Le chef de l’Eglise maronite a réclamé à cette occasion la fin du «communautarisme politique» qui paralyse le Liban depuis des décennies.
Selon le système politique libanais – que les manifestations de rue depuis octobre 2019 veulent «dégager» – les quatre ministères dits «régaliens», à savoir les Affaires étrangères, la Défense, l’Intérieur et les Finances, sont répartis selon des critères confessionnels.
Lundi, le président libanais – de confession maronite – a déclaré ne pas voir de solution en l’état pour permettre la formation d’un nouveau gouvernement, alors que le blocage persiste autour de la question du portefeuille des Finances. Le «tandem chiite» majoritaire composé du Hezbollah et du mouvement Amal refuse de le céder.
Les partis chiites ripostent, en demandant alors que l’on applique le principe de la rotation aux trois présidences, car comme le veut une coutume en vigueur depuis 1943, les trois présidences sont réparties entre maronites (présidence de la République), sunnites (Premier ministre) et chiites (présidence de la Chambre des députés).
«Nous avons toujours appelé à l’abolition du communautarisme politique», rappelle le Conseil supérieur chiite. La communauté chiite dit rechercher une garantie qui lui permettrait d’exercer un contrôle sur le travail du pouvoir exécutif au même titre que les maronites.
Lors d’une conférence de presse dans la capitale libanaise, le président français Emmanuel Macron avait annoncé le 1er septembre 2020 la formation rapide – dans les 15 jours – d’un nouvel exécutif après une rencontre avec les principaux dirigeants politiques. Mais la classe politique – très discréditée au niveau de la rue, qui veut le départ de tous les caciques qui s’accrochent au pouvoir, avec le slogan «Tous, ça veut dire tous!» – n’est toujours pas parvenue à s’entendre sur la répartition des postes ministériels.
Dimanche, le patriarche maronite a accusé le binôme chiite – Hezbollah et Amal – d’entraver la formation du nouveau gouvernement. «A quel titre une communauté réclame-t-elle un ministère, comme s’il lui appartenait, et entrave la formation du gouvernement jusqu’à obtenir ce qu’elle veut, provoquant ainsi une paralysie politique ? Où la Constitution permet-elle un monopole sur un portefeuille ministériel ?», s’est interrogé Mgr Raï dans son homélie dominicale. «Nous refusons, pour des raisons constitutionnelles et non communautaires, l’exclusivité et le monopole», a-t-il lancé.
Le Conseil supérieur chiite a immédiatement dénoncé les propos «d’une grande autorité religieuse contre la communauté chiite». «Si nous demandons que la communauté chiite conserve le ministère des Finances, c’est en partant de la logique de veiller sur le partenariat national», argumente le Conseil supérieur chiite. «La politique d’exclusion et d’isolement (…) ne construit pas une nation, ne fait pas un Etat, mais contribue plutôt à frapper notre tissu national et à saper notre unité nationale», souligne le communiqué.
«Nous avons toujours appelé à l’abolition du communautarisme politique et à l’adoption de la citoyenneté comme critère dans le travail politique au sein d’un Etat juste, fondé sur l’égalité des droits et des devoirs, libre des privilèges communautaires», ajoute le Conseil supérieur chiite. Qui affirme que la classe politique libanaise est responsable de l’effondrement économique du pays. «Elle essaie une fois de plus d’imposer ses conditions à la formation du gouvernement alors qu’elle a provoqué l’effondrement à la suite d’une politique de quotas, de marchés, de gaspillage de fonds publics, de violation de la Constitution, et aujourd’hui elle essaie de s’imposer comme un sauveur pour la patrie», conclut la haute autorité chiite.
Le chef de l’Eglise maronite a dénoncé pour sa part les «marchands politiques» dont «l’argent accumulé sur le dos du peuple sera enterré avec eux». (cath.ch/orj/be)
Jacques Berset
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