L’évêque Benjamin, nouvel exarque patriarcal de toute la Biélorussie, relevant du Patriarcat de Moscou, estime que les membres du clergé doivent être «neutres» à l’égard des événements en Biélorussie et ne pas s’impliquer dans les conflits politiques.
Dans une interview à la chaîne de télévision russe RT, le métropolite de Minsk et Zaslav Benjamin refuse clairement l’idée d’octroyer l’autocéphalie à l’Eglise orthodoxe biélorusse – et par conséquent le détachement du Patriarcat de Moscou – réclamée par certains opposants politiques du pays.
Pour le chef de l’Eglise orthodoxe de Biélorussie, la tâche principale de sa communauté, en cette période de crise, est «la même dans tous les temps pour les membres du clergé: annoncer la Parole de Dieu à tous les hommes. C’est alors que tout revient à sa place et que toutes les tensions tombent, les justes solutions sont trouvées !»
Premier Biélorusse à diriger l’Eglise orthodoxe du pays en 31 ans de son existence en tant qu’exarchat du Patriarcat de Moscou, l’exarque Benjamin se prononce de façon à peine voilée contre le nationalisme.
Il relève que «dans la société, en général, il y a une demande pour que la langue biélorusse soit utilisée plus souvent, afin que notre conscience nationale se développe. Mais cette interpellation n’est pas si grande pour être placée en première place. Nous pensons que ce ne sera absolument pas une bonne perspective pour l’Eglise, si le critère national prédomine. Je pense qu’un bel exemple à ce sujet est le métropolite Philarète [Bakhromeev, qui dirigea l’Eglise biélorusse de 1978 à 2013, ndlr], qui a reçu le titre de héros de Biélorussie. Or, il est né à Moscou, la Biélorussie est pour lui aussi chère que la Russie et Moscou».
Commentant les événements actuels en Biélorussie, alors que «certaines forces tentent de s’immiscer dans les affaires de l’Eglise orthodoxe et de l’Eglise catholique», Mgr Benjamin estime que la position de l’Eglise doit être neutre.
«Elle doit rester le lieu de rencontre entre les gens qui ont des points de vue politiques différents, qui ont différents niveaux d’instruction, différents intérêts. Il faut que les gens se sentent bien dans la maison de Dieu, qu’ils se trouvent dans la maison du Père céleste. Et la position de l’Eglise doit être, d’une part, neutre et au service de la réconciliation, d’autre part elle doit annoncer la Parole de Dieu non pas en cherchant à l’imposer, mais avec amour. La Parole de Dieu dit où est la vérité, où est le mensonge, où est le péché, où est la vertu et elle dit comment s’efforcer dans la situation actuelle de retrouver, à l’aide des vertus, le chemin d’une Biélorusse calme, paisible».
Interrogé par RT sur le fait que de nombreux prêtres, dans leurs prédications, et simplement dans leurs commentaires, parlent de politique, le chef de l’Eglise biélorusse déclare que «si nous, membres du clergé, nous occupons de politique, qui alors guidera le peuple dans la Loi divine ? L’immersion dans la politique laisse son empreinte sur l’âme et la parole n’est alors plus aussi impassible et équilibrée, elle n’est pas basée sur l’Evangile. La logique, les désirs, les sens, les aspirations s’en mêlent. On souhaite aider les gens, mais ce faisant, on ne se demande pas quelle est la volonté de Dieu, quelle est la voie agréable à Dieu, et que dit de cela l’Evangile. Aussi, la tâche des membres du clergé est avant tout de parler de la vertu et du péché, de la voie vers le redressement, de surmonter les péchés et les fautes du passé et du présent, d’appeler à l’union, à l’unité de notre société sur le fondement des valeurs chrétiennes et spirituelles».
Concernant les relations entre les confessions en Biélorussie, Mgr Benjamin pense qu’elles n’ont pas changé. «La seule question est que la situation actuelle laisse ses traces sur nous tous (…) Actuellement [en raison de la pandémie, ndlr], les occasions de rencontres ou d’événements qui témoigneraient de nos bonnes relations sont moindres. Pour ce qui concerne la bienveillance, cela a toujours été inhérent à notre terre. Bien sûr il faut garder cela. Que Dieu ne fasse pas qu’il y ait encore des divisions sur la base religieuse. De notre côté, nous ne nous préoccupons pas seulement de nos fidèles. Nous vivons des moments qui d’une façon ou d’une autre se reflètent dans toute la société biélorusse, indépendamment des convictions religieuses des gens, voire même s’ils sont incroyants, athées. Ce sont nos concitoyens, nos frères, bien que ce ne soit pas en Christ, mais ce sont des frères comme enfants de Dieu, enfants d’Adam».
Certains dirigeants de l’opposition prônant l’autocéphalie de l’Eglise biélorusse, pour la détacher de Moscou, Mgr Benjamin considère que «ce sujet est quelque peu imposé de l’extérieur. Un tel besoin à l’intérieur de la Biélorussie est inexistant. Les siècles précédents l’ont montré: lorsque cette question a été soulevée, en règle générale se trouvaient derrière les ‘autocéphalistes’ un groupe de gens qui d’une façon ou d’une autre n’arrivaient pas à faire leurs preuves ici dans la patrie. Maintenant à ce sujet, ce sont plutôt des laïcs qui en parlent, qui veulent par cela promouvoir leurs idées. Mais il n’y a absolument pas aucune nécessité à cela. (…) Il faut rester vigilant et éviter toute velléité à soulever cette question [de l’autocéphalie] d’une façon ou d’une autre».
Prêchant la réconciliation et estimant qu’il faut éviter un scénario de division semblable à ce qui s’est passé en Ukraine, le chef de l’Eglise orthodoxe de Biélorussie souhaite voir «un mouvement qui doit se faire pas-à-pas, pour avancer. Et ce mouvement doit tenir compte du fait que les erreurs, les péchés qui ont été commis dans cette confrontation doivent être expiés, que le repentir doit être apporté. Ceux qui ont permis des actes incorrects, bien sûr, doivent être punis du point de vue humain. Mais en même temps, il faut prendre conscience qu’outre la société humaine, Dieu jugera encore les hommes, Il récompensera les bonnes œuvres et punira les œuvres mauvaises. Moyennant quoi, Il fera justice même des actions, des pensées, des sentiments qui sont invisibles aux hommes». (cath.ch/rt/orthodoxie.com/be)
Jacques Berset
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