Dans ce document d’une vingtaine de pages, le cardinal préfet Luis Ladaria Ferrer écrit que l’Eglise se sent le devoir d’intervenir pour «exclure une fois de plus toute ambiguïté sur l’enseignement du Magistère sur l’euthanasie et le suicide assisté». Le texte, signé symboliquement le 14 juillet, jour de la saint Camille de Lellis, patron des infirmières et infirmiers, a été approuvé par le pape François le 25 juin, qui en a ordonné la publication. L’agence I-media en publie ici de larges extraits.
«L’abus largement répandu des protocoles [médicaux applicables aux situations de fin de vie] dans une perspective euthanasique est préoccupant lorsque ni les patients ni les familles ne sont consultés dans la décision extrême. C’est notamment le cas dans les pays où les lois sur la fin de vie laissent aujourd’hui une large place à l’ambiguïté quant à l’application du devoir de vigilance, ayant introduit la pratique de l’euthanasie. Pour ces raisons, l’Eglise considère qu’il est nécessaire de réaffirmer comme enseignement définitif que l’euthanasie est un crime contre la vie humaine parce que, par un tel acte, l’homme choisit de causer directement la mort d’un autre être humain innocent.»
«L’euthanasie est donc un acte intrinsèquement mauvais, quelles que soient l’occasion ou les circonstances. L’Eglise a déjà affirmé par le passé de manière concluante que l’euthanasie est une grave violation de la Loi de Dieu, en tant que meurtre délibéré et moralement inacceptable d’une personne humaine. Cette doctrine est basée sur la loi naturelle et la Parole écrite de Dieu, est transmise par la Tradition de l’Eglise et enseignée par le Magistère ordinaire et universel. Une telle pratique implique, selon les circonstances, la malveillance propre au suicide ou au meurtre». Toute coopération matérielle formelle ou immédiate à un tel acte est un péché grave contre la vie humaine».
«L’euthanasie est un acte meurtrier qu’aucune fin ne peut légitimer et qui ne tolère aucune forme de complicité ou de collaboration, active ou passive. Ceux qui adoptent des lois sur l’euthanasie et le suicide assisté sont donc complices du grave péché que d’autres commettront. Ils sont également coupables de scandale car ces lois contribuent à déformer la conscience, même des fidèles».
«La vie a la même dignité et la même valeur pour tous: le respect de la vie de l’autre est le même que celui que l’on doit à sa propre existence. Une personne qui choisit en toute liberté de s’ôter la vie rompt sa relation avec Dieu et avec les autres et se refuse à être un sujet moral. Le suicide assisté augmente la gravité de la situation, car il fait partager son désespoir à une autre personne. L’aide au suicide est une collaboration indue à un acte illégal. De telles pratiques ne sont jamais une aide réelle pour la personne malade, mais une aide pour mourir».
«Les lois qui légalisent l’euthanasie ou celles qui justifient le suicide et l’aide au suicide, au nom du le faux droit de choisir une mort définie comme indûment digne uniquement parce qu’elle a été choisie, sont gravement injustes. Ces lois affectent le fondement de l’ordre juridique : le droit à la vie, qui soutient tout autre droit, y compris l’exercice de la liberté humaine. L’existence de ces lois nuit profondément aux relations humaines, à la justice et menace la confiance mutuelle entre les hommes».
«Dans certains pays du monde, des dizaines de milliers de personnes sont déjà mortes d’euthanasie, beaucoup d’entre elles parce qu’elles se sont plaintes de souffrances psychologiques ou de dépression. La demande de décès est en fait, dans de nombreux cas, un symptôme de la maladie elle-même, aggravé par l’isolement et le découragement».
«Au lieu de se complaire dans une fausse condescendance, le chrétien doit offrir au malade l’aide dont il a besoin pour sortir de son désespoir. Le bonheur ultime est au Paradis. Ainsi, le chrétien ne s’attendra pas à ce que la vie physique continue alors que la mort est manifestement proche. Le chrétien aidera l’homme mourant à se libérer du désespoir et à mettre son espoir en Dieu. Le malade qui se sent entouré de la présence humaine et chrétienne aimante, surmonte toutes les formes de dépression et ne tombe pas dans l’angoisse de ceux qui, au contraire, se sentent seuls et abandonnés à leur destin de souffrance et de mort».
«La médecine actuelle a les moyens de retarder artificiellement la mort, sans que le patient n’en retire un réel bénéfice dans certains cas. Dans l’imminence d’une mort inévitable, il est donc légitime, en science et en conscience, de prendre la décision de renoncer à des traitements qui ne feraient qu’entraîner une prolongation précaire et douloureuse de la vie, sans toutefois interrompre le traitement normal du malade dans de tels cas».
«L’alimentation et l’hydratation ne constituent pas une thérapie médicale au sens propre, car elles ne s’opposent pas aux causes d’un processus pathologique se déroulant dans le corps du patient, mais représentent une guérison due au patient, une attention clinique et humaine primaire et inévitable».
«Les interventions palliatives visant à réduire la souffrance des patients graves ou mourants peuvent consister à administrer des médicaments conçus pour anticiper la mort ou à suspendre/interrompre l’hydratation et la nutrition (…) sont toutefois assimilables à un acte ou une omission destinée à causer la mort et sont donc illégitimes. La diffusion progressive de ces réglementations, également à travers les directives des sociétés scientifiques nationales et internationales, outre qu’elle incite un nombre croissant de personnes vulnérables à choisir l’euthanasie ou le suicide, constitue une irresponsabilité sociale envers de nombreuses personnes, qui n’auraient besoin que d’être mieux soignées et réconfortées».
