couvent de La Verna (Italie) d’en assurer le service liturgique.
Cet amour inconditionnel pour les pauvres et cette volonté de dépouillement a en effet irrigué les sept années de pontificat du pape François. Par sa volonté de réformer la Curie romaine, ses voyages dans les lieux les plus reculés de la planète «aux périphéries», ses injonctions appelant à en finir avec la «culture du déchet» ou encore ses fréquentes visites improvisées dans les lieux d’accueil de sans-abris de Rome, le «pape des périphéries» n’a eu de cesse de distiller cette pauvreté franciscaine au sein de l’Eglise. Sa simplicité vestimentaire ou encore sa décision de préférer la Maison sainte Marthe aux somptueux appartements pontificaux semblent encore illustrer sa proximité avec le Saint d’Assise.
Dans les pas du pauvre d’Assise, le pontife a aussi souhaité réfléchir à une économie différente. L’événement The Economy of Francesco adressé à de jeunes entrepreneurs et économistes qui doit se dérouler en novembre prochain démontre d’ailleurs à quel point il compte s’appuyer sur ce saint inconventionnel pour jeter les bases de l’économie de demain. «La pauvreté et l’austérité de saint François n’étaient pas un ascétisme purement extérieur, mais quelque chose de plus radical: un renoncement à transformer la réalité en pur objet d’usage et de domination», écrit-il dans Laudato si’.
Loin de se considérer lui même comme un spécialiste en économie, le pape sait s’entourer de personnalités cherchant à révolutionner le système par le franciscanisme à l’image de Sœur Alessandra Smerilli, conseillère de l’État de la Cité du Vatican, qui aime à rappeler que les disciples de Saint François ont inventé les « premières formes de microcrédit » ou encore les « Monts-de-piété ».
Chez saint François, il va sans dire que le pontife admire également cette capacité à louer et à protéger la Création, autre fil rouge bien connu de son pontificat. «Je crois que François est l’exemple par excellence de la protection de ce qui est faible et d’une écologie intégrale, vécue avec joie et authenticité», assure-il dans sa deuxième encyclique, dont-il faut rappeler que le titre est tiré du Cantique des Créatures. Le pape argentin semble forger son regard contemplatif auprès du Poverello et lui confie tous ses travaux en liens avec la protection de l’environnement comme le dernier synode sur l’Amazonie. C’est ce même amour pour la Création qui le poussera à exhorter à maintes reprises les dirigeants de ce monde à s’unir pour protéger la planète.
La volonté de dialogue interreligieuse du pape tout comme son insistance à œuvrer à l’avènement de la paix mondiale ne peuvent pas non plus se comprendre sans une lecture franciscaine. C’est bien entendu en référence à la rencontre entre le saint d’Assise et le sultan al-Kamil en 1219 que le pape a effectué le premier voyage de l’histoire de la papauté aux Emirats arabes unis et signé le célèbre du «Document sur la fraternité humaine et la coexistence mondiale» en février 2019. A l’image du petit pauvre d’Assise dont la démarche paraissait complètement saugrenue à l’époque, le pape François a d’ailleurs essuyé, comme lui, bon nombre de critiques.
Pour porter au monde ce «programme franciscain», le pontife argentin s’appuie sur l’une des qualités fondatrice de l’Ordre des frères mineurs: l’humilité. Ainsi partage-t-il régulièrement son admiration pour cette vertu qu’il aime contempler chez le disciple et biographe de saint François: «Bonaventure a été celui qui organisa l’Ordre franciscain, mais à travers cette humilité liée à François. (…) Toutes les autres vertus dépendent de la vertu de l’humilité, elle est comme la gardienne et la beauté, le cocher de toutes les autres vertus, et tandis qu’elle nous rend patients, elle nous rend aussi magnanimes », explique-t-il alors qu’il est encore archevêque de Buenos Aires en 2011. Lors de ses rencontres avec les franciscains, le pape appelle d’ailleurs souvent à rejeter tout sentiment de supériorité et à préserver ce caractère «mineur» qui les caractérise.
Cette référence à l’humilité franciscaine a notamment été mise en lumière par le pontife en décembre 2019 lors de la publication par ses soins d’une lettre apostolique sur le sens de la crèche, dont saint François est l’inventeur. Au sanctuaire de Greccio (Italie), il a ainsi expliqué que cette tradition franciscaine qu’est la crèche est un appel à suivre le Christ «sur le chemin de l’humilité, de la pauvreté, du dépouillement» et avait encouragé à poursuivre son usage.
Avec cette nouvelle encyclique, le pape continue de placer ses pas dans ceux du Saint et choisit d’introduire comme il l’a fait pour Laudato si’ ce nouveau texte du magistère par ses écrits. En l’occurrence, le titre de la future encyclique est tiré de la sixième admonition du Saint : « Considérons, tous les frères, le bon Pasteur qui, pour sauver ses brebis, a supporté la passion de la croix ». À cette occasion, le 266e pape continuera d’enrichir l’Église de son regard franciscain et dévoilera sans doute un nouveau pan de la personnalité de François en lien avec la fraternité humaine et l’amitié sociale.
Reste que malgré cette prédominance franciscaine au fil de ses discours, le pontife est d’abord jésuite. Durant la conférence de presse lors du vol de retour du voyage à Rio de Janeiro, le 28 juillet 2013, il avait d’ailleurs réaffirmé son appartenance à son ordre : « Je me sens jésuite dans ma spiritualité ; dans la ligne des Exercices Spirituels, la spiritualité que j’ai dans le cœur. (…). Je n’ai pas changé de spiritualité, non. François, franciscain, non. Je me sens jésuite et je pense comme un jésuite. Non pas de façon hypocrite, mais je pense comme un jésuite ». Un jésuite à la spiritualité franciscaine? (cath.ch/imedia/cd/bh)
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