On notera d’abord que la notion même de génération future n’est pas aisée à définir. Il n’y a pas, effet, dans le monde présent, des générations purement futures, qu’on pourrait distinguer sans peine des générations antérieures ou présentes. Par définition, les générations se chevauchent et se recoupent. Chacun de nous fait partie de la génération présente, mais est dans une totale incertitude sur le moment exact où surgira la génération suivante.
Admettons qu’une génération dure environ 35 ans. Comme senior de 73 ans, né en 1947, j’appartiens en quelque sorte à une troisième génération. Même s’il est peu probable et pas forcément désirable que j’atteigne l’âge de 105 ans en 2052, je suis néanmoins en état théorique de faire partie d’une quatrième génération. Mes petits-enfants les plus âgés ont 18 ans, ils pourraient atteindre leur quatrième génération en 2l07. Quant aux nouveaux-nés de 2020, on peut envisager pour eux d’atteindre le seuil de l’an 2125. Ce genre de supputation reste bien approximatif eu égard aux règles démographiques, mais ces dernières restent elles-mêmes très dépendantes des aléas de la natalité et de la mortalité et donc des incertitudes de la finitude. D’un point de vue philosophique, il est totalement impossible de cerner les contours étanches des générations futures. Tout ce que l’on peut affirmer, c’est que les jeunes d’aujourd’hui ont plus de chances de voir le siècle suivant. Il est par contre très hasardeux de prétendre que le monde de demain appartient de ce fait aux générations futures.
«Les vieux peuvent contribuer tout autant à la vie démocratique que les jeunes»
Une autre question philosophique et théologique doit être posée. Qui est responsable du monde de demain, ou de l’avenir? A qui, en somme, appartient l’avenir? On voit bien le côté un peu artificiel de cette interrogation. Imaginer qui seront les hommes et les femmes aux prises avec le monde futur, c’est une chose. Par contre, on doit admettre que tous les êtres humains vivants sont responsables aujourd’hui du monde de demain. Les seniors et les personnes âgées le sont tout autant que les jeunes. Autant il est sensé d’abaisser l’âge de la maturité politique, autant il serait inepte de priver les aînés du droit de vote en arguant de leur «incompétence» de vieillards. Le droit de vote n’est pas une question de compétence liée à l’âge, mais de droit fondamental. Les vieux peuvent contribuer tout autant à la vie démocratique que les jeunes; la «sagesse» des anciens n’est pas moins nécessaire à la construction du futur que l’intelligence et le dynamisme des plus jeunes.
On voit, à cet exemple, que l’avenir est l’affaire de tous et ne représente en rien un monopole de la jeunesse.
Denis Müller
30 septembre 2020
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