«Les soins palliatifs sont l’expression la plus authentique de l’action humaine et chrétienne d’assistance, le symbole tangible d’un «être» compatissant aux côtés de ceux qui souffrent. L’expérience montre que l’application de soins palliatifs réduit considérablement le nombre de personnes réclamant une euthanasie».
«L’individualisme (…) est à la racine de ce qui constitue la maladie la plus latente de notre temps : la solitude, qui, dans certains contextes normatifs, est même perçue comme le «droit à la solitude», à partir de l’autonomie de la personne et du «principe de permission-consensus» : une permission-consensus qui, compte tenu de certaines conditions de maladie ou d’infirmité, peut s’étendre au choix ou non de continuer à vivre. (…) Le concept de bien est donc réduit à être le résultat d’un accord social (…). Il en résulte un appauvrissement des relations interpersonnelles, qui deviennent fragiles, dépourvues de charité surnaturelle».
«Chaque malade a besoin non seulement d’être écouté, mais de comprendre que son interlocuteur «sait» ce que signifie de se sentir seul, abandonné, face à la perspective de la mort. (…) Face au défi de la maladie et en présence d’un malaise émotionnel et spirituel émerge, inexorablement (…) la nécessité de savoir dire une parole de réconfort, tirée de la compassion pleine d’espoir de Jésus sur la Croix».
«Il est nécessaire que les Etats reconnaissent la fonction sociale première et fondamentale de la famille et son rôle irremplaçable, également dans ce domaine, en lui fournissant les ressources et les structures nécessaires pour la soutenir».
«Le confesseur doit veiller à la contrition, nécessaire pour la validité de l’absolution, qui consiste en «la douleur de l’âme et la réprobation du péché commis, accompagnées de l’intention de ne plus pécher à l’avenir». Dans notre cas, nous nous trouvons face à une personne qui, au-delà de ses dispositions subjectives, a fait le choix d’un acte gravement immoral et y persévère librement. C’est une non-disposition manifeste pour la réception des sacrements de Pénitence, avec l’absolution, et l’Onction, ainsi que le Viatique. Cela implique également qu’une personne qui s’est inscrite dans une association pour recevoir l’euthanasie ou le suicide assisté doit manifester l’intention d’annuler cette inscription avant de recevoir les sacrements».
«Aucun geste extérieur n’est admissible de la part de ceux qui assistent spirituellement ces personnes malades qui puisse être interprété comme une approbation de l’action euthanasique, comme par exemple rester présent au moment de sa réalisation. Une telle présence ne peut être interprétée que comme une complicité».
«Il s’agit, en ce sens, d’avoir un regard contemplatif [sur les malades], qui sache saisir dans sa propre existence et dans celle des autres un miracle unique et irremplaçable (…). C’est le regard de ceux qui ne prétendent pas prendre possession de la réalité de la vie, mais savent l’accueillir telle qu’elle est, avec leurs efforts et leurs souffrances, cherchant à reconnaître dans la maladie un sens à partir duquel ils se laissent interroger et «guider», avec la confiance de celui qui s’abandonne au Seigneur».
«L’enfant est un patient spécial et nécessite une préparation particulière de la part de la personne qui s’occupe de lui, tant en termes de connaissances que de présence. L’accompagnement empathique d’un enfant en phase terminale, qui est parmi les plus délicats, vise à ajouter de la vie aux années de l’enfant et non des années à sa vie».
«L’utilisation des diagnostics prénataux à des fins sélectives est donc contraire à la dignité de la personne et gravement illicite car elle est l’expression d’une mentalité eugénique. Dans d’autres cas, après la naissance, la même culture conduit à la suspension ou au non commencement du traitement du nouveau-né, en raison de la présence ou même seulement de la possibilité qu’un handicap se développe à l’avenir. Même cette approche utilitaire ne peut être approuvée. Une telle procédure est non seulement inhumaine, mais aussi moralement et gravement illicite».
«Il est nécessaire que les États reconnaissent l’objection de conscience dans le domaine médical et des soins de santé, conformément aux principes de la loi morale naturelle, et surtout lorsque le service de la vie interpelle la conscience humaine au quotidien. Là où elle n’est pas reconnue, on peut arriver à la situation de devoir désobéir à la loi, afin de ne pas ajouter de l’injustice à l’injustice, en conditionnant la conscience des gens. Les travailleurs de la santé ne doivent pas hésiter à la demander en tant que droit propre et en tant que contribution spécifique au bien commun».
«Les soins palliatifs doivent être répandus dans le monde entier et il est nécessaire de mettre en place des cours diplômants pour la formation spécialisée des travailleurs de la santé. La priorité est également accordée à la diffusion d’informations correctes et étendues sur l’efficacité de soins palliatifs authentiques pour un accompagnement digne de la personne jusqu’à la mort naturelle. Les établissements de soins de santé d’inspiration chrétienne doivent préparer des directives pour leurs travailleurs de la santé qui incluent une assistance psychologique, morale et spirituelle appropriée comme composante essentielle des soins palliatifs».
«Reconnaître l’impossibilité de guérir dans la perspective proche de la mort ne signifie pas la fin de l’action médicale et infirmière. Exercer sa responsabilité envers la personne malade signifie assurer sa guérison jusqu’au bout : guérir si possible, prendre soin toujours. Cette intention de toujours prendre soin de la personne permet d’évaluer les différentes actions à entreprendre en situation de maladie «inguérissable / incurable» : incurable ne signifie pas que la personne doit être privée de soin». (cath.ch/imedia/ah/cp)
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